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  • Du Maroc partent des habits traditionnels, des produits cosmétiques… Du Sénégal, de Guinée, de Côte d’Ivoire sont exportés souvent des produits alimentaires. À l'origine de ce petit commerce entre le royaume chérifien et les pays d'Afrique subsaharienne, il y a des marchands dont le business dépend des difficultés à franchir les frontières.

    De notre correspondant au Maroc,

    Il parle en darija, le dialecte marocain, ponctué de quelques mots de français, le tout avec l'accent sénégalais. « Je commence à maîtriser un peu les prix en darija. Ça permet d'attirer le client ! Je m'appelle Khadim Gningue, je suis sénégalais, je suis au Maroc depuis trois ans. »

    Et depuis trois mois, Khadim, 28 ans, est vendeur au Habous, un quartier réputé pour ses boutiques d'artisanat : « Il y a beaucoup de francophones qui viennent acheter, des Sénégalais surtout, des Ivoiriens, des Camerounais. Ils achètent beaucoup de produits, ceux à base d'argan notamment. Il y a des grossistes, il y a des petits revendeurs, mais aussi des gens qui viennent pour prendre des souvenirs. »

    Des valises de marchandises

    Parmi les best-sellers, il y a aussi « les caftans, très demandés pour les cérémonies, les mariages... Ça marche bien. Les Sénégalais par exemple aiment beaucoup la mode marocaine ». Et pour transporter ces marchandises, une solution s'est mise en place ces dernières années. Des transitaires informels font la navette par avion et proposent de louer leurs valises : « Ils collectent les marchandises pour remplir deux ou trois valises de 23 kilos. Ceux qui veulent faire transporter des objets les payent au kilo. Il y a aussi le transport terrestre, mais c'est beaucoup plus long, une à deux semaines. »

    Les transitaires ne repartent pas les mains vides de leur pays d'origine. Miel, beurre de karité... Certains produits sont très prisés au Maroc. Le royaume compte par ailleurs une importante diaspora venue d'Afrique subsaharienne.

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    « Avec ce visa, qu'est-ce qu'on va devenir ? »

    Dans la médina de Casablanca, Sita Diakité propose sur son étal de l'alloco, de l'attiéké qu'elle ramène de Côte d'Ivoire. « Je fais des allers-retours. J'achète la marchandise à Abidjan, une fois de retour au Maroc, je prends des djellabas, des caftans que je vais ramener à Abidjan… Mais avec ce visa, qu'est-ce qu'on va devenir ? » Depuis le 1ᵉʳ septembre, à la demande de la Côte d'Ivoire, le Maroc a réintroduit le visa pour les Ivoiriens. Le commerce de Sita est menacé : « On fait comment maintenant ? On est foutus ? Ils demandent trop de papiers ​​​​​​​! »

    Dans une région du monde encore trop peu intégrée économiquement, le petit commerce entre le Maroc et l'Afrique subsaharienne dépend aujourd'hui de la capacité des transporteurs à traverser les frontières.

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  • Réutiliser algues invasives et plastiques pour créer et entreprendre : Ndao Hanavao forme des jeunes de la rue à Madagascar. Depuis 2018, ce laboratoire allie innovation, design et autonomie professionnelle.

    Masque à filtre vissé sur le visage et combinaison de protection ajustée, Alpha Julien est en train de filer la laine selon la technique apprise auprès des designers franco-britanniques de la Polyfloss Factory venus le former à Tana. « Là, je verse les paillettes de plastique broyé dans la machine, c’est des morceaux de plastique qui viennent des tubes de médicaments. Moi, je verse le plastique dans la machine. Vous voyez ce plastique, il commence à fondre. Quand il a fondu, ensuite, je récupère avec une perceuse pour avoir la laine. C’est comme une machine à barbe à papa en fait ! »

    Former des entrepreneurs du design

    Comme Alpha, issu de la toute première promotion, ils sont une vingtaine, triés sur le volet, à avoir rejoint l’aventure Ndao Hanavao. Un projet financé par Rubis Mécénat, que coordonne Domi Sanji avec conviction.

    « L'objectif, c'est de former des jeunes issus de milieux très très très défavorisés de Tana – dans le sens où ils sont pour la plupart d’anciens mendiants ou sans-abri -, sur les questions de design à travers la préservation de l'environnement en même temps. »

    Pendant trois ans, des designers mondialement connus sont venus former ces jeunes à des techniques particulières pour qu’ils conçoivent, à partir de déchets plastiques collectés dans les décharges publiques de la capitale, de beaux objets utilitaires : abat-jours, tapis, sacs, doudounes. « Et donc à côté de cette formation purement technique en design, ils bénéficient aussi d'une formation en entrepreneuriat, de formations beaucoup plus commerciales, de gestion de clients. Ils bénéficient d'autres formations, comme des cours de français qu'on a là aujourd'hui, pour qu'ils puissent présenter leur entreprise, leur travail. Parce que l'objectif, c'est que, une fois qu'ils sortent du Lab, qu'ils puissent créer une entreprise viable et pérenne ».

    Le design comme tremplin vers l’autonomie

    Avec trois autres camarades, Alpha Julien et Franck Razafindraibe ont ainsi créé R’Art Plast en 2020 et poursuivent le processus de création entamé durant leurs quatre années au Lab.

    « Ça, c’est les cartons qui vont partir à l’étranger. Des lampes, des abat-jours, des vide-poches, des céramiques. Je suis fier parce que nous sommes les producteurs de tout ça. Je me sens créateur, je peux faire un objet design. Je ne serais pas comme ça si je n’avais pas fait la formation ».

    Une incroyable aventure humaine, sociale, environnementale et économique. Une aventure où le design est devenu la clé de voûte de l’autonomisation de jeunes issus de la rue, que rien ne prédestinait à un avenir entrepreneurial et créatif.

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  • Une vingtaine de petits producteurs commercialisent des champignons en Côte d’Ivoire, en particulier du champignon de palmier et des pleurotes. Reportage à Bonoua, dans le sud-est du pays, où les champignons, cultivés grâce à un investissement minimal, commencent à plaire au consommateur.

    De notre envoyée spéciale, à Bonoua, dans le sud-est de la Côte d'Ivoire

    « Vous voyez ça, là ? Ce sont des champignons qu’on va récolter demain », montre Ophélia Koffi, qui encadre la champignonnière. L’atmosphère doit être humide et fraîche pour permettre aux champignons de bien se développer. Les agricultrices, rassemblées en petit collectif, entreposent et conditionnent leurs déchets agricoles, en particulier des épluchures de manioc, à partir desquelles elles feront pousser les pleurotes. « Elles mettent les semences et puis elles disposent sur ces étagères, pendant 45 jours. Quand le substrat est blanc comme du lait, ça veut dire qu’il est arrivé à maturité. On commence les arrosages et après quatre ou cinq jours, les champignons commencent à sortir. »

    Économie circulaire

    Les champignons produits, au moins 10 tonnes par an, sont ensuite vendus frais, au marché ou au supermarché, ou déshydratés par Ophélia Koffi dans sa petite unité de transformation à Yaou, tout près de Bonoua. Elle produit une variété de tisanes, ainsi qu’une préparation de champignons déshydratés sur le modèle d’une grillade traditionnelle ivoirienne, le choukouya, en remplaçant la viande par cette protéine végétale.

    Cette passionnée s’est lancée dans la myciculture, il y a 10 ans et elle entrevoit un bel avenir au secteur, d’autant que les déchets sont recyclables. « Après [la récolte des] champignons, les résidus sont de l’engrais naturel. On peut utiliser ces résidus pour le maraîcher : la tomate, le gombo, l’aubergine. Donc, on est dans une économie circulaire : rien ne se perd, tout se transforme dans la myciculture ». Culture hors-sol, dont on peut donc maîtriser la température, le champignon peut être produit toute l’année. « S’il y a une pénurie de viande, anticipe-t-elle, ne vous inquiétez pas, vous allez prendre du champignon et vous avez de la protéine ! ».

