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À Bangui, une première entreprise de transformation de jus à base de fruits naturels locaux tels que la mangue, l’ananas, le gingembre, l’orange ou encore la pastèque a vu le jour. Jus Yourice, créée il y a trois ans par une jeune entrepreneuse de manière très artisanale, est devenue une entreprise semi-industrielle à la fin de l'année dernière.
Dès les premières heures de la matinée, Naomie Persévérance et son équipe de dix personnes sont déjà au travail. Pour entrer dans cette usine de Bangui, capitale de la Centrafrique, les mesures d'hygiène s'imposent. Tout le monde a l'obligation d'enlever ses chaussures, de mettre des gants et un masque. Assise sur un banc devant une bassine, Dorcas, l'une des ouvrières, procède au triage des fruits.
« Nous travaillons avec un réseau d'agriculteurs qui nous approvisionne en fruits. Ici, le processus de fabrication de la boisson se fait en cinq grandes étapes : le traitement de l’eau, la réception des matières premières, la fabrication des jus, l’embouteillage et l’expédition des produits finis. C'est ce qui me permet de prendre en charge ma famille. J'ai un contrat de 100 000 francs CFA. »
Formation au SénégalÂgée de 32 ans, Naomie Persévérance Magalamon a suivi sa formation dans une entreprise de fabrication de jus naturels au Sénégal et sur internet. De retour à Bangui, la jeune entrepreneuse a décidé de lancer son affaire sur fonds propres : « Si on dépense au minimum 300 000 francs CFA, on peut faire une marge de 100 000 à 125 000 francs CFA de bénéfices. Par mois, nous produisons 2 000 bouteilles, l'équivalent de 100 casiers et un casier coûte 9 000 francs CFA ». Un argent réintroduit dans le fonctionnement de l'entreprise, le paiement des salaires et les investissements.
« J'en prends trois ou quatre fois dans la semaine et en un mois, je peux en consommer une vingtaine de fois. Ça fait partie de ma culture de consommer ce jus naturel fait par une centrafricaine », explique Anis Zowé, une jeune femme qui fait partie des nombreux consommateurs séduits par l'initiative de Naomie.
Recyclage des emballagesLes jus Yourice sont commercialisées sur tous les marchés de Bangui et dans quelques villes de provinces à l'exemple de Berberati, Bouar ou encore Bambari. « Les clients potentiels sont les particuliers, les services traiteurs, les bars, les stations services et les boulangeries, qui achètent et revendent nos produits, détaille l'entrepreneuse centrafricaine. Pour l'instant, en Centrafrique, on ne fabrique pas d’emballages. Nous recyclons les petits modèles de bouteilles de Heineken et de Desperado. On les lave et on les stérilise pour notre utilisation. »
Difficile encore pour l’entrepreneure de gérer les périodes creuses, entre les récoltes de fruits. Cette année, Naomie Persévérance Magalamon souhaite acquérir une grande plantation de fruits à proximité de Bangui. Son objectif à long terme : augmenter sa production afin d'exporter ses jus dans d’autres pays d’Afrique centrale.
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À Bossongo, un village situé à 50 km au sud-ouest de Bangui, la fabrication et la commercialisation de l’huile de palme est une source de revenus pour de nombreux habitants. Alors que la plupart en produit de façon artisanale et individuelle depuis plusieurs décennies. Une entreprise baptisée L'Or Rouge, créée il y a deux ans par un groupe de producteurs natifs de la localité, a décidé de se lancer dans de la production semi-industrielle.
De notre envoyé spécial à Bossongo,
Dans ce village traditionnellement réputé pour ses palmiers à huile, la récolte vient de commencer. À perte de vue, plusieurs milliers de palmiers avec des fruits mûrs se développent sur une superficie d'environ 100 m².
Pour couper les régimes, les ouvriers sillonnent les couloirs bien aménagés. Chérubin Leondamon, 35 ans, est le coordonnateur de ce projet qui a été mis en place par une vingtaine de jeunes de la localité. « Notre chantier compte une centaine de palmiers. Nous avons cotisé pour acheter cette plantation et installer la petite usine. Un palmier produit généralement cinq régimes. Pour produire un fût d'huile de palme, il nous faut au moins 200 régimes. Chaque mois, nous produisons 50 fûts », détaille-t-il.
Après récolte, les fruits sont acheminés dans l'usine semi-artisanale qui se trouve au centre de la plantation. Ils sont ensuite dépulpés, malaxés et pressés dans des machines artisanales pour avoir l'huile rouge. « On n'a pas les moyens d'acheter des machines sophistiquées, explique Noël Bissafio, le machiniste. Nous fabriquons nous-mêmes nos machines à l'aide de fûts, de bidons, de chaînes de motos et de morceaux de bois solides. Le mécanisme est simple : on verse les fruits dans le fût puis on ajoute de l'eau. On verse ensuite les fruits dans un autre fût. Il suffit de presser les fruits jusqu'à obtenir l'huile dans cette machine appelée malaxeur ».
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Développer le commerce à l'étrangerL'huile obtenue est acheminée vers les marchés à l'aide de vélos, de pousse-pousse et des motos à trois roues. Le bidon de 25 litres est vendu 15 000 francs CFA et le litre 1 500 francs CFA. « Si on les achemine dans d'autres régions, on augmente le prix à 25 000 FCFA à cause des tracasseries routières. Certains de nos clients viennent des pays voisins à l'exemple du Nigeria et du Cameroun », poursuit Chérubin Leodamon.
Des prix attractifs pour les consommateurs locaux face aux quelques litres d’huile de palme importés. La recette mensuelle est utilisée pour payer les salaires, entretenir la plantation et les machines. Mais dans cette activité, les difficultés ne manquent pas, selon Clarisse, l'une des productrices. « Maintenant, il nous faut avoir d'autres plantations et surtout des moyens roulants pour vendre nos produits partout en Centrafrique et au-delà de nos frontières », ambitionne la jeune femme.
La production d’huile de palme reste la seule activité économique pour ces jeunes, qui souhaitent, avec le temps, passer d'une production semi-artisanale à une production industrielle.
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Saknas det avsnitt?
