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  • La circulaire relative à l’exécution de la loi de finances 2025 de l’État du Cameroun, prévoit une fiscalité spéciale pour lutter contre la déforestation. Parmi les mesures, est acté un abattement de 20% de la valeur FOB (valeur du produit embarqué dans un bateau pour exportation, NDLR) pour l'hévéa, le cacao et le bois en grumes, et qui disposent « d'un certificat délivré par le ministère technique compétent, attestant de leur conformité aux normes de lutte contre la déforestation ». Une mesure qui interroge les experts du secteur.

    Samuel Nguiffo est le directeur du Centre pour l'environnement et le développement (CED) à Yaoundé, capitale du Cameroun. Avocat, il a fait de la lutte contre la déforestation l'un de ses chevaux de bataille. S'il voit dans cette mesure une volonté de répondre aux nouvelles normes européennes, il s'interroge sur la certification.

    « Pour le bois, il n'y a pas de norme en matière de lutte contre la déforestation dans la législation camerounaise. Donc, on ne voit pas très bien à quoi est-ce que cet article 10 de la loi des finances fait référence en parlant d'attestation de conformité aux normes en matière de lutte contre la déforestation », questionne-t-il. En plus des recherches menées par son organisation, « on peut avoir une attestation de conformité à la législation forestière, mais quand on regarde le contenu de la législation forestière, on ne garantit pas la durabilité de l'exploitation du bois ».

    Au-delà de la question de l'applicabilité de cette mesure, Samuel Nguiffo s'inquiète du message que ferait passer cette mesure. « C'est un message qui dit, ''vous pouvez continuer à couper du bois en grumes, et vous pourrez même avoir un abattement à l'exportation'' », détaille, déçu, le défenseur de l'environnement. « Je me serais attendu à ce qu'il y ait un abattement de cette nature-là pour les compagnies qui exportent du bois transformé. Donc il y a une incitation à aller le plus loin possible dans la transformation, à aller vers des produits finis », poursuit-il, estimant que cela pousserait les compagnies à investir dans la transformation au Cameroun. Et de conclure : « Je suis d'avis qu'il faut décourager totalement les exportations de bois en grumes. »

    Alain Karsenty, économiste et chercheur au Cirad, est spécialiste de ces questions. Pour lui, une manière d'encourager la production de matières premières ou de produits agricoles ou forestiers durables, « c'est de jouer sur la fiscalité ». Donc oui, pour lui, ce type d'initiative « est une bonne chose ». Cependant, il s'étonne des choix réalisés par les autorités camerounaises. « C'est une baisse unilatérale de 20% sur la taxe d'exportation, c'est quand même beaucoup. C'est très étonnant parce qu'ils sont en tension budgétaire. Donc là, ça veut dire qu'ils acceptent de faire des sacrifices budgétaires », constate l'expert.

    Lui préconise plutôt un « bonus malus » pour ne pas peser sur les États déjà sous tensions budgétaires. « Les systèmes que je propose sont des systèmes dans lesquels ils ne perdent pas d'argent, puisque qu'il y a du bonus que s'il y a du malus. C'est-à-dire, le malus, c'est qu'on augmente progressivement une taxe sur les produits qui sont non certifiés, non durables, non tracés », détaille-t--il.

    Pour Alain Karsenty, nul doute qu'il s'agit d'une mesure prise pour s'aligner sur les recommandations du Fonds monétaire international, ceci afin de pouvoir décaisser les 183 millions de dollars de prêt obtenu auprès du Fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité de l'organisation.

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  • Deux véhicules sur trois produits en Afrique du Sud sont destinés à l’export, principalement vers l’Union européenne et les États-Unis. La nouvelle administration Trump rend l’avenir de la filière automobile sud-africaine bien incertain.

    De notre correspondant à Johannesburg,

    L’industrie automobile sud-africaine compte sur les États-Unis : en 2023, c’est plus de 1 milliard d’euros d’exportations. Et si le protectionnisme de Donald Trump pourrait avoir un impact dévastateur pour l’Afrique du Sud, Norman Lamprecht, du Conseil économique de l’automobile en Afrique du Sud, reste confiant : « Aucun pays n’est autosuffisant. Chaque pays importe et exporte. Et je pense qu’il faut aussi être réaliste vis-à-vis de ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, parce que vous avez toujours besoin d’importer depuis d’autres pays — des matières premières pour les véhicules électriques en provenance d'Afrique du Sud et d’Afrique par exemple. »

    Trump hostile au Brics et à l’Agoa ?

    Selon le spécialiste du secteur, « les États-Unis risquent alors d’être perdants si toutes ces opportunités sont saisies par des pays comme la Chine. Je pense donc qu’il faut vraiment être réaliste, et je suis sûr que le président Trump a beaucoup de conseillers à ce sujet. »

    Reste que Donald Trump affiche une certaine hostilité vis-à-vis de l’Afrique du Sud, et des Brics en général. Le doute plane concernant l’avenir de l’Agoa, un pacte commercial mis en place par les États-Unis dans les années 2 000, qui favorise les échanges de marchandises avec certains pays africains, monnayant très peu de droits de douane.

    Un pacte qui a permis un boom des exportations de véhicules sud-africains, +500 % en un peu plus de 20 ans. « Si Trump revient sur la participation de l’Afrique du Sud au sein de l’Agoa, cela affectera notre industrie nationale », assure Brandon Cohen, porte-parole de l’Association nationale des concessionnaires automobiles.

    Possibles dommages collatéraux

    L’avenir de ce traité sera donc décisif pour l’industrie automobile sud-africaine. Mais pour l’économiste Xhanti Payi, il y a également d’autres menaces avec ce retour de Trump au pouvoir. « Aujourd’hui, on ne peut pas savoir quelles seront les futures relations économiques avec les États-Unis. Mais moi, ce qui me préoccupe, ce sont les répercussions sur l’Afrique du Sud des politiques menées par les États-Unis dans son propre pays, précise-t-il. Des droits de douane qui ne seront peut-être pas appliqués à l’Afrique du Sud, mais à d’autres partenaires commerciaux, et qui pourront avoir une incidence sur les prix et les taux d’intérêt. Avec un impact sur la finance mondiale qui nous affectera. Donc, oui, l’inquiétude est là ».

    Une baisse des exportations sud-africaines pourrait aussi pousser des concessionnaires présents en Afrique du Sud à reconsidérer leur implantation dans le pays.

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  • Ce lundi 20 janvier, Donald Trump devient à nouveau président des États-Unis. Sa politique va être suivie de près par beaucoup sur le continent africain, notamment au Kenya. Joe Biden et William Ruto s’étaient rapprochés. Le chef d’État kényan avait même été reçu en grande pompe à Washington l’année dernière. Les industriels kényans particulièrement vont suivre avec attention les premières mesures de l’administration Trump, les États-Unis figurant parmi les plus importants marchés d’exportation du pays.

    De notre correspondante à Nairobi,

    Les États-Unis représentaient en 2023 le cinquième marché à l’exportation du Kenya, selon des chiffres des autorités kényanes. Des exportations qui ont augmenté sous l’Agoa, la loi sur la Croissance et les opportunités économiques en Afrique qui permet aux producteurs kényans d’exporter leurs produits vers les États-Unis sans droits de douanes. Mais le programme se termine en fin d’année et l’administration Trump pourrait affecter son renouvellement.

    « Le nouveau président Trump a un objectif assez clair en ce qui concerne la promotion des entreprises américaines. Il veut une relation bilatérale qui revient à : je gagne, tu gagnes », explique Tobias Alando, le PDG de l’Association kényane des fabricants. Des échos reçus par le PDG, l’Agoa pourrait être renouvelée, mais avec de nouvelles contraintes. « Ça nous inquiète parce que nous ne sommes pas à des niveaux comparables en termes de puissance économique, de marchés, de technologies... Donc, nous ne pouvons pas négocier avec les mêmes exigences », souligne Tobias Alando.

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    Secteurs du textile et de la santé tributaires des États-Unis

    Une inquiétude partagée par un grand nombre d'industriels kényans. Si l’Agoa n’était pas renouvelée, les emplois créés grâce à cette loi disparaîtraient, craint-il. « Je reçois constamment des appels des fabricants de textiles qui me demandent des nouvelles. Le secteur du textile serait le plus affecté, car c’est celui qui exporte le plus vers les États-Unis. Et probablement les produits frais. Les autres produits bruts devraient réussir à compenser avec d’autres partenaires commerciaux », détaille encore Tobias Alando.