    Choukouya de protéine végétale

    Il faudra certes un peu de temps avant de changer les habitudes de consommation des Ivoiriens. Mais les champignons d’Ophélia Koffi font déjà des adeptes. « Franchement, j’adore le choukouya de champignons, ça sort de l’ordinaire », s’exclame Josiane Asso Lobar, qui a redécouvert les pleurotes grâce à cette recette. En Afrique, on n’a pas pour habitude de consommer le champignon, reconnaît-elle. Si on cueille les champignons, on les met dans la sauce, généralement. Mais là, on a la possibilité de manger les champignons sous d’autres formes », se réjouit-elle.

    Avec Ophélia Koffi, ils sont 25 producteurs à se partager ce marché émergent. Ils s’efforcent désormais de se structurer en union, pour faire naître la filière champignons en Côte d’Ivoire.

  • Le nouveau gouverneur de la Banque de Maurice entend restaurer l'intégrité de l'institution, après les irrégularités commises par l'ancienne administration. Rama Sithanen, en poste depuis un mois, nommé après les élections législatives de novembre, examine de près les comptes d'une filiale privée, créée par la Banque centrale pendant la pandémie du Covid.

    De notre correspondant à Port-Louis,

    En juin 2020, dans le contexte de la pandémie et pour soutenir les entreprises en difficulté, la Banque de Maurice a créé la Mauritius Investment Corporation. Cette entité, mal perçue par le FMI, avait pour objectif de soutenir les entreprises en difficulté. Cependant, certains en auraient profité pour se remplir les poches ou favoriser des industriels proches de l’ancien pouvoir politique.

    Cette filiale privée disposait d’un fonds de 2 milliards de dollars, dont l’origine, cependant, était floue. Le nouveau gouverneur de la Banque de Maurice a apporté des clarifications à ce sujet, un mois après sa prise de fonction.

    « De très bons économistes affirment encore que la Banque de Maurice a converti 2 milliards de dollars pour obtenir 80 milliards de roupies. Ce n'est pas du tout le cas, affirme Rama Sithanen. Il s'agit d'une simple création monétaire. Je peux vous assurer que la Banque centrale n'a procédé à aucune conversion de devises. L'argent a été créé électroniquement, par une simple frappe sur un clavier ».

    La création monétaire a provoqué l'inflation et déprécié la roupie. Sur le principe, les économistes mauriciens considèrent cette mesure comme une solution de dernier recours, un remède de cheval pour sauver les industries durant la pandémie. Cependant, les modalités du fonds de 2 milliards de dollars interrogent. Est-ce vraiment le rôle d'une Banque centrale de créer une entité privée comme la Mauritius Investment Corporation ? Devait-elle réaliser des opérations privées telles qu'investir dans l'immobilier, acheter des actions et émettre des obligations ?

    « C’est diluer le rôle de la Banque de Maurice »

    Le nouveau gouverneur de la Banque centrale a son avis sur ces sujets : « Il existait un contexte particulier qui justifiait une intervention de la Banque centrale. Cependant, je ne suis pas convaincu qu'investir dans l'immobilier ou les actions fassent partie de ses missions principales. C’est diluer le rôle de la Banque de Maurice. Or, sa principle mission est la stabilité des prix, la santé financière du pays, la valeur de la roupie et un développement économique équilibré ».

    En mai dernier, le FMI a recommandé à la Banque centrale de Maurice de se désengager de cette entité privée controversée. Pour leur part, les nouveaux dirigeants politiques mauriciens sont discrets au sujet des méthodes peu orthodoxes de l’ancienne administration de la Bank of Mauritius, invoquant le secret bancaire et la préservation de l’image de Maurice.

    « Ce qui a mal tourné, c’est que la Banque de Maurice, qui devrait faire l’expansion monétaire, a utilisé des moyens très opaques, pas transparents du tout, pour imprimer de l’argent et utiliser cet argent pour favoriser des petits copains et des industries peu viables », estime l’économiste Kee Chong Li Kwong Wing. Résultat, les comptes de la Banque de Maurice se sont dégradés et nécessitent, selon les experts, une recapitalisation. Parallèlement, la Banque a saisi les autorités compétentes afin d'enquêter sur de potentielles malversations financières commises par l'ancienne administration.

  • Au Tchad, la population trouve trop élevé le prix du sac de ciment, produit localement tout comme importé. Un sac de ciment de 50 kg se vend entre 8 500 et 11 500 francs CFA, soit 130 à 176 euros. Il est importé parfois du Maroc, du Nigeria ou du Cameroun, car l’usine de Baoré, au Tchad, n’arrive pas à produire comme il se devrait à cause de la crise économique. Avec ce prix élevé, beaucoup de Tchadiens n’arrivent pas à construire de maisons modernes.

    Avec notre correspondant à Ndjamena,

    À Sabangali, dans le 3ᵉ arrondissement de Ndjamena au Tchad, Chérif a arrêté son chantier de construction depuis bientôt un an. Pour cause, la cherté des matériaux de construction en général et le ciment en particulier. « J’ai commencé le chantier depuis 2020. Et le sac, dans notre quartier, ici, varie de 9 000 à 12 000 FCFA le sac de 50 kilos par exemple, donc on ne sait à quel saint se vouer », se plaint-il.

    Sur les réseaux sociaux ces derniers temps, les consommateurs ne cessent de critiquer le gouvernement tchadien. Ils demandent une réduction sur le prix du sac de ciment de 50 kg pour qu’il passe à 3 500 FCFA. Brahim Dadi, fonctionnaire tchadien, fait partie de ces requérants : « Ma demande a été plus insistante pour aider toute la population tchadienne à construire en dur. Aujourd’hui, le sac de ciment vendu à 8 600 FCFA à Ndjamena est vendu entre 15 000 et 22 000 FCFA en province. »

    À écouter dans 8 milliards de voisinsBéton, ton univers impitoyable

    Le ciment « made in Tchad » victime de la crise économique

    L’arrivée en 2011 dans le Mayo-Kebbi Ouest de l’usine de la société nationale de ciment de Baoré (Sonacim) devait normalement répondre à ces préoccupations, car elle était censée ravitailler 700 tonnes par jour, soit 200 000 tonnes par an. Malheureusement, cette usine est presque mourante, elle n’arrive pas à produire le ciment « made in Tchad » à cause de la crise économique depuis 2016. « L’usine fonctionnait à perte puisqu’elle avait cassé les prix de vente de ciment. De 5 250, on est arrivé à 4 850 pour le PC 32,5. Et le PC 42,5, au lieu de 6 250, on a réduit à 5 250 le sac. Pour le moment, on n’a pas de stock dans notre silo parce qu’on est en crise », explique Benoit Koye Ndaye, le directeur adjoint de l’usine.

    Les commerçants sont conscients de pratiquer des prix trop élevés. Cependant, ils pointent du doigt les tracasseries routières et les transports. « Si nous achetons cher et nous vendons moins cher, ça ne nous aide pas. Quand les grossistes nous amènent le sac à 8 300 FCFA, ils ont déjà mis dedans le [coût du] transport », détaille Abdel, vendeur dans le quartier Habbéna.

    De nombreux Tchadiens demandent aux autorités d’exonérer de taxe la production de ciment et de subventionner les produits liés au processus de production. Cela permettrait selon eux de proposer des couts acceptables, comme au Cameroun voisin où un sac de ciment de 50 kg s’achète entre 3 500 FCFA et 5 000 FCFA ou au Nigeria qui le commercialise entre 2 500 FCFA et 3 000 FCFA.

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  • Cultiver le cacao et la vanille, c’est nouveau dans la région du Katanga, en RDC. Plus de 50 000 plantules de cacao seront à terme plantées sur un champ d’expérimentation de deux hectares. Le projet, initié par une société à capitaux congolais, est en partie motivé par le niveau élevé des cours de la fève brune. Il s’agit aussi de vulgariser ces cultures pérennes dans la région du Katanga, où malgré la richesse minière, les populations sont pauvres.