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Si la Cédéao a décidé de donner un délai de six mois au pays de l’AES, ce 29 janvier marque néanmoins la sortie officielle du Burkina Faso, du Niger et du Mali de l’organisation régionale. Un acte politique décidé il y a un an déjà. Quelles ont été les mesures économiques prises et quelles sont les perspectives économiques de l’AES ?
Privée d’accès à la Banque d’investissement et de développement de la Cédéao (BIDC) et donc de 500 millions de dollars de financements. L’Alliance des États du Sahel (AES) a annoncé vouloir créer sa propre structure ainsi qu’un fonds d’investissement. « Il y a eu une rencontre très importante à Bamako avec les ministres de l'Économie et des Finances et d'autres entités publiques des trois pays, à un très haut niveau, pour avancer la réflexion, pour mettre en place cette banque d'investissement et de développement. Je pense que la réflexion est assez poussée pour que cette banque puisse voir le jour assez rapidement », détaille Modibo Mao Makalou, économiste malien.
Le riche sous-sol de ces pays est sans nul doute un atout majeur dans ce processus, souligne encore Modibo Mao Makalou, ancien conseiller à la présidence. « Nous parlons de l'uranium et du pétrole pour le Niger, de l'or et du lithium pour le Mali et essentiellement de l’or pour le Burkina Faso. Donc, évidemment, ce sont les ressources prisées en ce moment et je pense qu'il n'y aura aucun mal à mettre en place une banque d'investissement », détaille-t-il.
L’AES reste cependant dans l’Union monétaire des États d’Afrique de l’Ouest, donc de la Zone franc. Mais « à terme, il est prévu qu’à l'horizon 2027, une monnaie commune soit instaurée. Ça veut dire que les trois pays, la Confédération de l’AES se retirent de tout cela », insiste-t-il.
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Des voies d'approvisionnement alternativesFrançois Giovalucchi, chercheur, ancien du Trésor français, est plus prudent. « Sur les questions monétaires, non, on n'a pas entendu parler d'avancée. Il était question de mettre en place une banque régionale qui se substituerait à la BIDC. Mais cette banque régionale, vu l'état des finances de ces pays, elle ne peut exister que pour autant que des non régionaux, c'est-à-dire d'autres pays comme la Chine, veuillent bien apporter du capital », analyse-t-il, questionnant les possibles investisseurs dans la région. « On peut aussi se poser la question avec beaucoup de doutes puisqu'on a vu que la Chine tend à réduire sa voilure en matière de financement de l'Afrique depuis déjà deux ans », souligne encore François Giovalucchi.
Cette année, les trois États ont mené des politiques de reprise en main du secteur minier, leur principale source de revenus pour les caisses publiques. Pour le commerce, il a fallu s’adapter. « Il y a des voies alternatives, notamment le fait de passer par le Togo qui est désormais beaucoup plus proche des pays de l’AES qu’il ne l’a été. Il y a des voies alternatives, il y a des détournements de trafic que l’on va pouvoir mesurer, mais le problème d'un détournement de trafic, c'est que lorsqu’on passe par des nouvelles zones, elles peuvent être soit non sécurisée, soit manqué d'infrastructures », décrit le chercheur.
« Ce qu'on a observé, c'est effectivement que le port de Lomé tendait à être privilégié par rapport au port du Bénin, puisque la frontière Bénin-Niger reste fermée », souligne encore François Giovalucchi. Conséquence de cela : des surcoûts. L’OCDE notait en décembre que le nouvel itinéraire Lomé-Niamey « engendre une augmentation de plus de 100% des coûts logistiques par rapport au trajet pré-crise ».
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Nutri’zaza commercialise une farine infantile fortifiée vendue sous forme de bouillie chaude, en porte-à-porte, dans les quartiers vulnérables des grandes villes de l’île. Chaque jour, ce sont plus de 36 000 rations qui sont distribuées et viennent ainsi remplir le ventre d’enfants malgaches.
« Koba Aina », c'est par un cri reconnaissable que la vendeuse de bouillie avertit les riverains de son passage imminent dans ce bidonville de la capitale. L’employée de Nutri’zaza déambule d’un pas vif d’une ruelle à l'autre pour vendre un maximum de rations de la bouillie qu’elle a préparée aux aurores. Comme elle, ils sont près de 200 animateurs à assurer quotidiennement la distribution de la farine fortifiée dans l’île.
L'inclusion au cœur des quartiers vulnérables« Tous les animateurs de Nutri'zaza sont des salariés, dont 75% sont des femmes issues des quartiers vulnérables ». Un modèle inclusif dont Mandresy Randriamiharisoa, directeur de l’entreprise sociale, est très fier. « Le système de rémunération d'une animatrice repose sur la fourniture de matière première par Nutri’zaza. L'animatrice se met à cuire et distribuer. En plus d'avoir un salaire fixe qui est 1,4 fois supérieur au SMIC malgache – elle touche environ 600 000 ariary mensuel, lors de chaque tournée, elle a une survente qu'elle garde pour elle et que Nutri’zaza ne comptabilise pas. Nutri’zaza, c'est une croissance chaque année. On n'a jamais cessé de croître depuis 2020, en fait. Et d’ailleurs, en 2023, on a atteint un chiffre d'affaires de plus d’1 million d'euros. Ce qui était du jamais vu. Et chaque année normalement Nutri’zaza fait une croissance d'environ 15%. Des fois, c'est 20% ».
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Une success story autonome et durableParfois, seulement 5%. L’année 2024 a en effet été rude. Un ralentissement que l’entreprise attribue à la paupérisation de la population et la baisse de son pouvoir d’achat. Toutefois, aux yeux du Gret, l’ONG à l’origine du développement de la recette de la farine fortifiée (avec l’IRD, l’Institut de recherche pour le développement) il y a 20 ans, Nutri’zaza reste une success story et Claire Kaboré, sa représentante à Madagascar, explique pourquoi : « Nutri’zaza est totalement autonome financièrement, même si elle reçoit quelques subventions, notamment de l'Agence française de développement pour lui permettre soit de tester des nouveaux produits, des nouveaux services ou d'étendre son réseau de distribution dans des nouveaux quartiers populaires. Ça demande un peu de moyens que Nutri’zaza n'a pas étant donné que ses marches sont très réduites. Mais si demain la subvention s'arrête, Nutri’zaza est rentable. Voilà, et donc c'est une success story dans le sens où Nutri’zaza arrive à vendre une bouillie totalement équilibrée et aux normes internationales en termes de qualité, à des prix abordables parce qu'ils ont été formulés dans ce but, vraiment qu'ils soient le moins cher possible pour les populations de ces quartiers-là ».