    Le Kenya porte notamment ses espoirs sur l’Union européenne. Un accord commercial a été signé en 2023, garantissant un accès sans taxes douanières aux produits kényans importés dans l’UE. Mais le gouvernement de Trump pourrait avoir des conséquences plus larges sur l’économie kényane. « Nous ne savons pas comment vont réagir les Républicains une fois à la Maison Blanche. Il pourrait y avoir des coupes en termes d’aide au développement ou des demandes faites en termes d’échanges commerciaux », insiste XN Iraki, économiste et professeur à l'Université de Nairobi.

    « Ce qui est sûr, c’est que le secteur de la santé est très dépendant de l’aide américaine, notamment la lutte contre le VIH. Nous avons aussi un certain nombre d’agences américaines qui sont basées au Kenya, qui créent de l’emploi. Donc, un changement de politique étrangère pourrait avoir des conséquences pour le Kenya », analyse-t-il. Autre enjeu : les transferts d’argent issus de l’émigration. Les États-Unis en sont la première source pour le Kenya.

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  • Les opérateurs économiques sont avant tout inquiets et dans l’attente d’un apaisement depuis octobre et l'aggravation progressive de la brouille diplomatique entre Paris et Alger. À part quelques signaux récents de tension dans le commerce du blé ou des retards dans le redémarrage de Renault en Algérie, le commerce bilatéral n'a pas subi de perturbation majeure.

    Les signaux de tension existent sur le terrain économique entre l’Algérie et la France. Le groupe français Renault n’a toujours pas obtenu l’autorisation de relancer sa production, alors que le constructeur français s'était adapté aux nouvelles réglementations algériennes. « Renault a fait de gros efforts d'investissement pour demander à ses sous-traitants de fabriquer en Algérie, souligne Michel Bisac, le président de la Chambre de commerce algéro-française. Donc, normalement, Renault devrait obtenir ses autorisations. Mais le contexte politique n'est pas du tout favorable. »

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    Blé français de mauvaise qualité cette année

    Le blé français est également boudé par l’Algérie depuis octobre, un seul bateau est parti sur cette campagne, soit 31 000 tonnes, contre 1,6 million de tonnes habituellement, mais pour des raisons qui sont loin d'être uniquement politiques. « La qualité était vraiment mauvaise en début de campagne, souligne le courtier en céréales Damien Vercambre. Les silos portuaires ont commencé à la travailler, c’est là qu’il aurait fallu une collaboration entre la France et l'Algérie. Mais la porte s'est refermée. L'Algérie a trouvé d'autres fournisseurs, essentiellement de mer Noire. »

    Inquiétude exagérée des opérateurs ?

    Pour l'heure, la brouille diplomatique entre Paris et Alger a surtout un impact psychologique sur les opérateurs. « Nous ne voyons pas du tout l'impact aujourd’hui, observe l’homme d’affaires algérien Slim Othmani. En revanche, évidemment, les entreprises françaises s'interrogent sur les conséquences que cela pourrait avoir sur leurs activités en Algérie. ».

    Inquiétude palpable parmi les adhérents de la Chambre de commerce algéro-française, qui regroupe 400 entreprises françaises et 2 400 entreprises algériennes. Son président Michel Bisac veut néanmoins temporiser. « Il faut faire attention à ce qui relève un petit peu du fantasme et de la réalité. Beaucoup d'entreprises mettent sur le dos de la situation actuelle certains blocages, mais c'est peut-être aussi parce qu'il y a des excès de zèle de l'administration algérienne. »

    « Il n'y a pas de rupture commerciale »

    Concrètement, il n'y a pas de perturbation majeure du commerce bilatéral, en 2024, selon les derniers chiffres des douanes. Les exportations de l’Algérie vers la France ont diminué de 12 %, mais les achats français de gaz naturel liquéfié algérien ont augmenté. Dans le même temps, les exportations de la France vers l’Algérie ont grimpé de 8 %. Et ce sont des fluctuations annuelles courantes. « Il faut être mesuré parce que les exports comme les imports de la France sont erratiques, rappelle Dhafer Saidane, professeur à Skema Business School. Il y a des années où le taux de croissance des imports et des exports est positif, d'autres années où il est négatif. En l'état actuel des choses, on ne peut pas tirer de conclusions structurelles. Pour moi, il n'y a pas de rupture commerciale. » Il est trop tôt, estime l'économiste, pour mesurer les conséquences éventuelles du différend politique franco-algérien.

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  • Le Togo est un gros consommateur de poisson : plus de 105 000 tonnes en 2022 selon le plan d'investissement dans la filière. Mais le pays n'en produit qu'une petite part localement. Deux milliards de francs CFA devaient être investis en 2024 pour le développement du secteur. Certains acteurs n'ont pas attendu pour se lancer dans l'aventure. À 200 kilomètres au nord de Lomé, dans le petit village de Nangbéto, se trouve Lofty Farm, la plus grosse ferme d'élevage de poissons du pays.

    Avec notre envoyé spécial à Nangbéto,

    Après un premier essai dans la banlieue Est de Lomé, au Togo, Pierrot Akakpovi, transitaire de formation, décide d'aller s'installer sur le site du barrage hydroélectrique « Fin digue de Nangbéto ». Là-bas, 12 000 hectares dont 2 à 6 hectares de terre ferme sont exploités. La profondeur de l'eau y est idéale, comprise entre 5 et 20 mètres. L'entrepreneur détaille les avantages de ce site : « Il y a la profondeur, la qualité de l'eau et les critères environnementaux. C'est plus spacieux. Le barrage de Nangbéto fait 180 km². » Le lieu est bien trouvé.

    Pierrot Akakpovi y produit des aliments pour la consommation des poissons, sa conservation et la mise en carton. Il emploie 300 personnes. Ce jour-là, le moulin tourne. On est à la production des aliments. Komi est sur la machine pour moudre un mélange de farine de blé, de maïs, de soja, de la sonde, du manioc sec et des asticots. « S'il n'y a pas de coupure de courant, on fait 230-250 sacs. Mais si la machine a des problèmes, on n'atteint pas cela », explique Komi.

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    Augmenter la production a un coût

    Dehors, des bacs au sol contiennent des milliers d'alevins qu'il faut nourrir et oxygéner. Nicolas surveille. Un aérateur très bruyant tourne en continu. Le processus est long pour arriver aux gros poissons d'au moins 500 grammes. « Nous sommes à plus de 13 tonnes de nourrissage par jour avec un prix moyen de 800 francs CFA. Cela fait plus de 10 millions de francs CFA que l'on jette dans l'eau chaque jour », souligne Pierrot Akokpovi.

    Le Togo a besoin de 6 000 à 7 000 tonnes de tilapia chaque année, et Pierro Akakpovi souhaite apporter sa pierre à l'édifice. « Nous sommes aujourd'hui à près de 30-35% de production en 2024. Cette année, nous souhaitons viser les 50%, ce qui voudrait dire que nous serions autour de 3 500 tonnes cette année », précise le patron. Une production pour l'instant consacrée uniquement à la consommation locale.

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  • Début janvier, des dizaines de milliers de visiteurs ont rejoint le CES (Consumer Electronics Show), gigantesque salon de la technologie, à Las Vegas. Et pour la première fois, un pavillon africain était présent. L'occasion de se montrer, en particulier pour des start-ups marocaines.

    De notre correspondant à Las Vegas,

    Il est un peu difficile à trouver, presque caché derrière la centaine de stands coréens. Mais le pavillon africain est bien là, à Eureka Park, l'espace du CES réservé aux start-ups. C'est une première. « Commencez petit, voyez grand », sourit Lamia Aamou. C'est elle qui a réuni ici un peu moins d'une dizaine de start-ups liées à l'Afrique.

    Objectif : promouvoir la tech locale. « L'Afrique a des besoins aujourd'hui. Et elle sait innover pour elle, c'est-à-dire que ces innovations, dans un premier temps, elles sont faites pour résoudre des vrais problèmes à destination des Africains. Notre challenge à nous, c'est comment faire pour que ces innovations, qui sont à destination des Africains et qui marchent très bien aujourd'hui, puissent atteindre le niveau mondial », développe Lamia Aamou.