    Dans la plantation de la société Avantu services, à 43 km à l’est de Lubumbashi, Kim Mwape, âgé d’une vingtaine d’années, est l’un des paysans qui entretiennent des centaines des plantules de cacao. « Là, nous sommes en train d’enlever les feuilles mortes sur les plantes, explique-t-il. Si on les laisse, les feuilles vertes risquent aussi de sécher. C’est la première fois que je vois du cacao ».

    Dans cette concession toute nouvelle, 20 hectares de cacao et deux hectares de vanille sont déjà emblavés. L’objectif est de cultiver 100 hectares de cacao pour diversifier l’économie de la région, principalement tournée vers les mines. « Nous avons compris que les mines s’épuisaient, observe Joe Mapasa, le directeur général d’Avantu services. Il y a quelques années, de l’aéroport jusqu’à Tumbwe, on avait 53 sociétés minières, chaque société employait pas moins de 100 personnes. Aujourd’hui, il n’en reste que trois. Si nous tournons l’économie vers l’agriculture comme celle du cacao et du café, je crois que tout le monde aura de quoi s’occuper parce que ça, c’est inépuisable. »

    Ne plus toucher à la forêt

    Mais il faut se conformer aux nouvelles exigences des pays importateurs. L’Union européenne s’apprête à interdire l’importation du cacao s’il provient de terres déboisées. L’Office national des produits agricoles du Congo, l’Onapac, accompagne les agriculteurs. « Nous sommes en train de montrer à la face du monde que les cultures sous contrôle de l’Onapac contribuent efficacement à l’équilibre écologique, souligne Pierre Pitro, ingénieur de l’office. Le cacao est planté sous les arbres. Et la communauté riveraine ne pourra plus toucher à la forêt pour brûler les arbres ou les couper pour faire la braise ».

    Dans quatre ans environ, ces agriculteurs auront leur première récolte. Le directeur d’Avantu services, également directeur d’une usine de traitement de l’eau, entrevoit un bel avenir pour la transformation et la commercialisation du cacao congolais. « Moi-même, je suis dans l’industrie légère, et donc nous comptons transformer ce cacao, affirme Joe Mapasa. Le reste, nous allons l’exporter parce qu’il y a une forte demande. La production de la Côte d’Ivoire a chuté, aujourd’hui, ils n’ont plus de terre. La RDC doit récupérer cette place ! ».

    Le chemin est encore long. Si certains villages et fermiers du Katanga se tournent vers la culture du cacao, la RDC a, selon l’Onapac, exporté 56 000 tonnes de cacao en 2023, loin du million de tonnes de la Côte d’Ivoire.

  • En Tunisie, les cartes de la pauvreté et du tourisme se superposent en négatif. Plus on s’éloigne des régions littorales et du tourisme balnéaire, plus les indicateurs de développement dégringolent. Face à ce constat, une association tunisienne, Museum Lab – essentiellement financée par des fonds européens – tente de mieux faire connaître le patrimoine culturel et le potentiel touristique du nord-ouest de la Tunisie.

    Dans les ruelles de Testour, à 80 km au sud-ouest de Tunis, grenades, fromages et crêpes locales font la joie des visiteurs du week-end. Étrangers et Tunisiens sont venus explorer la fameuse Via Bagrada, du nom latin de la vallée de la Medjerda.

    L’association Museum Lab vient de lancer une application recensant les sites, les activités ou encore les tables d’hôtes et les hébergements de la région. Parmi les haltes qu’elle veut rendre incontournables : le site archéologique de Thignica. « C’est un nom lybique ou néo-punique qui a été latinisé », explique sur place le guide, Mohamed Halouani. Il s’agit de 50 hectares de ruines, en partie ensevelies et à découvrir. « Il n’y a même pas une pancarte pour expliquer, déplore un touriste. La visite est aussitôt interrompue par le gardien du site qui met quelques minutes à reconnaître l’autorisation du guide.

    Formations en médiation culturelle

    Rattrapés par la bureaucratie tunisienne jusque sur un site antique, les organisateurs veulent pourtant continuer de croire dans le désenclavement de la région. « Ces cinq dernières années, on a formé des jeunes en médiation culturelle qui auront ainsi un outil générateur de revenus, souligne Safa Chérif, la directrice du projet Via Bagrada chez Museum Lab. Sur les trois dernières années, à El Kef, on est parvenus à former plus de 70 bénéficiaires de ce genre de formations. »

    Alors que Testour est la capitale de la grenade en Tunisie, qu’on appelle « romana » en arabe, Lamia Chékir Thabet, expert mandaté par l’Onudi pour accompagner le développement de projets créateurs d’emplois sur le terrain, œuvre à faire du fruit une des vitrines de la région. « Les acteurs et les opérateurs dans la région travaillaient pendant la saison, entre septembre et novembre, et après plus rien du tout et on s’est dit que c’était dommage que ce produit-phare de la région ne devienne pas un véritable moteur de développement économique. On a donc réuni tous ces acteurs et créé le concept : "Romana tour à Testour". »

    Circuit à vélo, en kayak, expositions, sites archéologiques, routes des fromages ou de l’huile d’olive, des projets se multiplient et confluent tous vers un même objectif : sortir d’un tourisme encore centré principalement sur une offre balnéaire, dans un pays qui a attiré 9 millions de touristes l’an dernier.

  • Point majeur des promesses de campagne des nouvelles autorités au Sénégal : la renégociation des contrats stratégiques (pétrolier, gaziers, miniers). Pour ce faire, une commission a été mise en place au mois d’août qui est en charge d’examiner ces contrats afin de proposer les « correctifs nécessaires à la sauvegarde de l’intérêt national ». Mais de quelles marges de manœuvre disposent les autorités ?

    Les renégociations pourraient porter sur des points très concrets. « Nous savons clairement que le gouvernement aurait besoin de ressources financières pour pouvoir investir sur son développement ou bien certaines priorités, souligne Aïda Diop chargée de programme principale au Natural Resource Governance Institute. De ce fait, la renégociation pourrait porter, par exemple, sur tout ce qui a trait avec la fiscalité. Il pourrait essayer de revoir certaines dispositions fiscales pour pouvoir maximiser peut-être la rente côté de l'État, cela pourrait aussi être tout ce qui a trait avec les clauses liées à l'aspect contenu local. »

    Des négociations qui devraient d’abord débuter à l’amiable à la demande de l’État. En cas de litige ou d’irrégularités constatées, le Sénégal peut alors engager des procédures. « L'État, s'il constate par exemple qu'il y a eu des irrégularités graves sur la conclusion d'un contrat, peut initier une procédure d'arbitrage pour rechercher l'annulation de ces contrats-là », explique Mamadou Gacko avocat au barreau de Paris, spécialiste des questions d’arbitrage international. Des procédures qui peuvent être initiées « devant la Chambre de commerce international qui est à Paris, ça peut être devant le centre international des résolutions des différents liés aux investissements qui est à Washington », précise encore l’avocat qui exerce au sein du Cabinet DLA Piper.

    Quels moyens pour la commission ?

    Mais pour cela, l’État va devoir se doter de dossiers très bien ficelés. Le Sénégal dispose de ses experts et de son personnel administratif et ministériel. Il peut également faire appel à des forces extérieures. « Il y a notamment au sein de la Banque africaine de développement, une instance qui s'appelle la facilité africaine de soutien juridique qui a été mise en place par la banque et dont l'objet est précisément, entre autres, d'assister les États lorsqu'ils sont en phase de négociation ou de renégociation de contrat avec des investisseurs étrangers », souligne Mamadou Gacko.

    « Évidemment, l'État doit consacrer les ressources nécessaires à ce processus pour en tirer le meilleur bénéfice. Cela implique de recruter, si nécessaire, des cabinets d'experts, des cabinets d’avocats qui vont venir fournir un appui sur des éléments précis de la négociation et apporter à l'État des ressources supplémentaires dont il ne dispose pas nécessairement en interne », ajoute-t-il encore. Sollicitées, les autorités sénégalaises n’ont pas précisé les budgets et moyens prévus pour le fonctionnement de la commission.