Aujourd’hui, la production de ses produits est sous-traitée à des industriels partenaires. À terme, l’entreprise sociale aimerait acquérir sa propre unité de production, afin de faciliter la recherche et le développement de nouveaux produits pour répondre au marché et aux besoins sans cesse croissants des populations vulnérables.
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Le nombre d’Africains vivant sans électricité a augmenté ces dernières années. 600 millions de personnes seraient concernées. Pour inverser la tendance, le continent a besoin d’investissements lourds. L’une des difficultés est d'attirer des intérêts privés pour financer les réseaux servant à transporter l’électricité.
En 2023, la plateforme d’investissement Africa50, crée par la Banque africaine de développement, faisait les comptes : 99,5% de ce qui venait d’être investi dans le secteur de l’énergie avait été consacré à des projets de production d'électricité. « Il y a eu un certain engouement pour le financement privé de la production d'électricité au Cameroun, la centrale de Nachtigal, en Côte d'Ivoire, la centrale d'Azito, au Sénégal, Malicounda, Tobène, détaille Alain Ebobissé, directeur général d’Africa50, mais ce que nous n'avons pas vu, c'est cet engouement du secteur privé jusqu'à présent pour le financement des lignes de transport d'électricité ».
Des efforts trop lourds pour les ÉtatsHistoriquement, la grande majorité des investissements réalisés dans les lignes de transport électriques ont été faits par les gouvernements ou grâce à des prêts souverains garantis par des banques de développement.
Ces sources de financement n’ont pas suivi l’évolution des besoins. Sylvie Mahieu, spécialiste de l’énergie au sein de la Banque africaine de développement, y voit l’un des obstacles à la création de réseaux robustes et donc à l’exploitation optimale des nouvelles centrales. « L'État ne peut pas fiscalement assumer ce genre d'infrastructure et ils ont des demandes sociales présentes dans le domaine de l'éducation et de la santé, tandis qu'il y a un modèle qui permet en fait de générer des revenus pour les investisseurs privés sur un modèle de lignes de transmission ».
Privatiser les lignes de transport, totalement, en partie, ou confier leur exploitation à une entreprise, le Brésil, le Pérou, le Chili ou l'Inde ont déjà passé le pas. L’opérateur privé peut par exemple financer la construction de lignes et ensuite les exploiter en échange d’un loyer. Puis au bout de 20 ou 30 ans, ces infrastructures sont rétrocédées aux pouvoirs publics.
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Des partenariats public-privé en progrèsEn Afrique, l’idée fait son chemin, même si certains États y voient encore une atteinte à leur souveraineté.
« J’ai le plaisir de dire que nous avons fait beaucoup de progrès dans le financement en partenariat public-privé de lignes de transport d'électricité au Kenya et nous avons eu des échanges assez fructueux pour le financement de certaines lignes de transport d'électricité au Mozambique », assure Alain Ebobissé.
Des discussions sont aussi en cours en Tanzanie, Nigeria, Ouganda... Reste à les concrétiser. Au Kenya, où Africa50, associé à l’opérateur public indien PowerGrid attend une réponse des autorités, les projets attribués au groupe du milliardaire Gautam Adani, lui aussi indien, accusé de corruption aux États-Unis, ont été annulés face à la fronde de l’opinion.
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Il y a dix ans, la déclaration de Malabo fixait les priorités pour combattre l'insécurité alimentaire en Afrique. Du 9 au 12 janvier en Ouganda, le sommet de l'Union africaine a débouché sur la déclaration de Kampala, nouvelle feuille de route pour l'agriculture et l'alimentation sur le continent pour la prochaine décennie. Des priorités qui avaient été discutées quelques mois plus tôt pendant le Forum africain des systèmes alimentaires à Kigali.
Contrairement à la déclaration de Malabo, centrée sur le secteur agricole, l'agenda approuvé à Kampala, en Ouganda, adopte une approche plus globale des besoins du système agro-alimentaire du continent. « Il ne suffit pas de produire, approuve Marc Bertin Gansonre, député et secrétaire général de la Confédération paysanne du Burkina Faso. Il faut aussi apporter une valeur ajoutée à cette production, apporter de la connaissance aux agriculteurs, pour qu'ils puissent utiliser les techniques et les technologies. Il faut aussi travailler sur des infrastructures routières et accompagner le secteur industriel à se développer. C'est un grand chantier, reconnaît-il, mais on va se donner les moyens de réussir ce que nous avons commencé. »
Approche globalePour l'heure, les objectifs très ambitieux de Malabo, comme l'affectation de 10% du budget de chaque pays à l'agriculture, ou encore la réduction de moitié de la pauvreté d'ici à 2025, sont loin d'avoir été atteints par les États membres. « Nous constatons que très peu, si ce n'est aucun pays, n'a réussi à allouer 10% de ses budgets nationaux à l'agriculture, regrette Jérémy Lissouba, député congolais et secrétaire général du réseau parlementaire africain sur les systèmes alimentaires. Notre vrai défi n'est pas un défi technique, technologique ni même financier. Notre vrai défi est un défi politique. Kampala doit être une décennie décisive pour relancer cette volonté politique. »
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Défi politiqueD'ici à 2035, la déclaration de Kampala vise notamment à réduire de moitié les pertes post-récoltes, à tripler le commerce intra-africain de produits alimentaires ou encore à augmenter de 35% les aliments transformés localement. « Dans le monde de l'après-conférence de Malabo, souligne Donald Brown, vice-président du Fonds international de développement agricole, il sera important de traduire les déclarations du niveau continental vers les organismes économiques régionaux, tels que la SADC et la Cédéao, où les ministères des Finances seront mutuellement responsables des résultats obtenus. »
Rendre les ministres redevablesLa déclaration de Kampala réaffirme l'urgence de développer la capacité du continent à nourrir ses habitants, dont 58% sont touchés par une forme modérée ou sévère d'insécurité alimentaire, selon la Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Un enjeu d'autant plus important face aux prévisions de croissance démographique estimant à 2,5 milliards d'habitants la population africaine d'ici à 2050.