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    Un nez électronique dépisteur de maladies

    Franco-marocaine, elle a profité de ses contacts avec l'UM6P, l'université Mohammed VI Polytechnique, pour trouver des « pépites ». Sensebiotek par exemple, avec son nez électronique. « On a développé un dispositif médical pour dépister l'odeur des maladies. Quand une maladie entre dans notre corps, notre odeur change du fait du métabolisme et des réactions immunitaires qui se passent à l'intérieur du corps. », explique le docteur Nabil Moumane

    Dans le stand voisin, on retrouve une autre start-up médicale, Deep Echo, fondée par Saad Slimani, un radiologue : « C'est une start-up qui utilise l'intelligence artificielle pour faciliter l'examen échographique. Notre outil permet en fait d'automatiser tout ce qui est estimation du bien-être fœtal. C'est bon à la fois pour l'éducation, donc des jeunes internes etc, et à la fois, c'est bien pour les médecins experts, pour leur faciliter le travail. »

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    S'ouvrir aux marchés européens, asiatiques et américains

    Le siège de Deep Echo est aux États-Unis mais son activité opérationnelle est au Maroc, pays qui intéresse Peter Townshend. Cet entrepreneur californien a participé au panel sur l'investissement en Afrique : « Les coûts sont moins élevés au Maroc. Les talents risquent moins de quitter l'entreprise qu'ici. Les start-ups marocaines expliquent qu'elles peuvent tester leur concept sur leur marché. Et c'est très bien. Mais si nous sentons qu'elles ne peuvent pas élargir ce concept aux marchés américains, européens et asiatiques, nous n'investirons probablement pas. » Autre piste de financement : attirer une partie des 100 milliards de dollars envoyés chaque année depuis l'Europe par la diaspora en direction de l'Afrique.

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  • À Maurice, le tramway introduit en 2020 est devenu un gouffre financier. Baptisé Metro Express, ce nouveau mode de transport en commun est destiné à désengorger le trafic entre les villes. Mais il accuse un déficit annuel de 300 millions de roupies, l'équivalent de 6 millions d'euros. Le nouveau gouvernement, en poste depuis novembre 2024, réclame des comptes et veut stopper l'hémorragie financière d'un projet qui plombe lourdement les finances publiques.

    De notre correspondant à Port-Louis,

    Présenté comme l'un des plus grands chantiers jamais entrepris à Maurice, Metro Express est devenu, selon le nouveau gouvernement installé en novembre, un gouffre financier insoutenable. Dans une déclaration à l'Assemblée nationale, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a placé le réseau ferroviaire en tête des sociétés étatiques déficitaires et a estimé qu'il était insolvable : « Metro Express est incapable de rembourser sa dette, un emprunt de 16 milliards de roupies (l'équivalent de 330 millions d'euros, NDLR) contracté auprès de l'Inde. »

    45 000 voyageurs par jour

    Opérationnel depuis janvier 2020, Metro Express relie les cinq villes de Maurice sur 30 kilomètres. Ses 18 trams desservent 21 stations, de Port-Louis à Curepipe. Environ 45 000 voyageurs, soit un tiers des usagers urbains, utilisent quotidiennement ce mode de transport apprécié pour son confort et sa rapidité.

    Cependant, sa rentabilité pose un sérieux problème. « Les coûts des opérations sont largement supérieurs aux revenus, déplore le ministre des Transports, Osman Mahomed. Je travaille sur un plan pour assainir le lourd impact de Metro Express Ltd sur les finances publiques. On ne peut pas ad infinitum faire de sorte que la compagnie soit financée par des fonds publics. »

    Metro Express dessert les zones les plus stratégiques du territoire, notamment les cinq villes du pays, ainsi que le technopole d'Ébène et la cité universitaire de Réduit. Selon la directrice générale au ministère des Transports, un compromis doit être trouvé. « Ce nouveau mode de transport a fidélisé de nombreux voyageurs à Maurice, notamment des voyageurs urbains, souligne Moheenee Nathoo. Il faudra continuer à offrir le même service, 45 000 voyageurs par jour, sans que cela impacte le coût des opérations. Nous mobilisons nos ressources au niveau de Metro Express Ltd afin de chercher à rendre le service rentable et de peser moins sur le budget national. C'est très important. »

    Vers une augmentation du prix du ticket ?

    Afin de rationaliser le service, le gouvernement envisage plusieurs mesures : une augmentation du prix du ticket – qui vaut en moyenne moins d'un euro en ce moment –, une révision des conditions de gratuité du service pour les seniors et les étudiants, ainsi qu'un report des prochains développements.

    Face aux critiques concernant le déficit du projet, les anciens administrateurs de Metro Express défendent un projet stratégique avec des bénéfices économiques, sociaux et environnementaux à long terme.

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  • Poumon économique de l'économie marocaine, le secteur du tourisme a réalisé des records en 2024, en générant plus de 10 milliards d'euros de revenus. Avec 17,4 millions de visiteurs, le Maroc devient le pays le plus visité du continent africain et ne compte pas s'arrêter en si bon chemin : 30 millions de visiteurs sont attendus en 2030.

    Les chiffres vont au-delà des objectifs de la feuille de route fixée par le gouvernement. Le Maroc bat son record absolu en terme de fréquentation avec une augmentation de 20% de visiteurs en 2024 par rapport à l'année précédente et tient la première place du podium sur le continent. Avec 12,7 milliards d'euros, l'industrie touristique égyptienne génère toujours davantage de revenus, mais en nombre de visiteurs, c'est bien le Maroc qui la surpasse.

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    Marrakech, la valeur sûre

    En tête des destinations privilégiées : Marrakech, qui cumulait déjà plus de 10 millions de nuitées enregistrées à la fin du mois de novembre. Ce couple venu du département de la Manche en France visite Marrakech pour la première fois. Ils confient : « On est venu là pour découvrir premièrement. Et puis deuxièmement, on est venu rechercher le soleil, la chaleur. Chez nous, il fait 5-6°, ici, il y a quand même presque 20° de plus. C'était le but recherché ».

    Autre destination qui connaît une forte croissance : le tourisme balnéaire à Agadir et ses environs, prisés des amateurs de surf. Renée a voyagé avec ses trois adolescents depuis les Pays-Bas. Elle profite du soleil de décembre à Taghazout et se prépare à entrer dans l'eau en combinaison pour profiter des vagues : « En fait, c'est ma deuxième fois. J'étais là l'année dernière et j'ai beaucoup aimé, donc j'ai décidé de revenir. Pourquoi ? Parce que c'est super joli. Le temps est magnifique et c'est super pour apprendre à faire du surf. »

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    Vols directs et surtourisme

    À ses côtés se tient Oussama, avec ses longs cheveux bouclés et dorés par le sel et soleil. Il est aujourd'hui professeur de surf à temps plein : « Il y a beaucoup de touristes, et d'année en année, ces plages deviennent de plus en plus connues. Il y a des gens qui viennent de partout dans le monde. »

    Même si les problèmes liés au surtourisme commencent déjà à faire surface au Maroc, le gouvernement préfère se féliciter pour ces bons chiffres, en très grande partie imputables aux contrats qui ont pu être signés avec les compagnies low cost. À titre d'exemple, pas moins de 34 lignes à petit budget relient la France au Maroc.

    « Cette croissance est due à une stratégie efficace, notamment l'amélioration de la connectivité aérienne avec des vols directs vers les principaux marchés émetteurs. Aussi, il y a eu des efforts de promotion et les performances de l'équipe de football nationale du Maroc au Mondial du Qatar qui ont renforcé le rayonnement international du Maroc », assure Zoubir Bouhoute, expert du secteur.

    Si à ce jour, 70% des touristes étrangers sont Européens, le Maroc entend attirer de plus en plus de touristes chinois, brésiliens ou canadiens en ciblant ces marchés et en menant des campagnes de promotion.

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  • Sénégal, Namibie, Ouganda, Mozambique... les projets gaziers et pétroliers pullulent sur le continent. Pour 2025, le mot d’ordre semble rester le même : explorer mieux pour exploiter plus.