    À lire aussiSénégal: comment préparer la renégociation des contrats stratégiques ? [1/2]

  • Promesse de campagne des nouvelles autorités au Sénégal : la renégociation des contrats stratégiques (pétrolier, gaziers, miniers…). Pour ce faire, une commission a été mise en place au mois d’août qui est en charge d’examiner les contrats afin de proposer les « correctifs nécessaires à la sauvegarde de l’intérêt national ». Car avant de renégocier, des prérequis sont nécessaires.

    Si la renégociation des contrats est monnaie courante, ce processus doit d’abord s’appuyer sur une commission dont les contours de la mission sont bien définis et qui pourra brosser la réalité de la situation. « D'aucun pense que les contrats du Sénégal ne sont pas bien négociés. Mais est-ce que c'est le cas ? », questionne Aïda Diop chargée de programme principale au Natural Resource Governance Institute. L’évaluation devrait ainsi permettre de déterminer si oui ou non, certains éléments des contrats n’ont pas été bien négociés sur la fiscalité ou l’embauche de main d’œuvre sénégalaise. « Cette évaluation préalable devrait être le fondement même du bien-fondé de la nécessité de renégociation », souligne-t-elle.

    Autre élément à prendre en compte, le bénéfice temps-coût de l’engagement d’une négociation, voire d’une procédure, souligne encore Aïda Diop. « On sait qu'en général, si on annonce le souhait de vouloir négocier, ça peut jouer. Les investisseurs vont peut-être attendre d'avoir une plus grande clarté de la perspective. Et donc tout cela va impacter, détaille la spécialiste. Et on sait que par exemple, d'après toujours les évaluations, que chaque année de retard [sur un projet] a un impact significatif sur, par exemple, les prévisions budgétaires ou bien même par exemple la dette, etc. »

    Se préparer aux procédures d'arbitrage

    Mamadou Gacko travaille au sein du cabinet DLA Piper. Il est avocat au barreau de Paris, spécialiste des questions d’arbitrage international. Toute action doit être minutieusement préparée en cas de procédures d’entreprises qui se sentiraient lésées. « L'État doit faire très attention avant d'initier ce levier-là. Parce que dès lors que le contentieux démarre naturellement, l'investisseur aura aussi des demandes à présenter et ça peut se retourner contre l'État si la procédure n'est pas très bien préparée en amont », met-il en avant.

    « Ces risques sont notamment de subir des procédures d'arbitrage si l'investisseur estime avoir subi une discrimination, par exemple. Ou avoir été injustement traité par l'État et que ces droits, du coup garantis par des conventions internationales, n'ont pas été respectées. Et c'est dans ces procédures-là, ces investisseurs peuvent rechercher une compensation de leur préjudice et cela peut coûter des millions, voire des milliards à l'État si cette procédure aboutit favorablement à l'investisseur », poursuit l’avocat.

    Par ailleurs, ces deux experts alertent sur la nécessaire communication autour du processus : à la fois pour rassurer les investisseurs, mais aussi gérer les attentes des Sénégalais.

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  • Rendez-vous incontournable de l’art contemporain africain, la Biennale de Dakar, clôturée le 7 décembre, a pour la première fois dédié un pavillon aux œuvres digitales. Sécurisées par un NFT, un certificat d’authenticité numérique, ce crypto-art séduit de plus en plus d’artistes et de collectionneurs sur le continent.

    Linda Dounia crée surtout des œuvres digitales et, à ses débuts, elle s’est heurtée à un manque d’opportunités pour les faire connaître à l’international. « Quand j’ai commencé ma pratique de l’art numérique, je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas beaucoup d’espaces qui pourraient comprendre ce que je fais et qui pourraient le médiatiser », se souvient la jeune artiste sénégalaise. Il n’y a pas un grand marché pour ce médium-là en Afrique. » Elle regarde alors quelles sont ses options. « J’aurais pu émigrer quelque part, mais je ne voulais vraiment pas faire ça. J’ai entendu parler des NFT et je me suis penchée dessus. Un ami était déjà dedans, on en a parlé, et j’ai décidé de me lancer. »

    Art digital, mais aussi peinture et photo

    Linda Dounia se tourne donc vers les NFT (Non-Fungible Token ou jeton non fongible), c’est-à-dire des certificats de vente numériques qui garantissent l’authenticité et la traçabilité de l’œuvre. Cette ouverture sur le monde lui permet de conclure des partenariats avec des grandes galeries, comme Christie’s, ou des clients comme l’entreprise américaine IBM.

    Elle est l’une des onze artistes qui ont été exposés dans le pavillon NFT à la Biennale de Dakar. À ses côtés, d’autres artistes digitaux, mais aussi des peintres ou des photographes. « J’ai voulu prendre cet éventail d’artistes et de disciplines pour montrer que les NFT sont applicables absolument à tout, explique Anna-Alix Koffi, directrice de création franco-ivoirienne et commissaire du pavillon. Le NFT, c’est le contrat que vous donnez, donc une œuvre est NFT du moment qu’elle est “mintée”, qu'on lui a accolé un certificat électronique. Tout ce qui est physique peut être aussi NFT. »

    Visa pour l’autonomie des artistes

    Avec ce pavillon, la commissaire veut promouvoir ce mode de vente auprès des artistes africains qui se heurtent parfois à des difficultés pour voyager. « Avoir son visa pour se rendre à une biennale, à une foire ou à son exposition, on peut penser que c’est élémentaire, mais ça ne l’est pas, souligne Anna-Alix Koffi. Beaucoup sont bloqués et restent là, les œuvres sont plus mobiles que les artistes. ». Anna Alix Koffi voit donc les NFT comme un visa pour l’autonomie des artistes.

    Grandes galeries et petits collectionneurs

    Côté collectionneurs, certains sur le continent s’intéressent aux NFT depuis plusieurs années. Le développement des NFT leur permet de trouver des œuvres d’artistes émergents à des prix raisonnables. « C’est super pour les petits collectionneurs, pour les gens qui commencent, ou les jeunes qui s’intéressent à l’art, observe Kenza Zouari, galeriste et collectionneuse tunisienne. Pour un collectionneur, ce qui est intéressant, c'est le challenge derrière. Ok, j’achète cette œuvre, mais comment est-ce que je la montre ? Comment est-ce que je l’expose ? Est-ce que j’investis dans un écran ou est-ce que je l’imprime ? » Avec les NFT, les artistes peuvent vendre leurs œuvres en direct sur des plateformes en ligne. Mais des intermédiaires restent souvent nécessaires pour faire un travail de pédagogie.

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  • Le Bénin inaugure jeudi 12 décembre l’hôtel 5 étoiles Sofitel à Cotonou, la capitale économique du pays. L’établissement, ouvert depuis septembre, est l’emblème d’une politique très volontariste en matière de tourisme au Bénin. Il incarne aussi un renouveau de l’hôtellerie de luxe en Afrique de l’Ouest.

    C’est au groupe Accor qu’a été confiée l’exploitation du premier 5 étoiles de Cotonou. Pour Maud Bailly, directrice générale de Sofitel, la filiale du groupe hôtelier français, la destination béninoise s’imposait. « Cotonou, en tant que capitale économique du Bénin, était extrêmement intéressante. C’est par ailleurs, au-delà du Bénin, un hub très dynamique pour l’Afrique de l’Ouest et c’est une zone qui bénéficie d’une grande stabilité politique et d’un patrimoine culturel très riche qui m’a aussi convaincue pour cette destination. »

    Le rattrapage de l’Afrique de l’Ouest

    Décoré d’œuvres d’art contemporain béninoises, l’hôtel est désormais le plus grand centre de conventions du pays. Il est le fruit, selon Pedro Novo, directeur général du fonds d’investissement dédié à l’hôtellerie Dalia Hospitality, d’une stratégie volontariste des autorités béninoises. « L’État béninois, à travers un programme très engagé, souhaite faire du Bénin une destination de référence en matière de tourisme, tourisme d’affaires, mais également tourisme de loisirs, avec des enseignes annoncées comme Banyan Tree ou Club Med. »

    Une dynamique propice d’industrialisation et d’essor des infrastructures

    Une dizaine de grands hôtels de luxe ont vu le jour cette année en Afrique, avec un effet de rattrapage au sud du Sahara, et notamment en Afrique de l’Ouest. En Côte d’Ivoire, Sofitel va rénover son établissement d’Abidjan, également doté depuis peu d’appart'hôtels. Une dynamique hôtelière (+ 9 % l’an dernier) qui profite des projets d’industrialisation et d’infrastructures des États du golfe de Guinée.