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L'État guinéen a pris le contrôle de l'opérateur téléphonique Areeba Guinée, jusque-là détenu par le groupe sud-africain MTN. Au-delà de l'affirmation d'une souveraineté de la Guinée sur son secteur des télécommunications, le défi sera de relancer un opérateur qui a pris beaucoup de retard dans la modernisation de ses infrastructures.
En Guinée, les autorités de Conakry ont pris le contrôle de l'opérateur MTN, 21% du marché des télécom du pays, sans avoir à racheter cette filiale du groupe sud-africain, mais en effaçant sa dette. « Quand un opérateur ne paie pas ses licences et ses fréquences, soit on lui retire ses licences et ses fréquences, soit il doit acquitter cette somme, souligne Stéphane Lelux, ingénieur réseau et président du groupe de conseil Tactis. MTM avait accumulé une dette de plus de 100 millions de dollars, qui a été convertie en titres, par le transfert de la dette en capital pour l'État guinéen. »
Ambitions de souverainetéPar cette quasi-nationalisation de MTN Guinée, les autorités de Conakry espèrent concrétiser leurs ambitions de souveraineté, déjà affichées dans le secteur aérien, et rééquilibrer un marché des télécom largement dominé par Orange Guinée, co-détenu par Orange et Sonatel.
« L'ambition du président était de relancer un certain nombre de sociétés emblématiques pour les Guinéens, et Guinée Télécom en fait partie, explique le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo. Il s'agit de regrouper, dans une entité étatique, la gestion des infrastructures pour avoir un socle technologique commun, et un opérateur mobile qui vienne un peu redistribuer les cartes, dans lesquelles un seul opérateur, aujourd'hui, s'est adjugé plus de 80 % du marché. »
100 millions de dollars nécessairesGuinée Télécom et MTN pourraient donc fusionner. Mais il faudra des compétences et rattraper un retard important dans les investissements. « Aujourd'hui, il y a moins de 1 000 tours qui appartiennent à MTN, dont un peu moins de 800 sont opérationnelles, remarque Stéphane Lelux. Orange en a 2 700 ! Aujourd'hui, pour créer un opérateur d'ambition nationale face à Orange, la seule option, c'est d'investir dans au moins 1 000 à 1 500 tours nouvelles. Ensuite, il va falloir investir aussi dans une nouvelle génération de réseau, puisqu'il faudrait passer de la 4G à la 5G. On parle au minimum de 100 millions de dollars. »
Deux options sont possibles selon l'expert : le financement par un nouveau partenaire du secteur – Maroc Telecom, Axian ou Airtel –, mais qui exigerait probablement la majorité des parts dans Guinée Telecom, ce que ne souhaitent pas les autorités de Conakry ; ou un partenaire financier pur, plus un partenaire technique en simple contrat de service, la solution de long terme choisie au Bénin par la SBIN, la Société béninoise d'infrastructures numériques.
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La circulaire relative à l’exécution de la loi de finances 2025 de l’État du Cameroun, prévoit une fiscalité spéciale pour lutter contre la déforestation. Parmi les mesures, est acté un abattement de 20% de la valeur FOB (valeur du produit embarqué dans un bateau pour exportation, NDLR) pour l'hévéa, le cacao et le bois en grumes, et qui disposent « d'un certificat délivré par le ministère technique compétent, attestant de leur conformité aux normes de lutte contre la déforestation ». Une mesure qui interroge les experts du secteur.
Samuel Nguiffo est le directeur du Centre pour l'environnement et le développement (CED) à Yaoundé, capitale du Cameroun. Avocat, il a fait de la lutte contre la déforestation l'un de ses chevaux de bataille. S'il voit dans cette mesure une volonté de répondre aux nouvelles normes européennes, il s'interroge sur la certification.
« Pour le bois, il n'y a pas de norme en matière de lutte contre la déforestation dans la législation camerounaise. Donc, on ne voit pas très bien à quoi est-ce que cet article 10 de la loi des finances fait référence en parlant d'attestation de conformité aux normes en matière de lutte contre la déforestation », questionne-t-il. En plus des recherches menées par son organisation, « on peut avoir une attestation de conformité à la législation forestière, mais quand on regarde le contenu de la législation forestière, on ne garantit pas la durabilité de l'exploitation du bois ».
Au-delà de la question de l'applicabilité de cette mesure, Samuel Nguiffo s'inquiète du message que ferait passer cette mesure. « C'est un message qui dit, ''vous pouvez continuer à couper du bois en grumes, et vous pourrez même avoir un abattement à l'exportation'' », détaille, déçu, le défenseur de l'environnement. « Je me serais attendu à ce qu'il y ait un abattement de cette nature-là pour les compagnies qui exportent du bois transformé. Donc il y a une incitation à aller le plus loin possible dans la transformation, à aller vers des produits finis », poursuit-il, estimant que cela pousserait les compagnies à investir dans la transformation au Cameroun. Et de conclure : « Je suis d'avis qu'il faut décourager totalement les exportations de bois en grumes. »
Alain Karsenty, économiste et chercheur au Cirad, est spécialiste de ces questions. Pour lui, une manière d'encourager la production de matières premières ou de produits agricoles ou forestiers durables, « c'est de jouer sur la fiscalité ». Donc oui, pour lui, ce type d'initiative « est une bonne chose ». Cependant, il s'étonne des choix réalisés par les autorités camerounaises. « C'est une baisse unilatérale de 20% sur la taxe d'exportation, c'est quand même beaucoup. C'est très étonnant parce qu'ils sont en tension budgétaire. Donc là, ça veut dire qu'ils acceptent de faire des sacrifices budgétaires », constate l'expert.
Lui préconise plutôt un « bonus malus » pour ne pas peser sur les États déjà sous tensions budgétaires. « Les systèmes que je propose sont des systèmes dans lesquels ils ne perdent pas d'argent, puisque qu'il y a du bonus que s'il y a du malus. C'est-à-dire, le malus, c'est qu'on augmente progressivement une taxe sur les produits qui sont non certifiés, non durables, non tracés », détaille-t--il.