    « 2025 sera l’année du "Drill baby drill" en Afrique », martelait NJ Ayuk, président de la Chambre africaine de l’énergie, sur la chaîne Arise News il y a quelques jours. Forer la terre partout où il le faudra, selon le lobbyiste en chef du secteur de l’énergie en Afrique, qui reprend le slogan de campagne de Donald Trump. « Nous allons forer partout sur ce continent. Les gouvernements doivent simplement mettre les foreurs du bon côté de la fiscalité pour avancer dans ces projets, poursuit-il. Je suis très enthousiaste. Nous allons accueillir l’administration Trump à bras ouverts et nous sommes prêts à travailler avec elle. »

    La Namibie en tête de proue

    L’exemple namibien déchaîne les passions. Le pays n’avait jamais sorti une goutte de pétrole et l’année dernière, plusieurs gisements, dont un estimé à 10 milliards de barils, y ont été découverts.

    Le projet gazier offshore mauritano-sénégalais Grand Tortue Ahmeyim suscitait aussi de grands espoirs lors de son lancement, mais il n’a débouché sur aucune autre découverte majeure, rappelle Benjamin Augé, chercheur à l’Institut français des relations internationales. « Depuis 2015, depuis la découverte de Grand Tortue, il y a eu énormément d’intérêt et finalement, ça a été largement douché. La production est cyclique et, à partir du moment où il y a une découverte dans un endroit, il y a un phénomène moutonnier qui se met en place, où toutes les majors accourent, mais il n’y a pas forcément davantage de découvertes. Ça a été le cas de l'Ouganda, ça a été le cas du Kenya. Il y a eu beaucoup de déceptions. Mais là, ce dont je vous parle en Namibie, c’est du “prouvé” — probablement autour des 500 000 barils par jour au moins. Ce genre de cas est rarissime ».

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    Baisse mondiale des investissements

    L'Algérie envisage de lancer des projets d’exploration d’hydrocarbures sur ses côtes ; la Libye se prépare à lancer son premier appel d’offres pour de la prospection depuis 2011 ; tous les pays producteurs s’agitent, mais pas simple de trouver les investissements. « Le contexte global mondial est à la baisse des investissements pétroliers et gaziers, poursuit Benjamin Augé, l’enveloppe qui reste, à peu près 1 000 milliards de dollars, va plutôt dans les zones faciles, où la gouvernance est plutôt bonne. On prend des risques dans des zones ou la sécurité n’est pas correcte et la gouvernance est mauvaise uniquement lorsque les découvertes sont très importantes. Donc, en Afrique, le cas le plus évident, c’est le Mozambique. Les projets de Total et d’ExxonMobil vont un jour se lancer parce que ce sont des projets avec des réserves absolument énormes ».

    Cette volonté d’aller plus loin se cogne à la réalité de l’investissement. L’idée de NJ Ayuk de la Chambre africaine de l’énergie est la suivante : stopper les financements verts pour l’Afrique et aller chercher l’argent du côté des banques américaines qui se retirent les unes après les autres de l’Alliance bancaire pour la neutralité carbone.

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  • Les cinémas de Côte d’Ivoire ont connu une année charnière en 2024, avec des ouvertures de salles et un chiffre d’affaires en croissance d’au moins 13 % par rapport à 2023, avec plus d’un milliard de francs CFA sur les dix premiers mois de l’année. Pour mesurer la dynamique du secteur, l’Onac-Ci, l’Office national du cinéma, publie le Côte d'Ivoire Cinéma - Box Office pour mettre un coup de projecteur sur le secteur, redynamisé, de l’exploitation cinématographique.

    De notre correspondant à Abidjan,

    La file d’attente s’allonge devant le Majestic Ficgayo. Des adolescents et des familles sont venus s’offrir une séance au cinéma de Yopougon, la plus grande commune d’Abidjan, pour la fin des vacances. Le ticket coûte 3 000 francs CFA pour un adulte, 500 francs de moins pour les enfants. Popcorn dans les mains, Franck est venu avec sa copine. « C’est la deuxième fois que je viens au cinéma de ma vie, confie le jeune homme. Nous sommes venus d’abord parce que c’est la période des fêtes. On a plus de temps, on voulait en profiter pour venir regarder un film au cinéma parce que c’est une autre expérience avec le grand écran. »

    Dans la salle de 300 places, le couple fait partie des 90 spectateurs présents. À l’écran, c’est Sonic 3, avec Jim Carrey, qui est projeté, un blockbuster familial américain. Les films produits ou coproduits aux États-Unis représentent 80 % de la part de marché des 280 000 entrées enregistrées sur les dix premiers mois de l’année 2024, selon le Box Office et, en moyenne, par séance, il faut compter une quinzaine de spectateurs.

    Le film d’horreur plébiscité

    Nancy Aka dirige Majestic One, premier exploitant du pays, qui tire 40 % de son chiffre d’affaires de la billetterie — le reste étant complété par la confiserie (30 %), la vente d’espaces publicitaires avant les séances (15 %), et la location de salles, entre autres. Pour la directrice générale du groupe ivoirien, il y a des formules gagnantes avec les spectateurs ivoiriens. « Ils adorent l’horreur !, observe-t-elle. On va dire qu’on a 35 % de notre public qui est âgé de 16 à 24 ans. Eux, ils vont vouloir des émotions fortes donc ils vont préférer l’horreur et les films d’action. Notre deuxième grand public, ce sont les 25-35 ans. Eux ont plutôt tendance à préférer la comédie. Donc, ça nous donne le top 3 en termes de genre qui marchent dans nos salles : horreur, ensuite action et enfin la comédie. »

    À cela s’ajoutent les films d’animation familiaux. Sur les dix premiers mois de l’année, Vice-Versa 2 s’octroie la première place, en attendant les bilans de Vaiana 2, Mufasa et Sonic, taillés pour les vacances de Noël. Dans ce contexte, les films ivoiriens sont moins exposés — une demi-douzaine ont été exploités en 2024, pour une part de marché inférieure à 5 %, avant tout des comédies, le genre-roi dans l’industrie ivoirienne, notamment incarné par l’acteur Michel Gohou, vedette du Gendarme d’Abobo. En 2023, Marabout Chéri de la réalisatrice et comédienne Khady Touré s’était aussi hissé à la deuxième place des longs-métrages les plus vus au box-office.

    Pathé, nouveau challenger

    Majestic One a passé près d’une décennie en quasi-monopole avec ses sept écrans, dont un ouvert à Yamoussoukro fin 2023. Depuis avril 2024, le groupe ivoirien voit sa position dominante remise en cause avec l’inauguration à Abidjan du complexe du français Pathé Cinémas. Six écrans, des projecteurs 4K et des tarifs bien plus conséquents, à partir de 4 000 francs CFA.

    Une compétition accueillie avec appréhension, mais finalement acceptée par Nancy Aka. « Ce n’est pas n’importe quel concurrent, concède celle qui tient les rênes de Majestic One depuis un an. Ils ont cent ans d’expérience, nous n’en avons que dix, et ils ont beaucoup plus de moyens. Mais le fait qu’ils soient venus s’installer en Côte d’Ivoire, ça prouve que nous avons eu raison de nous lancer il y a dix ans, en rachetant la salle de l’hôtel Ivoire en 2015. »

    Huit mois après l’entrée de Pathé sur le marché, la dirigeante juge que les tarifs pratiqués par Pathé induisent différents positionnements pour les deux sociétés. La société au coq occupe le terrain du premium, quand les cinémas Majestic ont l’ambition de la proximité. « Une salle a souffert quand même, celle de l’Ivoire, souffle Nancy Aka. Ça fait dix ans qu’elle est ouverte, et cette concurrence nous pousse à envisager des changements. » Jusqu’à rééquiper la salle de l’Ivoire ? « Joker », répond-elle.

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    Relancer les salles de cinéma sur tout le territoire

    Avec l’arrivée de Pathé, la Côte d’Ivoire compte désormais quinze écrans, dont treize à Abidjan, en comptant celui de l’Institut français, qui n’a pas une vocation commerciale. C’est encore loin de l’âge d’or du cinéma en Afrique de l’Ouest des années 1970 et 1980, quand le pays comptait une cinquantaine de salles réparties dans tout le pays. Aujourd’hui, l’une des priorités de la politique culturelle ivoirienne est de relancer des salles sur l’ensemble du territoire, selon Germaine Asso, qui suit l’exploitation à l’Office national du cinéma. « En 2024, il y a eu, je peux dire, un coup de fouet, avec le complexe de Pathé et l’ouverture de l’écran à Yamoussoukro à l’hôtel Président. C’est cette volonté-là du ministère de la Culture de rapprocher le cinéma de la population pour que les Ivoiriens puissent aller en salle. »

    Pour 2025, l’Onac-Ci pousse pour la réouverture d’une salle à Bouaké, la deuxième ville du pays. C’est également l’objectif de Majestic One, qui entend par ailleurs lancer un cinéma itinérant. Avec une idée derrière la tête : tester le marché dans d’autres communes d’Abidjan, mais aussi dans d’autres villes de Côte d’Ivoire. Et pourquoi pas y recréer des cinémas, en espérant un soutien des pouvoirs publics.