    « Il y a un investissement qui est réalisé aujourd’hui pour un projet autoroutier majeur côtier, qui va permettre de mieux exploiter le potentiel de cette côte, aussi en matière de destination touristique, souligne Pedro Novo. D’ailleurs, la plupart des aéroports internationaux sont également positionnés pas très loin des côtes. »

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    Attirer les événements

    Destination encore marginale du tourisme d’affaires, le Bénin devra néanmoins s’imposer sur ce créneau. Le nouveau Sofitel de Cotonou marche pour l’instant aux deux tiers avec la clientèle nationale. « Il faut que le Bénin trouve un positionnement qui permette de dire “Tiens, on peut organiser notre événement au Bénin”, parce qu’on a d’autres atouts ou des atouts différents de ce qu’on peut retrouver au Maroc ou en Côte d’Ivoire ou au Nigeria. », juge Sourou Meatchi, spécialiste de l’économie du tourisme en Afrique à l’université française d’Angers.

    Joint par RFI, le directeur général de Bénin Tourisme, Sindé Chekete, affiche l’ambition du pays d’organiser au deuxième semestre 2025 des conférences régionales et internationales qui permettront de remplir ces nouveaux hôtels de luxe et d’affaires.

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  • Les intelligences artificielles en langues africaines déferlent sur le continent. Les start-up africaines, pionnières sur ces innovations, sont suivies de près par les géants de la tech internationale. De quoi constituer un écosystème solide et dynamique.

    Il y a encore quelques années, Malick Diouf était aux anges lorsqu’il recevait une bourse de quelques milliers d’euros. En 2024, la donne a changé pour le fondateur de la startup sénégalaise LAfricaMobile. Cette dernière vient de lever 7 millions de dollars pour s’étendre et améliorer sa plateforme digitale.

    Expansion et innovation

    « L'argent va nous permettre de faire deux choses. La première, c'est l'expansion en Afrique centrale francophone : Congo-Brazzaville, Gabon, Cameroun, Tchad, Centrafrique et Rwanda. Et la deuxième chose, c’est investir davantage sur la plateforme et les langues pour toucher le maximum de personnes, quelles que soient les contraintes, que ce soit une contrainte de connectivité ou de langues », explique Malick Diouf.

    Aujourd’hui, LAfricaMobile accompagne 300 entreprises dans une quinzaine de pays, leur permettant de communiquer avec leurs clients via téléphone mobile, même sans connexion internet. Sa technologie repose sur un modèle d’intelligence artificielle capable d’envoyer des messages traduits et vocalisés en langues locales comme le wolof, le dioula, le swahili ou encore le bambara.

    Pour Paulin Melatagia, enseignant-chercheur en informatique à l’Université de Yaoundé 1, le travail de ces start-up est colossal : « On a, à peu près, 2 000 langues africaines, et la majorité sont des langues tonales. C'est une caractéristique linguistique très particulière qu'on retrouve très peu ailleurs dans le monde, explique-t-il. On ne peut vraiment comprendre la linguistique que si l’on est soi-même locuteur ou si l’on a travaillé longtemps sur ces langues. Ces start-up, avec leurs ingénieurs qui parlent ces langues, apportent une valeur ajoutée bien plus importante que les géants de l'informatique qui collectent des données. »

    Les géants de la tech en embuscade

    Google a récemment intégré 31 nouvelles langues africaines dans son application Google Traduction. De son côté, Orange, en partenariat avec OpenAI et Meta, développe des outils similaires pour les 18 pays où il opère en Afrique. Pour Malick Diouf, ces initiatives sont porteuses d’espoir : « Enfin, on commence à comprendre que le numérique ne peut pas se limiter à une seule catégorie de la population. Comment fait-on pour une inclusion numérique avec des outils utilisables et compréhensibles par tous ?, interroge-t-il. C’est en cela que nous sommes très heureux de voir ces mastodontes s’intéresser au sujet. Nous espérons simplement avoir l’opportunité de collaborer avec eux. »

    L’écosystème de l’intelligence artificielle appliquée aux langues africaines est en pleine croissance, solide et dynamique. Les prévisions pour 2025 valorisent ce marché à 130 millions de dollars, avec une croissance estimée à 25 %.

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  • C’est la fin d’un long processus pour la Zambie. Dimanche, le pays a signé le premier accord bilatéral qui vient concrétiser la restructuration de sa dette. Premier pays à signer cet accord, la France, co-préside le club de Paris et a mené les négociations avec les différents créditeurs de la Zambie. Depuis 2020, la Zambie est en situation de défaut de paiement, incapable de rembourser ses dettes. La signature de ce premier accord – s’ensuivront les accords bilatéraux avec l’ensemble de ses créanciers – vient clôturer un processus long de trois ans. La Zambie est également la première à boucler ce processus de restructuration de dette et ouvre la voie à d’autres processus tels que celui au Ghana ou en Éthiopie.

    C’est avec un brin d’émotion dans la voix que le ministre des Finances zambien, Situmbeko Musokotwane, s’est exprimé dimanche soir : « Ce que nous signons ici ce soir est vraiment un jalon de cette réussite. » 90% de plus de 30 milliards de dollars de dette réaménagée. Cela se traduit concrètement de la manière suivante : trois ans sans échéances à honorer, un rééchelonnement des remboursements sur une durée plus longue et des taux plus avantageux. Ce qui représente une bouffée d’air frais pour les finances du pays. « Le nouvel accord réduira considérablement les pressions financières et permettra l’allocation de ressources vers des investissements publics essentiels, a mis en avant le ministre des Finances zambien, Situmbeko Musokotwane. En termes économiques, l’accord permet de réduire de près de 40% le fardeau de notre dette, contribuant largement au rétablissement de la viabilité des finances publiques. »

    Un processus long de trois ans qui s’explique par la complexité de la structure même de la dette zambienne, selon Thomas Rossignol, l’ambassadeur de France en Zambie qui a suivi l’ensemble du processus. « La Zambie devait de l’argent à un très grand nombre de pays. Plus vous avez de créanciers, plus c’est compliqué. La 2ᵉ, c'est qu'on sait qu'une partie de ce surendettement et de cette crise s'est produite durant le mandat du président précédent qui avait notamment eu recours à énormément d'emprunt chinois dans des conditions très opaques. Ce qui fait qu'en fait, quand vous n’avez même pas les données du problème. C'est évidemment très difficile de trouver une résolution », détaille le diplomate. Autre difficulté à ce processus : pour la première fois dans ce genre de processus, les créanciers les plus importants n'étaient pas membres du club. Ils « avaient leurs propres règles et leurs propres attentes. Et notamment, les attentes de la Chine, n'étaient pas nécessairement celles de la plupart des autres États » souligne encore Thomas Rossignol. Tout cela ne concerne que les dettes bilatérales entre États. À cela se rajoutent les dettes des créanciers multilatéraux, d’institutions privées, « un mille-feuille extrêmement compliqué ».

    Un cadre qui va pouvoir servir d'exemple

    Un processus qui n’aurait pas été possible sans le plus gros créancier du pays. La Chine, qui est, elle-même, accusée ces dernières années depiéger les États du continent avec des dettes impossibles à rembourser. « Probablement que pour eux aussi c'est important d'envoyer le signal qu'en fait, ils n’ont aucun intérêt de surendetter des pays, analyse l’ambassadeur. Aucun créditeur n’a envie qu'un pays soit en incapacité de lui rembourser son prêt puisque du coup, il perd tout. Ce qui est intéressant, c'est que c'était une première, qu’au début ce n’était évidemment pas évident, y compris pour eux, et aussi parce que vu le poids qu'ils détiennent dans la dette, ça leur confiait un poids particulier dans les négociations. Le fait qu'ils aient joué le jeu, je trouve que c'est un signal très positif pour la suite, parce qu'on sait que des cas comme ça, il va y en avoir au moins deux ou trois dans les prochaines années, rien qu'en Afrique. »

    Des réformes qui vont plus loin que la restructuration de la dette, insiste le ministre zambien qui cite les efforts en cours comme le développement de partenariats publics-privés ou l’organisation d’un appareil de transformation national. Par exemple, la Zambie est désormais auto-suffisante dans sa production d’engrais.