Pour Alain Karsenty, nul doute qu'il s'agit d'une mesure prise pour s'aligner sur les recommandations du Fonds monétaire international, ceci afin de pouvoir décaisser les 183 millions de dollars de prêt obtenu auprès du Fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité de l'organisation.
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Deux véhicules sur trois produits en Afrique du Sud sont destinés à l’export, principalement vers l’Union européenne et les États-Unis. La nouvelle administration Trump rend l’avenir de la filière automobile sud-africaine bien incertain.
De notre correspondant à Johannesburg,
L’industrie automobile sud-africaine compte sur les États-Unis : en 2023, c’est plus de 1 milliard d’euros d’exportations. Et si le protectionnisme de Donald Trump pourrait avoir un impact dévastateur pour l’Afrique du Sud, Norman Lamprecht, du Conseil économique de l’automobile en Afrique du Sud, reste confiant : « Aucun pays n’est autosuffisant. Chaque pays importe et exporte. Et je pense qu’il faut aussi être réaliste vis-à-vis de ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, parce que vous avez toujours besoin d’importer depuis d’autres pays — des matières premières pour les véhicules électriques en provenance d'Afrique du Sud et d’Afrique par exemple. »
Trump hostile au Brics et à l’Agoa ?Selon le spécialiste du secteur, « les États-Unis risquent alors d’être perdants si toutes ces opportunités sont saisies par des pays comme la Chine. Je pense donc qu’il faut vraiment être réaliste, et je suis sûr que le président Trump a beaucoup de conseillers à ce sujet. »
Reste que Donald Trump affiche une certaine hostilité vis-à-vis de l’Afrique du Sud, et des Brics en général. Le doute plane concernant l’avenir de l’Agoa, un pacte commercial mis en place par les États-Unis dans les années 2 000, qui favorise les échanges de marchandises avec certains pays africains, monnayant très peu de droits de douane.
Un pacte qui a permis un boom des exportations de véhicules sud-africains, +500 % en un peu plus de 20 ans. « Si Trump revient sur la participation de l’Afrique du Sud au sein de l’Agoa, cela affectera notre industrie nationale », assure Brandon Cohen, porte-parole de l’Association nationale des concessionnaires automobiles.
Possibles dommages collatérauxL’avenir de ce traité sera donc décisif pour l’industrie automobile sud-africaine. Mais pour l’économiste Xhanti Payi, il y a également d’autres menaces avec ce retour de Trump au pouvoir. « Aujourd’hui, on ne peut pas savoir quelles seront les futures relations économiques avec les États-Unis. Mais moi, ce qui me préoccupe, ce sont les répercussions sur l’Afrique du Sud des politiques menées par les États-Unis dans son propre pays, précise-t-il. Des droits de douane qui ne seront peut-être pas appliqués à l’Afrique du Sud, mais à d’autres partenaires commerciaux, et qui pourront avoir une incidence sur les prix et les taux d’intérêt. Avec un impact sur la finance mondiale qui nous affectera. Donc, oui, l’inquiétude est là ».
Une baisse des exportations sud-africaines pourrait aussi pousser des concessionnaires présents en Afrique du Sud à reconsidérer leur implantation dans le pays.
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Ce lundi 20 janvier, Donald Trump devient à nouveau président des États-Unis. Sa politique va être suivie de près par beaucoup sur le continent africain, notamment au Kenya. Joe Biden et William Ruto s’étaient rapprochés. Le chef d’État kényan avait même été reçu en grande pompe à Washington l’année dernière. Les industriels kényans particulièrement vont suivre avec attention les premières mesures de l’administration Trump, les États-Unis figurant parmi les plus importants marchés d’exportation du pays.
De notre correspondante à Nairobi,
Les États-Unis représentaient en 2023 le cinquième marché à l’exportation du Kenya, selon des chiffres des autorités kényanes. Des exportations qui ont augmenté sous l’Agoa, la loi sur la Croissance et les opportunités économiques en Afrique qui permet aux producteurs kényans d’exporter leurs produits vers les États-Unis sans droits de douanes. Mais le programme se termine en fin d’année et l’administration Trump pourrait affecter son renouvellement.
« Le nouveau président Trump a un objectif assez clair en ce qui concerne la promotion des entreprises américaines. Il veut une relation bilatérale qui revient à : je gagne, tu gagnes », explique Tobias Alando, le PDG de l’Association kényane des fabricants. Des échos reçus par le PDG, l’Agoa pourrait être renouvelée, mais avec de nouvelles contraintes. « Ça nous inquiète parce que nous ne sommes pas à des niveaux comparables en termes de puissance économique, de marchés, de technologies... Donc, nous ne pouvons pas négocier avec les mêmes exigences », souligne Tobias Alando.
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Secteurs du textile et de la santé tributaires des États-UnisUne inquiétude partagée par un grand nombre d'industriels kényans. Si l’Agoa n’était pas renouvelée, les emplois créés grâce à cette loi disparaîtraient, craint-il. « Je reçois constamment des appels des fabricants de textiles qui me demandent des nouvelles. Le secteur du textile serait le plus affecté, car c’est celui qui exporte le plus vers les États-Unis. Et probablement les produits frais. Les autres produits bruts devraient réussir à compenser avec d’autres partenaires commerciaux », détaille encore Tobias Alando.
Le Kenya porte notamment ses espoirs sur l’Union européenne. Un accord commercial a été signé en 2023, garantissant un accès sans taxes douanières aux produits kényans importés dans l’UE. Mais le gouvernement de Trump pourrait avoir des conséquences plus larges sur l’économie kényane. « Nous ne savons pas comment vont réagir les Républicains une fois à la Maison Blanche. Il pourrait y avoir des coupes en termes d’aide au développement ou des demandes faites en termes d’échanges commerciaux », insiste XN Iraki, économiste et professeur à l'Université de Nairobi.
« Ce qui est sûr, c’est que le secteur de la santé est très dépendant de l’aide américaine, notamment la lutte contre le VIH. Nous avons aussi un certain nombre d’agences américaines qui sont basées au Kenya, qui créent de l’emploi. Donc, un changement de politique étrangère pourrait avoir des conséquences pour le Kenya », analyse-t-il. Autre enjeu : les transferts d’argent issus de l’émigration. Les États-Unis en sont la première source pour le Kenya.