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  • Le canal de Suez a perdu 60 % de son trafic en 2024, bilan transmis fin décembre par l'amiral Osama Rabie, chef de l'Autorité du canal de Suez, au président égyptien lui-même. Le trafic y est fortement perturbé depuis plus d’un an : en cause, les attaques des rebelles houthis visant les navires transitant par la mer Rouge. Un manque à gagner énorme pour l’Égypte, alors que celle-ci a engagé des travaux pour améliorer le fonctionnement du canal.

    Le géant du secteur maritime Maersk est très clair quant à l’avenir de ses activités en mer Rouge : « Nous ne prévoyons pas d'emprunter à nouveau le canal de Suez avec nos grands navires en provenance d'Asie avant que la sécurité ne soit pleinement garantie pour le passage de la mer Rouge et du détroit de Bab-el-Mandeb, souligne l’entreprise dans un courriel envoyé à RFI. Le canal lui-même est sûr, mais il n'est pas possible de traverser la mer Rouge en direction de l'Inde et de l'Asie en sécurité. »

    7 milliards de dollars de pertes

    En 2024, l’Autorité du canal de Suez affirme avoir comptabilisé seulement 40 % du trafic habituel. La taille des bateaux a en particulier fortement diminué. « Ce sont des navires et des cargaisons dont les valeurs cumulées ne vont pas excéder 100 millions de dollars, précise Jérôme de Ricqlès, expert du transport maritime chez Upply. C'est à peu près le pivot au-delà duquel il n'est plus possible pour des questions principalement assurantielles de faire transiter des navires. Ça veut dire des petits porte-conteneurs essentiellement affectés à du trafic régional, pas du trafic est-ouest. »

    Problème d’assurance

    Le manque à gagner se monte à 7 milliards de dollars pour les autorités égyptiennes, alors qu’elles ont engagé d’énormes travaux pour élargir le canal, permettant notamment la duplication des voies. « Ce sont des travaux qui avaient été entrepris avant le 7 octobre 2023 et la finalité de ces travaux, c'est d'apporter une réponse pour qu'un nouvel Ever Given n'arrive pas », rappelle Jérôme de Ricqlès. Le 23 mars 2021, l’énorme porte-conteneur Ever Given s’échoue au travers du canal. Il bloque la circulation pendant près d’une semaine et cause des pertes pour le commerce maritime mondial, estimées par l’assureur Allianz à plusieurs milliards de dollars par jour.

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    Double peine pour l’Égypte

    « Les autorités du canal et les autorités égyptiennes ne peuvent pas se projeter dans l'avenir avec une situation de contournement par le cap de Bonne-Espérance qui dure, souligne Jérôme de Ricqlès. C'est pénalisant pour les marchandises, c’est pénalisant pour les supply chain et ce sont des surcoûts. » Aujourd’hui, le contournement par le cap de Bonne-Espérance engendre jusqu’à trois semaines de trajet supplémentaire. Et l’impact économique ne concerne pas uniquement le canal. « Quand on parle des pertes pour l'Égypte, c'est un peu la double peine : une peine directe par le non-transit et la non-perception des taxes et des droits, mais aussi un affaiblissement de l'économie égyptienne et de l'économie portuaire égyptienne qui a perdu pour ses ports un trafic important. »

    Pour les experts, aucun doute : une fois la situation sécuritaire normalisée, le trafic reprendra par le canal de Suez. Cette voie maritime est la plus courte entre l’Asie et l’Europe. Elle est également la plus intéressante économiquement.

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  • En janvier dernier, l’annonce du plan Mattei pour l’Afrique par la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni a d’abord ressemblé à un coup politique. Une coquille vide adossée à des fonds déjà alloués et à un nom, celui d’Enrico Mattei, le fondateur du groupe italien Eni, très présent dans les hydrocarbures en Afrique. Mais près d’un an plus tard, le partenariat, signé officiellement le 5 décembre dernier avec la Banque africaine de développement, lui confère plus d’épaisseur.

    Agir dans les domaines de la formation, de la santé, de l’accès à l‘eau et à l’énergie, des infrastructures... Le plan Mattei sur le papier, c’est in fine répondre à un double objectif : limiter l’afflux de migrants en Italie et offrir de nouvelles opportunités aux entreprises italiennes.

    Au total, 5,5 milliards d’euros sur trois ans, gérés par la caisse des dépôts et consignation italienne, en lien avec le cabinet de la Première ministre. Paolo Lombard, chef du département coopération de la Cassa Depositi e Prestiti [la Caisse des dépôts et de consignation italienne, NDLR]. « Les trois premiers milliards viennent du fonds italien pour le climat. Pour les 2,5 milliards d’euros restants seront pris dans le budget de l’aide au développement, dont une partie est dédiée au plan Mattei. ». À cela s’ajoutent aussi des crédits à l’export et des garanties apportées par l’agence italienne de crédit à l’exportation Sace.

    Expertise de la BAD

    Trop peu pour bousculer la hiérarchie européenne en matière de coopération et doper les entreprises italiennes au sud de la Méditerranée, critiquaient après les premières annonces certains observateurs italiens. Mais l’idée de Rome est aussi, grâce à cette mise de départ, d’attirer les contributions d’autres États, par exemple du Golfe.

    Pour structurer son action, l’exécutif italien a choisi de signer des partenariats avec la Banque africaine de développement. « La collaboration avec le groupe de la Banque africaine de développement a été cruciale pour assurer le soutien financier et technique, ainsi que mobiliser les ressources et l'expertise pour trouver des projets à financer par le plan Mattei », explique Giuseppe Venneri, membre de la task force du plan Mattei.

    Avec des premiers pays cibles comme le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, l’Égypte, l’Éthiopie, la Côte d’Ivoire, le Kenya et le Mozambique. Sans oublier le Congo, où Claudio Descalzi, actuel patron d’Eni, a dirigé la filiale du pétrolier dans les années 1990.

    Des infrastructures au capital investissement

    Du côté de la BAD, on est aussi satisfait par les perspectives de ce nouveau partenariat. « Le plan Mattei est vraiment centré sur l'action, souligne Solomon Quaynor, vice-président de la banque africaine. C'est donc une très bonne chose pour nous, de nous lancer dans de nouveaux domaines de collaboration. Nous avons commencé avec l'Alliance pour l'infrastructure verte en Afrique (AGIA), mais nous l'étendons maintenant à la fourniture de capital-risque pour la croissance des PME, mais aussi aux fonds de capital-investissement pour le développement d’infrastructures. »

    Fin 2024, Rome avait déjà annoncé le financement de certains projets comme le corridor ferroviaire menant au port angolais de Lobito et la production de biocarburants au Kenya piloté par Eni.

  • Il y a cinq ans, la crise du Covid-19 rappelait au monde l’importance de la souveraineté sanitaire. Produire et même créer, concevoir localement des médicaments, mais aussi des dispositifs médicaux pour pouvoir soigner sa population en toute indépendance est devenu un idéal à atteindre. En Afrique, des entreprises et des pôles de recherches commencent à émerger. C’est notamment le cas au Maroc.

    De notre correspondant à Rabat,

    C’est dans la banlieue de Rabat que Moldiag a installé son unité de production. Et pour y accéder, il faut montrer patte blanche. « On n’a pas le droit de rentrer sans ça », explique le docteur Abdeladim Moumen, le fondateur et directeur scientifique de Moldiag. Des équipements de protection (blouses, charlottes…) qui répondent à des normes strictes. Ici, la start-up fabrique des kits de diagnostic. « C’est unique en Afrique. Nous sommes les premiers à maîtriser toutes les étapes, depuis le développement qui est 100% marocain, jusqu’à l’industrialisation et la commercialisation », explique-t-il.