  • Le système d’échange d’énergie électrique ouest-africain (WAPP) a été créé il y a 25 ans par la Cédéao. Objectif : créer un marché commun de l’électricité pour permettre aux gros producteurs de courant de fournir les États moins bien lotis. S'ils génèrent encore peu d’électricité (91 TWH en 2023), les 14 pays concernés sont interconnectés et forment désormais un réseau électrique unique.

    Une vingtaine d’interconnexions sont aujourd’hui opérationnelles en Afrique de l’Ouest : 5 700 km de lignes à haute tension de 225 000 à 330 000 volts, mises en service entre 2007 et 2023. Avec pour objectif de faire baisser les prix, mais pas seulement : « Ceci permet d'avoir un marché beaucoup plus important pour les investisseurs, souligne Mamadou Alpha Sylla, responsable guinéen du WAPP (West African Power Pool ou Système d’échange d’énergie électrique ouest-africain). Mais aussi d’avoir un réseau beaucoup plus robuste et résilient et un accès à une énergie électrique beaucoup plus compétitive. Cela a un impact sur nos économies, l'accès à une énergie fiable et abordable est un facteur essentiel pour le développement économique de nos États ».

    23 000 km de lignes en 2033 ?

    Parmi les interconnexions mises en service en fin d’année dernière figurent celles de l’Organisation de mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG). Les quatre États-membres - la Guinée, le Sénégal, la Gambie et Bissau -, sont désormais reliés. Mais cela a eu un effet inattendu. La demande d’électricité a bondi dans la région sénégalaise de Tambacounda, bien plus qu'anticipé initialement, signe d’une fourniture plus stable d’énergie sur le réseau électrique et par conséquent d'une moindre utilisation des groupes électrogènes, d’après l’un des responsables du projet.

    Autre progrès selon cet expert : la Guinée-Bissau ne dépend plus du seul navire Metin Bey, la centrale thermique flottante du groupe turc Karpowership, réputée coûteuse et génératrice d’émissions de CO2.

    D'après son programme 2019-2033, le WAPP espère construire 23 000 kilomètres de lignes haute tension au total pour fiabiliser le réseau pour un coût estimé de 10 milliards de dollars américains. Pour cela, l’agence compte sur des financements de bailleurs de fonds internationaux, comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement ou l’Agence française de développement.

    Divisions diplomatiques et insécurité

    Plusieurs interconnexions projetées ou bientôt mises en service passent par le Sahel, telles que la « Dorsale Nord », du Nigeria au Burkina Faso en passant par le Niger; la « Dorsale Trans-sahélienne » qui reliera, à terme, la Mauritanie au Tchad; l’interconnexion Ghana - Burkina Faso - Mali ou encore l’interconnexion Côte d’Ivoire - Burkina. Mais selon les experts du système d'échange d'énergie électrique, les relations actuellement complexes entre la Cédéao et l’Alliance des États du Sahel créée par les autorités de Bamako, Niamey et Ouagadougou, constituent un frein potentiel à leur développement. À cela s’ajoute l’insécurité dans la zone. « Il faut que les personnels en charge de l'installation soient en sécurité et ne soient pas victimes de terroristes », observe Serge Dioman, spécialiste du secteur de l’énergie. C'est délicat pour le WAPP d'évoluer correctement quand on est dans cette situation. »

    Produire plus de courant

    Au-delà des interconnexions, la production d’électricité est l’autre priorité du WAPP. La capacité installée dans la zone est actuellement de 27 gigawatts et est située à 48% au Nigeria. À moyen-terme, l’agence a donc pour objectif la construction d’une quarantaine de centrales pour la plupart des parcs solaires, éoliens ou des usines hydroélectriques. Un chantier de 26 milliards de dollars qui permettrait, sur le papier, à l'Afrique de l'Ouest de bénéficier de 16 gigawatts supplémentaires de capacité installée d’ici 2033.

  • La 8e édition du Salon monétique régional, organisé par le groupement interbancaire monétique de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (GIM-UEMOA), s’est tenu fin novembre à Dakar. Un rendez-vous consacré à l’inclusion financière et la transformation digitale de l’écosystème financier. Ce salon a été marqué par la présentation de GIMpay, une plateforme unifiée et interopérable, sorte de marketplace entre les différents acteurs du secteur avec pour finalité, faire monter en puissance les échanges financiers en ligne dans la sous-région.

    Commander un VTC, acheter des vêtements ou faire des virements bancaires depuis une seule interface numérique : c’est l’ambition de GIMpay qui voit le jour après plusieurs années de travail. « Aujourd'hui dans la région, il y a le paiement de factures, d'électricité, d'eau, quelques services de restauration, mais sans plus, constate Minayegnan Coulibaly, le directeur général du GIM-UEMOA. Donc l'idée ici est de tenter de convertir le maximum de services du quotidien des consommateurs de la région sous forme digitale. Et donc, il faut traiter les frictions qu'il y a dans le processus. Et la présence d'une infrastructure de marché vise simplement à massifier cela et à permettre à tout à chacun de pouvoir en bénéficier. »

    Le groupe InTouch propose ce type de service depuis dix ans, mais pas question de parler de concurrence. Au contraire, Sasoum Niang, sa directrice produits et marketing, se réjouit. « C'est une bonne chose parce que cela veut dire que les Etats, les organismes se mettent à la page des besoins de notre écosystème en s'assurant de toujours rester dans leur rôle de catalyseur et d'un organisme qui accompagne l'écosystème », met-elle en avant.

    L'ouverture sur un marché de 142 millions de consommateurs

    Cette interface regroupe pour le moment plus de 130 banques et entreprises. Elle répond à un vrai besoin et rentre dans la mission de l’organisation, selon Mikael Naciri, dirigeant du cabinet Digital Rails of Africa. « Le GIM-UEMOA c'est d'abord un fédérateur d'un écosystème d'acteurs autour du paiement. Le GIMpay est complètement dans son rôle de fournir ce qu'on appelle des DPI, c'est-à-dire des plateformes publiques qui sont accessibles en fait à l'ensemble des acteurs sans discrimination et avec un parcours d'enrôlement qui est transparent », analyse-t-il.

    GIMpay représente aussi pour les entreprises une ouverture sur 142 millions de consommateurs à travers huit pays. « En tant que Fintech, nous avons besoin effectivement d'avoir accès à un marché ouvert dans l'UEMOA sans pour autant faire des efforts pour aller contacter l'ensemble des acteurs de façon individuelle. GIMpay justement nous a offert cette ouverture, ce qui signifie pour nous d'accéder à un marché financier beaucoup plus large au-delà des frontières du Sénégal, ce qui signifie pour nous une opportunité. C'est pourquoi on n'a pas hésité effectivement à la saisir », explique Mbaye Seck Diop, le PDG d’African Payment Gateway.

    Selon plusieurs parties prenantes de GIMpay, les premiers utilisateurs devraient avoir accès à l’interface à partir du mois de janvier, avec un coût pour le consommateur d’1 à 2% de chaque transaction.

  • En Afrique du Sud, la SABC, principal média public, peine à trouver un système économique viable. Le projet de loi censé redresser son économie a été retiré par le ministre des Communications. Pour certains, cette décision est raisonnable, car le projet de loi n’était pas assez clair sur le plan des finances. Pour d'autres, c’est une décision absurde qui menace l'existence même de la chaîne.