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Les opérateurs économiques sont avant tout inquiets et dans l’attente d’un apaisement depuis octobre et l'aggravation progressive de la brouille diplomatique entre Paris et Alger. À part quelques signaux récents de tension dans le commerce du blé ou des retards dans le redémarrage de Renault en Algérie, le commerce bilatéral n'a pas subi de perturbation majeure.
Les signaux de tension existent sur le terrain économique entre l’Algérie et la France. Le groupe français Renault n’a toujours pas obtenu l’autorisation de relancer sa production, alors que le constructeur français s'était adapté aux nouvelles réglementations algériennes. « Renault a fait de gros efforts d'investissement pour demander à ses sous-traitants de fabriquer en Algérie, souligne Michel Bisac, le président de la Chambre de commerce algéro-française. Donc, normalement, Renault devrait obtenir ses autorisations. Mais le contexte politique n'est pas du tout favorable. »
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Blé français de mauvaise qualité cette annéeLe blé français est également boudé par l’Algérie depuis octobre, un seul bateau est parti sur cette campagne, soit 31 000 tonnes, contre 1,6 million de tonnes habituellement, mais pour des raisons qui sont loin d'être uniquement politiques. « La qualité était vraiment mauvaise en début de campagne, souligne le courtier en céréales Damien Vercambre. Les silos portuaires ont commencé à la travailler, c’est là qu’il aurait fallu une collaboration entre la France et l'Algérie. Mais la porte s'est refermée. L'Algérie a trouvé d'autres fournisseurs, essentiellement de mer Noire. »
Inquiétude exagérée des opérateurs ?Pour l'heure, la brouille diplomatique entre Paris et Alger a surtout un impact psychologique sur les opérateurs. « Nous ne voyons pas du tout l'impact aujourd’hui, observe l’homme d’affaires algérien Slim Othmani. En revanche, évidemment, les entreprises françaises s'interrogent sur les conséquences que cela pourrait avoir sur leurs activités en Algérie. ».
Inquiétude palpable parmi les adhérents de la Chambre de commerce algéro-française, qui regroupe 400 entreprises françaises et 2 400 entreprises algériennes. Son président Michel Bisac veut néanmoins temporiser. « Il faut faire attention à ce qui relève un petit peu du fantasme et de la réalité. Beaucoup d'entreprises mettent sur le dos de la situation actuelle certains blocages, mais c'est peut-être aussi parce qu'il y a des excès de zèle de l'administration algérienne. »
« Il n'y a pas de rupture commerciale »Concrètement, il n'y a pas de perturbation majeure du commerce bilatéral, en 2024, selon les derniers chiffres des douanes. Les exportations de l’Algérie vers la France ont diminué de 12 %, mais les achats français de gaz naturel liquéfié algérien ont augmenté. Dans le même temps, les exportations de la France vers l’Algérie ont grimpé de 8 %. Et ce sont des fluctuations annuelles courantes. « Il faut être mesuré parce que les exports comme les imports de la France sont erratiques, rappelle Dhafer Saidane, professeur à Skema Business School. Il y a des années où le taux de croissance des imports et des exports est positif, d'autres années où il est négatif. En l'état actuel des choses, on ne peut pas tirer de conclusions structurelles. Pour moi, il n'y a pas de rupture commerciale. » Il est trop tôt, estime l'économiste, pour mesurer les conséquences éventuelles du différend politique franco-algérien.
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Le Togo est un gros consommateur de poisson : plus de 105 000 tonnes en 2022 selon le plan d'investissement dans la filière. Mais le pays n'en produit qu'une petite part localement. Deux milliards de francs CFA devaient être investis en 2024 pour le développement du secteur. Certains acteurs n'ont pas attendu pour se lancer dans l'aventure. À 200 kilomètres au nord de Lomé, dans le petit village de Nangbéto, se trouve Lofty Farm, la plus grosse ferme d'élevage de poissons du pays.
Avec notre envoyé spécial à Nangbéto,
Après un premier essai dans la banlieue Est de Lomé, au Togo, Pierrot Akakpovi, transitaire de formation, décide d'aller s'installer sur le site du barrage hydroélectrique « Fin digue de Nangbéto ». Là-bas, 12 000 hectares dont 2 à 6 hectares de terre ferme sont exploités. La profondeur de l'eau y est idéale, comprise entre 5 et 20 mètres. L'entrepreneur détaille les avantages de ce site : « Il y a la profondeur, la qualité de l'eau et les critères environnementaux. C'est plus spacieux. Le barrage de Nangbéto fait 180 km². » Le lieu est bien trouvé.
Pierrot Akakpovi y produit des aliments pour la consommation des poissons, sa conservation et la mise en carton. Il emploie 300 personnes. Ce jour-là, le moulin tourne. On est à la production des aliments. Komi est sur la machine pour moudre un mélange de farine de blé, de maïs, de soja, de la sonde, du manioc sec et des asticots. « S'il n'y a pas de coupure de courant, on fait 230-250 sacs. Mais si la machine a des problèmes, on n'atteint pas cela », explique Komi.
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Augmenter la production a un coûtDehors, des bacs au sol contiennent des milliers d'alevins qu'il faut nourrir et oxygéner. Nicolas surveille. Un aérateur très bruyant tourne en continu. Le processus est long pour arriver aux gros poissons d'au moins 500 grammes. « Nous sommes à plus de 13 tonnes de nourrissage par jour avec un prix moyen de 800 francs CFA. Cela fait plus de 10 millions de francs CFA que l'on jette dans l'eau chaque jour », souligne Pierrot Akokpovi.
Le Togo a besoin de 6 000 à 7 000 tonnes de tilapia chaque année, et Pierro Akakpovi souhaite apporter sa pierre à l'édifice. « Nous sommes aujourd'hui à près de 30-35% de production en 2024. Cette année, nous souhaitons viser les 50%, ce qui voudrait dire que nous serions autour de 3 500 tonnes cette année », précise le patron. Une production pour l'instant consacrée uniquement à la consommation locale.
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Début janvier, des dizaines de milliers de visiteurs ont rejoint le CES (Consumer Electronics Show), gigantesque salon de la technologie, à Las Vegas. Et pour la première fois, un pavillon africain était présent. L'occasion de se montrer, en particulier pour des start-ups marocaines.