    Quatre salles en enfilade communiquent grâce à des passe-plats pour éviter toute contamination. Le processus de production est précis, le résultat de dix ans d’expérience dans le domaine. « On a mis au point six tests, en comptant celui du Mpox. Ils sont validés cliniquement et autorisés pour la commercialisation. On a déjà commencé à les commercialiser d’ailleurs », détaille le docteur Abdeladim Moumen.

    Des solutions adaptées aux besoins du continent

    Hépatite C, tuberculose, leucémie, Moldiag produit même, depuis peu, des tests PCR pour détecter le Mpox, qui ont été commandés par la RDC notamment. Un kit de diagnostic qui est parvenu à intégrer la liste des tests recommandés par l’Africa CDC, l’agence sanitaire de l’Union africaine, aux côtés de ceux mis au point par les grands laboratoires américains ou chinois.

    « Aujourd’hui, grâce à ces kits, on arrive à contribuer à la sécurité sanitaire de notre pays », se réjouit Nawal Chraibi, à la tête de Moldiag. Elle est aussi la directrice générale de la fondation MAScIR, un centre de recherches qui dépend de l’université Mohammed VI Polytechnique et qui a développé tous ces tests, permettant l’émergence de compétences locales.

    « On s’est rendu compte que les géants du diagnostic ne s’intéressaient pas forcément aux maladies qui touchent le continent africain », souligne la dirigeante. Atteindre la souveraineté sanitaire permettrait de répondre à ses besoins spécifiques, mais elle a un coût. « On ne peut pas faire de la recherche et investir dans les biotechnologies, les vaccins si notre marché est restreint, d’où la nécessité d’avoir un grand marché comme celui de l’Afrique. Le Maroc confirme actuellement sa volonté de devenir une plateforme de recherches sur le continent », analyse le docteur Hamdi Tayeb, chercheur en politiques et systèmes de santé. Aujourd’hui, l’Afrique importe encore 95% de ses médicaments et pratiquement tous ses vaccins.

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  • Officiellement, depuis le 31 décembre, l'importation de poulet congelé au Bénin est interdite, ceci dans l'objectif de favoriser le développement de l'élevage local, et de travailler à l'autosuffisance du pays. Le Bénin importe plus de 100 000 tonnes de poulet congelé chaque année à destination du marché local et pour la réexportation. Cette mesure satisfait la filière, même si des interrogations subsistent sur la capacité à produire les quantités suffisantes à des prix compétitifs.

    « L'essentiel est de produire et d'avoir les poulets pour qu'il n'y ait pas manque de poulets sur le marché, explique cet éleveur. Je suis en train de m'apprêter pour ça. » Hospice Akpovo élève des poulets de chair depuis 2018. À l'issue de l'annonce des autorités du Bénin, il n'hésite pas et engage rapidement des aménagements de son exploitation sur fonds propres et grâce au microcrédit. « Je faisais les poulets chair, mais pas en quantité. Je faisais 2 000, 3 000, mais vu l'interdiction des poulets congelés en cours, j'ai aménagé déjà deux bâtiments de 5 000 poulets. Les nouveaux bâtiments seront entièrement mécanisés », détaille l'entrepreneur.

    Un optimisme que veut partager l'interprofession avicole du Bénin. « Nous pouvons fournir. Dès 2025, les acteurs sont à même de produire déjà pour la consommation locale », assure Léon Anago, son président. L'interprofession a réalisé une cartographie des bâtiments déjà réalisés. « Nous avons déjà les formats qu'il nous faut, les modules de 5 000, de 10 000 que nous voulons mécaniser. Donc à ce niveau, aucun problème », rassure Léon Anago.

    Parmi les problématiques en cours de résolution : l'approvisionnement en poussins. « Il y a déjà des industries qui sont déjà installées au Bénin. Et par rapport à leur projection, le Bénin sera autosuffisant en matière de poussins à la fin du premier semestre », détaille le président de l'interprofession.

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    Des interrogations sur la filière avicole béninoise

    Malgré tout, des questions se posent encore : la disponibilité et les prix de l'alimentation en cas d'explosion de la production de volailles, la mécanisation des exploitations, l'accès aux financements pour les éleveurs ou encore des abattoirs en quantité suffisante... Autre sujet de préoccupation : les importateurs joueront-ils le jeu ?

    « Notre souhait au niveau de l'interprofession, c'est que les importateurs deviennent des experts en distribution, parce que ce sont des gens qui ont la maîtrise. Ils ont des chambres froides, ils ont la maîtrise de la conservation de ces produits, souligne Léon Anago. Ce sont eux qui l'importaient, ce sont eux qui distribuaient. Ça, c'est un travail que l'interprofession va se donner. Nous allons nous rapprocher d'eux pour que nous ayons des contrats. Au lieu d'être importateurs, qu'ils se reconvertissent dans la distribution. »

    Tout en rappelant que cette initiative est la troisième de ce type, l'interprofession salue la position volontariste des autorités. Hospice Akpovo espère, lui, que le marché va suivre, pour pouvoir rentabiliser d'ici à quelques années ses investissements.

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  • À Madagascar, des prêts sans cash, sans agence, accessibles depuis le téléphone le plus basique, c’est la promesse faite par Kred, le service de microfinance de la BNI, l’une des principales banques du pays. Lancé en 2019, le modèle digital et nomade de Kred a su se faire une place auprès de micro et petits entrepreneurs.

    Les appels de clients fidèles se succèdent dans ce magasin de vente de provende. À Iavoloha, en banlieue sud de la capitale, le local est devenu le repère des éleveurs de la zone, dépendants de ces graines pour nourrir leurs bêtes. Une réputation que sa gérante doit en partie au microcrédit. « Avant, j’avais des difficultés puisque dans le coin, il y a beaucoup de demandes, et je n’arrivais pas à toutes les honorer, se souvient Sandrah. Grâce aux prêts, j’ai pu étendre mon activité, ouvrir un second point de vente, acheter une voiture de fonction et une maison ! »

    Une procédure souple

    À Ivato, tout au nord de la capitale, « Hobi le tireur de charrette », comme il est surnommé dans le quartier, remplit ses bidons jaunes. Ce livreur d’eau potable a, lui aussi, donné une autre dimension à son affaire. L'entrepreneur en est à son cinquième crédit : 2 500 euros (12 millions d'ariarys) remboursables sur 18 mois. Autrefois locataire d’une modeste charrette, il a pu en acheter deux aujourd’hui, se professionnaliser et gagner des clients fixes. « J’étais conscient des risques et j’ai même eu peur d’aller en prison si je n’arrivais pas à rembourser, confie-t-il. Mais je me suis dit qu’il fallait vraiment que j’investisse dans l’activité, il fallait que ça marche. Le problème des gens ici à Madagascar, c’est qu’ils peuvent utiliser le prêt à des fins personnelles. »

    Son expérience réussie avec le micro-crédit, Hobi l’attribue aussi à la souplesse du modèle Kred : plus besoin de déplacements coûteux jusqu’aux agences, le contrat est signé sur tablette, au domicile du client. Plus besoin non plus de paperasse souvent impossible à réunir pour les entrepreneurs informels. « Je fais le dépôt d’argent sur mon téléphone, je tape un code, je suis les instructions, et mon remboursement passe directement, souligne-t-il. C’est facile, je ne perds pas de temps, je peux faire le remboursement de n’importe où, même la nuit, sans frais. »

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    Taux d'intérêt raisonnables

    Situés entre 20 et 33 %, les taux d’intérêt annuels pratiqués par Kred restent lourds à supporter, mais sont jugés raisonnables dans un marché où ils peuvent encore dépasser les 100 % dans d'autres organismes de microfinance. Pour éviter le piège du surendettement, l'un des effets pervers connu du micro-crédit, la BNI assume à Madagascar un ciblage sélectif. « Notre cible, ce sont les entreprises génératrices de revenus, en majorité des micro et petits entrepreneurs, des entrepreneurs semi-formels, que nous essayons de formaliser, explique Adrian Chindris, directeur général adjoint de la BNI et premier responsable de Kred. Avec une collecte d’informations qui est très bien ciblée, nous sommes capables de dire si le client est surendetté ou s'il est forcé de prendre un crédit chez nous pour résoudre d’autres problèmes de dettes. »

    Dans un pays où l’appropriation de la technologie reste une barrière, ce modèle digital et nomade a profité à ceux qui étaient prêts à l’adopter. Sans évincer le modèle classique de l'agence statique, Kred a poussé l’industrie bancaire à suivre la voie de la digitalisation.