    La SABC est « une bombe à retardement » titre le journal sud-africain Business & Technologie. L’article revient sur les pertes spectaculaires du média public : plusieurs dizaines de millions d’euros en deux ans. Le projet de loi aurait-il pu répondre à cette profonde crise financière ? Non, répond le ministre des Communications, Solly Malatsi. « Il est clair que le projet de loi n’est pas à la hauteur de l’urgence, car il prévoit un objectif de trois ans pour trouver une solution de financement et laisse donc la SABC dans une situation financière précaire. »

    Transition digitale manquée

    Surtout, dans le camp des « contre » ce projet de loi, on regrettait que le texte ne mentionne pas les nouvelles habitudes de consommation de l’information. Notamment en ligne, via nos smartphones. La SABC ne peut plus, par exemple, compter sur la licence TV, payée par chaque foyer qui possède une télé, comme principale source de revenus. « Maintenant, les gens vont sur YouTube ou TikTok. La SABC doit s'adapter à ça, en étant moderne, et non pas bloquée dans une vision un peu traditionnelle et à l’ancienne, assure Uyanda Siyotula, coordinatrice nationale de SOS Coalition, un organisme de défense des médias publics qui a milité pour le retrait de cette loi. Le problème, c’est que cette transition digitale, ce n’est que 3 % du budget annuel de la SABC, il faudrait que le gouvernement consacre au moins la moitié du budget dans cette transition. »

    Les craintes des journalistes

    Mais selon Aubrey Tshabalala, secrétaire général de l'Union des travailleurs de la SABC, le retrait de cette loi a des conséquences directes sur les employés : « Les journalistes vont sur les terrains les plus dangereux. Les services de production travaillent très dur. Et tous ces gens ne devraient pas souffrir des mauvaises décisions politiques. C'est comme si on devait se jeter dans le vide sans parachute. Le retrait de cette loi, c'est une perte de temps, et c'est dangereux. Parce qu’on doit recommencer tout le processus parlementaire. Si les choses continuent comme ça, un jour la SABC va vraiment finir par s’effondrer. »

    Le financement de la SABC est un nouveau point de divergence dans ce gouvernement d’union nationale en place en Afrique du Sud. Les désaccords politiques entre partis pourraient bien avoir de lourdes conséquences sur la santé financière déjà très fragile du média public.

  • Malgré son riche sous-sol, les investissements dans l’industrie extractive en Afrique restent encore modestes : entre 2018 et 2022, moins de 14 % des investissements directs étrangers mondiaux dans le secteur minier étaient à destination du continent. Les PME ivoiriennes des industries extractives — mines et hydrocarbures — souffrent d’un accès difficile aux financements, alors que le pays ambitionne de devenir un « grand exportateur » de produits miniers et pétroliers d'ici à 2030.

    De notre correspondante à Abidjan,

    10 000 milliards de FCFA : c’est la somme investie dans le secteur minier et pétrolier en Côte d’Ivoire ces 10 dernières années. Une manne à laquelle les petites et moyennes entreprises peinent à avoir accès, face à la frilosité des investisseurs traditionnels, comme les banques nationales. Une problématique sur laquelle se sont penchés des professionnels du secteur réunis au Salon international des ressources extractives et énergétiques (Sirexe), qui s’est tenu à Abidjan du 27 novembre au 2 décembre.

    « Le fait de mettre les financements dans un panel au Sirexe, c’est déjà reconnaître qu’il y a un problème sur les financements, et je pense que c’est déjà un très bon début, met en avant Kamel Koné, président du groupement des Entreprises de services pétroliers et gaziers de Côte d’Ivoire et directeur général de la société Hydrodrill. Il manque encore une grande collaboration entre les établissements financiers et les acteurs du secteur que nous sommes. Il y a encore un gros travail à faire, parce que l’accès au financement reste, pour nous, une limite et peut même mettre en difficulté le contenu local dans notre pays. » Il regrette que les banques ivoiriennes ne prennent pas suffisamment de risques.

    « Si je prends notre groupement, par exemple, qui a 20 entreprises, il n’y en a que deux qui ont pu avoir accès à un financement, donc vous pouvez faire le calcul, ce n’est pas beaucoup. Il y a une chose que les banques ne prennent pas en compte, c’est la durée. Pour avoir un financement, on peut mettre trois, quatre mois, alors que notre industrie demande d’être réactif », détaille Kamel Koné.

    Besoin d’être rassuré

    Certains ont donc recours aux banques internationales, plus enclines à prendre des risques, et plus aptes à débloquer rapidement des liquidités. Jessica Bleu-Lainé est responsable du secteur de l'industrie minière et énergétique à la Société Générale Côte d’Ivoire : « Très souvent, ce sont des premiers marchés, deuxièmes marchés. On cherche quand même aussi à avoir un historique de la compétence, de la technicité, parce que c’est quand même un secteur qui est très technique, donc ça peut être aussi un frein. Quand on fait un financement, on cherche à se couvrir par rapport à ce financement. Est-ce que le paiement final est sûr ? Qui est-ce qui va venir payer ? Donc pour ça, on va regarder l’historique de l’entreprise. »

    Jessica Bleu-Lainé souligne que dans le domaine, les montants sont énormes : « C’est ça aussi qui peut expliquer un peu la réticence des banques. Une entreprise qui n’a pas réalisé ce type de marché, ou qui n’a pas d’historique, pour un premier marché, peut se retrouver avec 500 millions. Donc une entreprise qui n’a pas trop d’historique sur le secteur, ou qui débute à peine, lui prêter 500 millions à vue… Bon. »

    Un fonds pour soutenir le contenu local

    Les opérateurs ivoiriens s’efforcent de diversifier leurs sources de financement, en se tournant par exemple vers les bailleurs internationaux ou les fonds de pension. Un fonds d’investissement minier a d’ailleurs été officiellement lancé en marge du Sirexe pour financer les sous-traitants et fournisseurs de services du secteur. Une première en Afrique de l’Ouest, qui ouvre des perspectives prometteuses, se réjouit Seydou Coulibaly, le directeur des mines de Côte d’Ivoire. « On a réfléchi avec toutes les parties prenantes, les employés, les sociétés minières, les sous-traitants. Pourquoi ne pas mettre un fonds en place ? Et ce fonds mis en place, c’est la contribution au niveau des salariés, c’est la contribution au niveau des sociétés, c’est la contribution de tous ceux qui sont employés », explique le directeur.

    « Ce fonds qui sera mis en place va permettre de soutenir surtout le contenu local. En amont, au niveau de l’exploration minière, vu les montants très élevés, il n’est pas aisé pour les petites compagnies d’aller dans l’exploitation minière. Mais ce fonds peut aider pour la sous-traitance minière, les services et, à long terme, si ça a bien fonctionné, on pourra faire une mise à jour pour faire des applications en vue de vendre des permis », espère Seydou Coulibaly. Ce fonds permettra aussi aux salariés du secteur minier de placer une partie de leur retraite complémentaire. Leur nombre est estimé entre 12 000 et 15 000 employés en Côte d’Ivoire.

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  • Dans la lagune marine de Bizerte, au nord-ouest de la Tunisie, une entreprise franco-tunisienne cultive et transforme l’algue rouge en gélatine alimentaire végétale. Fruit d’investissements français et koweïtiens, le projet a mis trente ans à voir le jour, le temps de faire les études d’impact environnemental. Aujourd’hui, Selt Marine est en pleine expansion : 8 millions d’euros seront investis dans les deux prochaines années pour augmenter la production en Tunisie et ailleurs en Afrique.

    De notre correspondante à Tunis,

    Ce n’est pas le bruit des vagues qui résonne dans le cabanon face à la lagune de Bizerte, en Tunisie, mais les mains des femmes qui lavent minutieusement des algues dans de grands bacs d’eau. « Je nettoie, je lave bien et ensuite les algues sont séchées. Une fois que c’est fait, les pêcheurs nous rapportent un nouveau stock de la mer et on répète le processus », détaille Mongia Thabet, 55 ans, qui exécute cette opération au quotidien depuis près de sept ans.