De notre correspondant à Las Vegas,
Il est un peu difficile à trouver, presque caché derrière la centaine de stands coréens. Mais le pavillon africain est bien là, à Eureka Park, l'espace du CES réservé aux start-ups. C'est une première. « Commencez petit, voyez grand », sourit Lamia Aamou. C'est elle qui a réuni ici un peu moins d'une dizaine de start-ups liées à l'Afrique.
Objectif : promouvoir la tech locale. « L'Afrique a des besoins aujourd'hui. Et elle sait innover pour elle, c'est-à-dire que ces innovations, dans un premier temps, elles sont faites pour résoudre des vrais problèmes à destination des Africains. Notre challenge à nous, c'est comment faire pour que ces innovations, qui sont à destination des Africains et qui marchent très bien aujourd'hui, puissent atteindre le niveau mondial », développe Lamia Aamou.
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Un nez électronique dépisteur de maladiesFranco-marocaine, elle a profité de ses contacts avec l'UM6P, l'université Mohammed VI Polytechnique, pour trouver des « pépites ». Sensebiotek par exemple, avec son nez électronique. « On a développé un dispositif médical pour dépister l'odeur des maladies. Quand une maladie entre dans notre corps, notre odeur change du fait du métabolisme et des réactions immunitaires qui se passent à l'intérieur du corps. », explique le docteur Nabil Moumane
Dans le stand voisin, on retrouve une autre start-up médicale, Deep Echo, fondée par Saad Slimani, un radiologue : « C'est une start-up qui utilise l'intelligence artificielle pour faciliter l'examen échographique. Notre outil permet en fait d'automatiser tout ce qui est estimation du bien-être fœtal. C'est bon à la fois pour l'éducation, donc des jeunes internes etc, et à la fois, c'est bien pour les médecins experts, pour leur faciliter le travail. »
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S'ouvrir aux marchés européens, asiatiques et américainsLe siège de Deep Echo est aux États-Unis mais son activité opérationnelle est au Maroc, pays qui intéresse Peter Townshend. Cet entrepreneur californien a participé au panel sur l'investissement en Afrique : « Les coûts sont moins élevés au Maroc. Les talents risquent moins de quitter l'entreprise qu'ici. Les start-ups marocaines expliquent qu'elles peuvent tester leur concept sur leur marché. Et c'est très bien. Mais si nous sentons qu'elles ne peuvent pas élargir ce concept aux marchés américains, européens et asiatiques, nous n'investirons probablement pas. » Autre piste de financement : attirer une partie des 100 milliards de dollars envoyés chaque année depuis l'Europe par la diaspora en direction de l'Afrique.
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À Maurice, le tramway introduit en 2020 est devenu un gouffre financier. Baptisé Metro Express, ce nouveau mode de transport en commun est destiné à désengorger le trafic entre les villes. Mais il accuse un déficit annuel de 300 millions de roupies, l'équivalent de 6 millions d'euros. Le nouveau gouvernement, en poste depuis novembre 2024, réclame des comptes et veut stopper l'hémorragie financière d'un projet qui plombe lourdement les finances publiques.
De notre correspondant à Port-Louis,
Présenté comme l'un des plus grands chantiers jamais entrepris à Maurice, Metro Express est devenu, selon le nouveau gouvernement installé en novembre, un gouffre financier insoutenable. Dans une déclaration à l'Assemblée nationale, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a placé le réseau ferroviaire en tête des sociétés étatiques déficitaires et a estimé qu'il était insolvable : « Metro Express est incapable de rembourser sa dette, un emprunt de 16 milliards de roupies (l'équivalent de 330 millions d'euros, NDLR) contracté auprès de l'Inde. »
45 000 voyageurs par jourOpérationnel depuis janvier 2020, Metro Express relie les cinq villes de Maurice sur 30 kilomètres. Ses 18 trams desservent 21 stations, de Port-Louis à Curepipe. Environ 45 000 voyageurs, soit un tiers des usagers urbains, utilisent quotidiennement ce mode de transport apprécié pour son confort et sa rapidité.
Cependant, sa rentabilité pose un sérieux problème. « Les coûts des opérations sont largement supérieurs aux revenus, déplore le ministre des Transports, Osman Mahomed. Je travaille sur un plan pour assainir le lourd impact de Metro Express Ltd sur les finances publiques. On ne peut pas ad infinitum faire de sorte que la compagnie soit financée par des fonds publics. »
Metro Express dessert les zones les plus stratégiques du territoire, notamment les cinq villes du pays, ainsi que le technopole d'Ébène et la cité universitaire de Réduit. Selon la directrice générale au ministère des Transports, un compromis doit être trouvé. « Ce nouveau mode de transport a fidélisé de nombreux voyageurs à Maurice, notamment des voyageurs urbains, souligne Moheenee Nathoo. Il faudra continuer à offrir le même service, 45 000 voyageurs par jour, sans que cela impacte le coût des opérations. Nous mobilisons nos ressources au niveau de Metro Express Ltd afin de chercher à rendre le service rentable et de peser moins sur le budget national. C'est très important. »
Vers une augmentation du prix du ticket ?Afin de rationaliser le service, le gouvernement envisage plusieurs mesures : une augmentation du prix du ticket – qui vaut en moyenne moins d'un euro en ce moment –, une révision des conditions de gratuité du service pour les seniors et les étudiants, ainsi qu'un report des prochains développements.
Face aux critiques concernant le déficit du projet, les anciens administrateurs de Metro Express défendent un projet stratégique avec des bénéfices économiques, sociaux et environnementaux à long terme.
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Poumon économique de l'économie marocaine, le secteur du tourisme a réalisé des records en 2024, en générant plus de 10 milliards d'euros de revenus. Avec 17,4 millions de visiteurs, le Maroc devient le pays le plus visité du continent africain et ne compte pas s'arrêter en si bon chemin : 30 millions de visiteurs sont attendus en 2030.