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  • Le Maroc écoule de nombreux produits vers le Sénégal et la sous-région — matériaux de construction ou encore agrumes —, les deux pays sont proches. Aujourd’hui, plus de 70 camions arrivent chaque jour au Sénégal par la route. La nouvelle voie maritime Dakar-Agadir permettra de réduire les temps de transport et les coûts. Cette ligne entre dans une stratégie d’intégration régionale du Maroc, mais pourrait également offrir des débouchés pour les produits sénégalais.

    De notre correspondante à Dakar,

    Naji Boujemaa remplit chaque semaine un camion de marchandises qui fait l’aller-retour entre le Sénégal et le Maroc. « Il y a trop de marchandises qui viennent du Maroc : les peintures, les câbles. Par contre, côté Sénégal, on amène juste les effets personnels. Il n’y a pas vraiment de marchandises », détaille-t-il.

    Il faut compter plus d’une semaine de trajet entre Casablanca et Dakar en comptant les jours d’attente aux frontières. Un trajet coûteux et lourd en démarches pour ce Marocain installé au Sénégal depuis 15 ans. « Par voie terrestre, il y a le gazole, ça coûte 1 800-2 000 aller-retour. Et il y a la frontière de la Mauritanie. Il faut payer l’escorte pour 500-600, ça dépend du volume de marchandises », se plaint-il. Et puis il y a les démarches aux frontières. « Il y a un peu de dérangement au niveau des frontières : l’étape de vérification des bagages, il y a des scanners… », poursuit-il.

    La société britannique Atlas Marine, qui lance la nouvelle ligne maritime Agadir-Dakar, promet d’effectuer ce trajet en deux jours et demi, et assure qu’elle proposera un tarif compétitif qu’elle ne souhaite pas encore communiquer. Un bateau d’une capacité de 110 camions avec les chauffeurs fera la liaison une fois par semaine à partir de fin janvier. Un deuxième devrait être mis en service au printemps.

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    Rééquilibrer la balance commerciale

    « On aura maintenant des produits plus frais que d’habitude. C’est une excellente initiative », se réjouit Lahlou Sidi Mohamed, le président du Club des investisseurs marocains au Sénégal. Il attendait cette ligne depuis longtemps. La ligne renforce les bonnes relations entre le Sénégal et le Maroc, signataires d’une convention d’établissement depuis 1964 qui garantit les mêmes droits aux citoyens dans les deux pays. Elle entre aussi dans une stratégie plus large de développement marocain vers l’Afrique subsaharienne. « Cette ligne maritime pourra desservir avec les camions qu’elle pourra transporter les pays du Sahel, ces pays qui n’ont pas accès à la mer », souligne Lahlou Sidi Mohamed.

    Côté Sénégal, une liaison régulière avec Agadir permettrait de rééquilibrer la balance commerciale très déficitaire. Les importations en provenance du Maroc atteignaient 123 milliards de FCFA en 2023, contre 19 milliards pour les exportations. Les produits de la Casamance en particulier pourraient être écoulés plus facilement. « Nous avons pensé à un moment donné de pouvoir leur envoyer des mangues, des noix de cajou, des produits séchés et tout ça se trouve à Ziguinchor, note Abdoulaye Sow, président de la Chambre de commerce de Dakar. Donc si les camions viennent à Dakar, ils peuvent passer par Ziguinchor pour pouvoir amener des produits sénégalais. » Abdoulaye Sow souhaite donc que la ligne aille jusqu’à Ziguinchor. Lahlou Sidi Mohamed, lui, rêve qu’elle soit ouverte pour les passagers.

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  • Faire un gin haut de gamme uniquement avec des produits du continent africain, c’est le pari de Procera depuis Nairobi. C’est en réalisant qu’ils buvaient du gin fabriqué en Angleterre, mais avec des ingrédients produits en Afrique, que les deux fondateurs ont eu l’idée de lancer leur propre distillerie dans le pays.

    De notre correspondante à Nairobi,

    Du gin s’écoule de la machine à distiller. C’est ici, dans un hangar en bordure de Nairobi, que Procera fabrique son alcool, sous la supervision de John Kioko, le maître distillateur. « Là, c’est du concentré, nous sommes en train de distiller un de nos gins, le Blue dot. Pour l’obtenir, nous faisons macérer tous les ingrédients végétaux moulus en les mettant dans une taie d’oreiller, que nous jetons dans un mélange d’alcool neutre et d’eau. Le tout est chauffé à 45 degrés et macère toute la nuit. C’est un processus qui dure environ 15 heures. ».

    Du poivre rose de Madagascar à la cardamome de Zanzibar

    Le gin Blue dot est conçu avec 11 ingrédients végétaux. Du poivre rose de Madagascar à la cardamome de Zanzibar : tous sont issus du continent. L’ingrédient star est le genévrier d’Afrique. Un arbre qui pousse sur les hauts plateaux du Kenya. Cette variété fait le secret de Procera, selon Guy Brennan, co-fondateur de la marque.

    « Nous avons le meilleur genévrier du monde. Le genévrier d’Afrique pousse le long de l’Équateur, donc il reçoit quatre fois plus de soleil que les genévriers utilisés pour les autres gins. Ses arômes sont plus intenses, plus riches, plus savoureux, pointe le co-fondateur de Procera. Autre point tout aussi important, nous utilisons les baies de genévrier fraîches et non séchées. Aucun autre gin ne fait ça. À Procera, nous avons la possibilité de le faire, car nous récoltons directement auprès des agriculteurs. Et cette distillation des baies lorsqu’elles sont fraîches permet d’obtenir une certaine longueur en bouche, une viscosité que l’on n’obtient pas avec des baies séchées. Aucun autre gin ne fait ça. »

    Pionnier dans le haut de gamme

    Le gin se veut entièrement africain. Jusqu’à la bouteille en verre, soufflée à Nairobi. Une centaine est produite par jour. Procera cherche aujourd’hui à agrandir sa production, loin des débuts, se souvient Guy Brennan : « Nous étions la première distillerie artisanale ici au Kenya. À l’époque, il y avait surtout des entreprises qui mélangeaient de l’éthanol avec des arômes. C’était un défi pour nous parce que les autorités ne savaient pas vraiment comment nous réguler, explique-t-il. Il reste encore des défis pour les distilleries qui essayent de s’installer aujourd’hui, mais il y en a de plus en plus. C’est motivant de voir ce mouvement émerger. Mais il faudrait que les autorités comprennent qu’elles peuvent en tirer des revenus et qu'elles soutiennent ces nouveaux entrants plutôt que de bloquer l’obtention de certaines licences. Le Kenya pourrait devenir le cœur de la distillerie artisanale en Afrique. »

    Aujourd’hui, Procera n’est plus la seule marque à distiller son gin au Kenya. Mais son marché est spécifique. C’est un produit haut de gamme. 89 dollars pour la version Blue dot de 700 ml. 124 et 159 dollars pour les éditions limitées.

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  • Pour attirer les investissements étrangers dans ses mines ou ses infrastructures, la RDC s’est lancée dans une opération séduction, via les zones économiques spéciales, mais aussi par des tables rondes et des sommets, à Paris, à Berlin, ou en Afrique du Sud. Il s’agit de rassurer les entreprises locales sur le climat économique du pays.