    Séchées au soleil tunisien

    Les algues sèchent au soleil sur de grandes tables et c’est ainsi qu’elles deviennent blanches. Un processus artisanal qui distingue cette production d’autres productions dans le monde. « La plupart de nos concurrents, pour ne pas dire tous, le font avec du peroxyde, donc des agents chimiques. Depuis le départ de la création de la société, nous, on blanchit avec le soleil tunisien, explique Mounir Boulkout, le fondateur de l’entreprise Selt Marine. Et cette blancheur est une marque de qualité pour nos clients. »

    À écouter dans C'est pas du ventLe boom prometteur des algues

    Émulsifiant ou gélatine végétale

    Sur une superficie de 80 hectares de concession marine, Selt Marine cultive et transforme l’algue rouge en n’utilisant aucun produit chimique. Dans la mer, la reproduction de l’algue est contrôlée grâce à des tubes et des cordages où poussent les algues, récupérées ensuite par les pêcheurs, sans perte. Près de 10 000 tonnes d’algues rouges sont ainsi cultivées par an.

    Le produit fini est vendu aux grands groupes industriels qui s’en servent comme émulsifiant ou gélatine alimentaire. « Boulkout, en arabe, veut dire "celui qui donne à manger" donc j’ai un peu une obligation !, plaisante Mounir Boulkout. Dans la plupart des produits transformés, vous avez des ingrédients, des additifs, qui ne sont pas toujours très sains, pas toujours d’origine végétale. Nous fabriquons un produit d’origine végétale avec un processus et des vertus écologiques. »

    Biodiversité recréée

    Car la production d’algues recrée de la biodiversité marine et attire de nouveau les poissons et les crustacés dans une région victime de surpêche et du réchauffement climatique. « Quand je suis arrivé en 1995, on ramassait et on trouvait énormément d’algues en juillet-août, se souvient le patron de Selt Marine. Ce n’est plus le cas. Il n’y a plus rien parce qu’il y a à peu près trois quatre ans, la Méditerranée a pris 5 degrés pendant l’été. »

    L’entreprise travaille donc principalement d’octobre à juin pour s’adapter et exploite aussi des concessions au Mozambique et à Zanzibar.

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  • En Afrique, le changement climatique pourrait faire chuter de 18 % la production agricole d'ici à 2050, alors qu’il faudrait la tripler pour nourrir une population plus nombreuse. Comment conjuguer les efforts des États, des chercheurs, des bailleurs et du secteur privé pour permettre aux agriculteurs de continuer à produire malgré les aléas ?

    Irrigation, variétés résistantes, versement de cash aux agriculteurs en cas de mauvaise récolte… C’est un bouquet de solutions qui doit être mis en place et vite, face au changement climatique. Mais seule une dizaine d’États d’Afrique consacrent comme promis 10 % de leur budget à l’agriculture et les bailleurs étrangers la négligent encore.

    Tirer dans le même sens

    « L’agriculture africaine reçoit moins de 5 % de l’aide publique internationale, alors que c’est la baguette magique pour atteindre pratiquement tous les objectifs de développement durable, déplore Augustin Grandgeorge, qui dirige l’initiative Atlas, un laboratoire permanent sur les transitions agricoles africaines rassemblant gouvernements, bailleurs, secteur privé et chercheurs, qui espère inverser la tendance. La question, c'est comment on mobilise tous ces investissements, quelles sont les priorités qu’on finance, comment on tire tous dans le même sens. Donc, ça nécessite à la fois un plaidoyer et un dialogue politique. »

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    Soutenir les banques publiques agricoles

    Les banques publiques agricoles africaines ont un grand rôle à jouer pour attirer les financements privés. « C’est à ça qu’on essaie de travailler en tant qu’agence publique de développement dans notre dialogue de politique publique avec les États africains et dans tout le travail que l’on fait avec les banques agricoles du continent, explique Matthieu Le Grix, de l’Agence française de développement. On a notamment engagé un gros travail avec le Fida [Fonds international de développement agricole] autour d’une coalition de banques publiques agricoles pour échanger des expériences, des méthodes, la définition de produits financiers adaptés, et pour que des banques agricoles plus avancées, comme le Crédit Agricole du Maroc, partagent leur expérience avec des banques qui ont moins de ressources humaines et financières pour faire de l’innovation. »

    Rassurer les banques commerciales

    Filiale du géant marocain des fertilisants azotés OCP, InnovX s'est lancée dans l’accompagnement des petits paysans ouest-africains. Ce qui permet de convaincre les banques commerciales de les financer. « Notre rôle à nous, c'est de venir leur démontrer que ce fermier, voilà comment on le ''dé-risque'', explique son vice-président Younes Addou. En mettant en place les différentes solutions que sont l’accès à un marché pour sa production, l’accès à des infrastructures pour que sa production ne pourrisse pas, l’accès à des intrants adaptés, à même d’améliorer la qualité de son sol et du coup les rendements de production et sa résilience. »

    Pour rassurer les banques, InnovX propose aussi aux producteurs une assurance rendement qui indemnise jusqu’à 70 % des pertes de récoltes.

    À écouter dans 8 milliards de voisinsAgriculture : les semences paysannes au service de la biodiversité

  • Au Sénégal, la deuxième édition du Salon international du livre jeunesse s’est tenue mi-novembre. Des éditeurs sénégalais et de toute l'Afrique sont venus présenter leurs ouvrages à un public de familles et de scolaires à Dakar. Le secteur est en plein développement, mais la question se pose des coûts de production pour les petites structures qui se lancent.

    De notre correspondante à Dakar,

    Donner l’amour de la lecture aux enfants, c’est l’un des objectifs du Salon du livre jeunesse. Les goûts des petits Dakarois ce jour-là sont variés. « J'aime les bandes dessinées, les histoires de Dakar ! »

    Alpha Diallo, de la maison d’édition sénégalaise Les Classiques de la Teranga, observe le marché depuis plusieurs décennies. « On a beaucoup d'éditeurs, surtout des gens qui sont arrivés récemment dans le milieu de l’édition et qui éditent surtout dans le créneau jeunesse. Ce sont les contes où l’on parle des histoires africaines qui se vendent le mieux. »

    Impression coûteuse en France

    Arielle Antchandie et sa cousine Wilfrida l’ont bien compris. Tout sourire devant leur stand, ces deux étudiantes gabonaises passionnées auto-éditent de beaux albums jeunesse de légendes africaines depuis deux ans. Un projet familial. « Ma grand-mère écrit, ma tante illustre et moi, je fais le commercial », explique Arielle, qui fait imprimer ses livres en France, car elle n’a pas trouvé la qualité d’impression qu’elle recherchait à Libreville.

    Le transport représente un coût très important : 150 000 francs CFA pour faire venir trente livres, et cela se répercute sur le prix des albums, qu’elle vend 15 000 francs CFA pièce. « Nos prix sont les plus chers parce que nous sommes auto-éditeur. On n'a pas cette opulence-là d'avoir les partenaires, d'avoir de l'impression directement dans l'édition, etc… ». Arielle et Wilfrida ont réussi à placer leurs quatre ouvrages dans les librairies de Libreville. Le salon leur permet de prendre des contacts avec de nouveaux partenaires sur le continent.

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    La clientèle des écoles ne suffit pas

    Pour d’autres maisons d’édition comme Les Classiques de la Teranga, le gros de la clientèle reste les écoles. « Beaucoup d'écoles ont des bibliothèques, souligne Alpha Diallo. Les écoles, où les enfants ont une heure ou deux de bibliothèque par semaine, achètent vraiment beaucoup. »

    Le livre jeunesse a besoin d'un soutien plus large, estime l'organisateur du salon, dont c'est la deuxième édition, au cœur de la capitale sénégalaise. « Le marché doit être aussi alimenté, soutenu par l'État du Sénégal, par les États africains, par l'Union africaine, plaide Alassane Cissé, qui dirige aussi la maison Baobab éditions, pour qu'il y ait plus de livres de jeunesse et pour enfants. Pour que les enfants et les jeunes se cultivent et qu'ils voyagent à travers le livre. »

    Un fonds d’aide au secteur de l’édition existe au Sénégal, ce qui permet à certaines grandes maisons d’édition de proposer des prix abordables, à partir de 1 500 francs CFA le livre.