    De notre correspondante à Johannesburg,

    Pour convaincre les investisseurs étrangers, les représentants congolais participent à des dîners d’affaires, comme dans cet hôtel chic du quartier de Sandton, à Johannesburg. « Le Congo a à donner, et l’Afrique du Sud a, aussi, à donner, estime l’un des invités, Daniel Bumba, gouverneur de la ville de Kinshasa. À côté des épicentres de la guerre au Congo, dans l’ensemble du pays, il y a la vie, la nécessité d’investir, et les investissements sont probants, et sont porteurs de croissance et de retours. »

    Croissance de 500 % par an en RDC

    Pour certaines entreprises sud-africaines, l’aventure congolaise est déjà une réussite. « Si on ne s’étaient pas lancés à l’extérieur de l’Afrique du Sud, et en particulier en RDC, nous n'aurions pas atteint le niveau qui est le nôtre aujourd’hui, souligne Claire Clark de Nucleus mining logistics, une société qui propose des services de transports aux mines, notamment autour de Lubumbashi. Depuis 5 ans, notre entreprise connaît une croissance de 500 % chaque année. C’est beaucoup de travail, mais c’est vraiment enthousiasmant. »

    Relais pour l'économie sud-africaine

    Du côté des politiciens sud-africains, on estime aussi que l’Afrique du Sud, forte d’une grande expertise minière, a tout intérêt à trouver des relais de dynamisme à l’étranger. « Il est très important que nos entreprises cherchent des opportunités dans différentes zones du continent pour que l’on puisse croître tous ensemble, juge David Makhura, cadre de l’ANC. Nous subissons, ici, une énorme pression : le chômage est très élevé, tout comme les niveaux d’inégalités et de pauvreté. L’immigration nous pose aussi problème. Or, si les économies de ces autres pays ne fonctionnent pas bien et n’offrent pas d’opportunités, il est naturel que leurs habitants migrent pour aller là où elles se trouvent. »

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    Problème de gouvernance à régler

    Cependant, il n’est pas toujours facile pour la RDC de convaincre les investisseurs sur la gouvernance, comme l’a montré l’échec de l’appel d’offres autour des blocs pétroliers. « L'économie du pays repose, pour beaucoup, sur son secteur minier, admet Aurélien Mali, de l’agence Moody’s. On peut donc observer de fortes capacités à attirer des investisseurs. Mais la RDC est pour le moment incapable de vraiment tirer la part qui lui est due. Avec le renforcement des institutions, il y a des chances, dans le futur, que le peuple congolais puisse bénéficier d’un meilleur retour. »

    Le pays se trouve de plus toujours sur la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI) qui lutte contre le blanchiment d’argent, ce qui peut aussi rebuter les investisseurs.

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  • En Tunisie, le kilo de pommes de terre se vend au prix fort depuis des mois à cause d'une pénurie. Un manque qui crée ainsi un marché parallèle et de la spéculation. Les autorités, elles, multiplient les saisies de stocks illégaux pour tenter d'endiguer le marché noir.

    Chez un commerçant de Ras Jbel, au nord de la Tunisie, les clients ne sont pas contents. Dans cette région connue pour sa culture de pommes de terre, ils se retrouvent à en acheter qui viennent d'une autre région et au prix fort. « C'est vraiment trop cher. On a compris qu'il y avait un manque sur le marché à cause de la sécheresse, mais c'est cher quand même », témoigne Hamza Baroumi, 70 ans et retraité.

    « C'est quoi ça ? Des pommes de terre à deux dinars le kilo, et en plus, elles sont cabossées et ne sont pas très bonnes », commente Mohamed, fonctionnaire de 60 ans, en tentant de choisir les tubercules les moins abîmés.

    Colère face à la flambée des prix

    Le maraîcher Saïd Ben Aissa n'a pas d'autre choix que de vendre ces pommes de terres qui viennent de Kasserine, au centre-ouest du pays, faute d'en obtenir des agriculteurs à proximité : « Écoutez, c'est simple, les pommes de terre au prix fixé par l'État, à 1 dinar 900, ce sont celles qui ont été récoltées dans la région et stockées depuis l'été. Celles qui sortent des frigos, comme on dit, sauf que celles-là, il n'y en a plus. Là, celles que je vends, ce sont les pommes de terre dites "nouvelles", qui viennent d'une récolte plus récente. Donc évidemment que c'est plus cher. »

    C'est la première année qu'un tel problème arrive. Ali Souini, agriculteur basé à Ras Jbel explique ses soucis de récolte : « Les deux dernières années ont été difficiles à cause du manque de pluie. Donc j'ai dû réduire mes parcelles de culture de pommes de terre, faute d'une bonne irrigation. Ensuite, le prix des semences qui sont importées a énormément augmenté, tout comme les coûts ici de main d'œuvre, d'engrais, etc. »

    Pour contrecarrer le marché noir qui s'est installé autour du produit de plus en plus demandé, les autorités multiplient les campagnes de saisies de stocks illégaux, et des patrouilles de sécurité contrôlent aussi les prix sur les marchés.

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    Des commerçants pris au piège des contrôles

    Mais ce durcissement a aussi un effet pervers pour les commerçants, comme l'explique Saïd Ben Issa à Ras Jbel : « Nous, on peut se débrouiller et essayer d'obtenir plus de stocks de pommes de terre directement auprès des agriculteurs dans le centre du pays qui, eux, ont eu une bonne récolte en octobre et novembre. Mais le problème, c'est qu'avec les contrôles, on est mis dans le même paquet que les spéculateurs si jamais on se fait arrêter sur la route. »

    Même discours au marché de Sidi Bahri, dans le centre-ville de Tunis, avec le vendeur d'oignons Moustapha : « Imaginez ici, tout le monde me connaît, je ne vends que des pommes de terre. Et là, je me retrouve à vendre trois pauvres oignons qui se battent en duel. Pourquoi ? Eh bien, parce que les agriculteurs qui ont des pommes de terre actuellement ne peuvent pas venir nous les vendre directement. Et nous, si on y va, on se fait attraper par la police. Résultat, je suis comme on pourrait dire au chômage depuis un mois. »

    La situation serait en voie de s'arranger depuis quelques jours. Au nord du pays, à Beja, les pommes de terres sont de nouveau disponibles en quantités suffisantes, et le transit des camions les transportant a été facilité.

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  • Du Maroc partent des habits traditionnels, des produits cosmétiques… Du Sénégal, de Guinée, de Côte d’Ivoire sont exportés souvent des produits alimentaires. À l'origine de ce petit commerce entre le royaume chérifien et les pays d'Afrique subsaharienne, il y a des marchands dont le business dépend des difficultés à franchir les frontières.

    De notre correspondant au Maroc,

    Il parle en darija, le dialecte marocain, ponctué de quelques mots de français, le tout avec l'accent sénégalais. « Je commence à maîtriser un peu les prix en darija. Ça permet d'attirer le client ! Je m'appelle Khadim Gningue, je suis sénégalais, je suis au Maroc depuis trois ans. »

    Et depuis trois mois, Khadim, 28 ans, est vendeur au Habous, un quartier réputé pour ses boutiques d'artisanat : « Il y a beaucoup de francophones qui viennent acheter, des Sénégalais surtout, des Ivoiriens, des Camerounais. Ils achètent beaucoup de produits, ceux à base d'argan notamment. Il y a des grossistes, il y a des petits revendeurs, mais aussi des gens qui viennent pour prendre des souvenirs. »

    Des valises de marchandises

    Parmi les best-sellers, il y a aussi « les caftans, très demandés pour les cérémonies, les mariages... Ça marche bien. Les Sénégalais par exemple aiment beaucoup la mode marocaine ». Et pour transporter ces marchandises, une solution s'est mise en place ces dernières années. Des transitaires informels font la navette par avion et proposent de louer leurs valises : « Ils collectent les marchandises pour remplir deux ou trois valises de 23 kilos. Ceux qui veulent faire transporter des objets les payent au kilo. Il y a aussi le transport terrestre, mais c'est beaucoup plus long, une à deux semaines. »

    Les transitaires ne repartent pas les mains vides de leur pays d'origine. Miel, beurre de karité... Certains produits sont très prisés au Maroc. Le royaume compte par ailleurs une importante diaspora venue d'Afrique subsaharienne.

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    « Avec ce visa, qu'est-ce qu'on va devenir ? »

    Dans la médina de Casablanca, Sita Diakité propose sur son étal de l'alloco, de l'attiéké qu'elle ramène de Côte d'Ivoire. « Je fais des allers-retours. J'achète la marchandise à Abidjan, une fois de retour au Maroc, je prends des djellabas, des caftans que je vais ramener à Abidjan… Mais avec ce visa, qu'est-ce qu'on va devenir ? » Depuis le 1ᵉʳ septembre, à la demande de la Côte d'Ivoire, le Maroc a réintroduit le visa pour les Ivoiriens. Le commerce de Sita est menacé : « On fait comment maintenant ? On est foutus ? Ils demandent trop de papiers ​​​​​​​! »

    Dans une région du monde encore trop peu intégrée économiquement, le petit commerce entre le Maroc et l'Afrique subsaharienne dépend aujourd'hui de la capacité des transporteurs à traverser les frontières.

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