Les chiffres vont au-delà des objectifs de la feuille de route fixée par le gouvernement. Le Maroc bat son record absolu en terme de fréquentation avec une augmentation de 20% de visiteurs en 2024 par rapport à l'année précédente et tient la première place du podium sur le continent. Avec 12,7 milliards d'euros, l'industrie touristique égyptienne génère toujours davantage de revenus, mais en nombre de visiteurs, c'est bien le Maroc qui la surpasse.
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Marrakech, la valeur sûreEn tête des destinations privilégiées : Marrakech, qui cumulait déjà plus de 10 millions de nuitées enregistrées à la fin du mois de novembre. Ce couple venu du département de la Manche en France visite Marrakech pour la première fois. Ils confient : « On est venu là pour découvrir premièrement. Et puis deuxièmement, on est venu rechercher le soleil, la chaleur. Chez nous, il fait 5-6°, ici, il y a quand même presque 20° de plus. C'était le but recherché ».
Autre destination qui connaît une forte croissance : le tourisme balnéaire à Agadir et ses environs, prisés des amateurs de surf. Renée a voyagé avec ses trois adolescents depuis les Pays-Bas. Elle profite du soleil de décembre à Taghazout et se prépare à entrer dans l'eau en combinaison pour profiter des vagues : « En fait, c'est ma deuxième fois. J'étais là l'année dernière et j'ai beaucoup aimé, donc j'ai décidé de revenir. Pourquoi ? Parce que c'est super joli. Le temps est magnifique et c'est super pour apprendre à faire du surf. »
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Vols directs et surtourismeÀ ses côtés se tient Oussama, avec ses longs cheveux bouclés et dorés par le sel et soleil. Il est aujourd'hui professeur de surf à temps plein : « Il y a beaucoup de touristes, et d'année en année, ces plages deviennent de plus en plus connues. Il y a des gens qui viennent de partout dans le monde. »
Même si les problèmes liés au surtourisme commencent déjà à faire surface au Maroc, le gouvernement préfère se féliciter pour ces bons chiffres, en très grande partie imputables aux contrats qui ont pu être signés avec les compagnies low cost. À titre d'exemple, pas moins de 34 lignes à petit budget relient la France au Maroc.
« Cette croissance est due à une stratégie efficace, notamment l'amélioration de la connectivité aérienne avec des vols directs vers les principaux marchés émetteurs. Aussi, il y a eu des efforts de promotion et les performances de l'équipe de football nationale du Maroc au Mondial du Qatar qui ont renforcé le rayonnement international du Maroc », assure Zoubir Bouhoute, expert du secteur.
Si à ce jour, 70% des touristes étrangers sont Européens, le Maroc entend attirer de plus en plus de touristes chinois, brésiliens ou canadiens en ciblant ces marchés et en menant des campagnes de promotion.
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Sénégal, Namibie, Ouganda, Mozambique... les projets gaziers et pétroliers pullulent sur le continent. Pour 2025, le mot d’ordre semble rester le même : explorer mieux pour exploiter plus.
« 2025 sera l’année du "Drill baby drill" en Afrique », martelait NJ Ayuk, président de la Chambre africaine de l’énergie, sur la chaîne Arise News il y a quelques jours. Forer la terre partout où il le faudra, selon le lobbyiste en chef du secteur de l’énergie en Afrique, qui reprend le slogan de campagne de Donald Trump. « Nous allons forer partout sur ce continent. Les gouvernements doivent simplement mettre les foreurs du bon côté de la fiscalité pour avancer dans ces projets, poursuit-il. Je suis très enthousiaste. Nous allons accueillir l’administration Trump à bras ouverts et nous sommes prêts à travailler avec elle. »
La Namibie en tête de proueL’exemple namibien déchaîne les passions. Le pays n’avait jamais sorti une goutte de pétrole et l’année dernière, plusieurs gisements, dont un estimé à 10 milliards de barils, y ont été découverts.
Le projet gazier offshore mauritano-sénégalais Grand Tortue Ahmeyim suscitait aussi de grands espoirs lors de son lancement, mais il n’a débouché sur aucune autre découverte majeure, rappelle Benjamin Augé, chercheur à l’Institut français des relations internationales. « Depuis 2015, depuis la découverte de Grand Tortue, il y a eu énormément d’intérêt et finalement, ça a été largement douché. La production est cyclique et, à partir du moment où il y a une découverte dans un endroit, il y a un phénomène moutonnier qui se met en place, où toutes les majors accourent, mais il n’y a pas forcément davantage de découvertes. Ça a été le cas de l'Ouganda, ça a été le cas du Kenya. Il y a eu beaucoup de déceptions. Mais là, ce dont je vous parle en Namibie, c’est du “prouvé” — probablement autour des 500 000 barils par jour au moins. Ce genre de cas est rarissime ».
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Baisse mondiale des investissementsL'Algérie envisage de lancer des projets d’exploration d’hydrocarbures sur ses côtes ; la Libye se prépare à lancer son premier appel d’offres pour de la prospection depuis 2011 ; tous les pays producteurs s’agitent, mais pas simple de trouver les investissements. « Le contexte global mondial est à la baisse des investissements pétroliers et gaziers, poursuit Benjamin Augé, l’enveloppe qui reste, à peu près 1 000 milliards de dollars, va plutôt dans les zones faciles, où la gouvernance est plutôt bonne. On prend des risques dans des zones ou la sécurité n’est pas correcte et la gouvernance est mauvaise uniquement lorsque les découvertes sont très importantes. Donc, en Afrique, le cas le plus évident, c’est le Mozambique. Les projets de Total et d’ExxonMobil vont un jour se lancer parce que ce sont des projets avec des réserves absolument énormes ».
Cette volonté d’aller plus loin se cogne à la réalité de l’investissement. L’idée de NJ Ayuk de la Chambre africaine de l’énergie est la suivante : stopper les financements verts pour l’Afrique et aller chercher l’argent du côté des banques américaines qui se retirent les unes après les autres de l’Alliance bancaire pour la neutralité carbone.
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Les cinémas de Côte d’Ivoire ont connu une année charnière en 2024, avec des ouvertures de salles et un chiffre d’affaires en croissance d’au moins 13 % par rapport à 2023, avec plus d’un milliard de francs CFA sur les dix premiers mois de l’année. Pour mesurer la dynamique du secteur, l’Onac-Ci, l’Office national du cinéma, publie le Côte d'Ivoire Cinéma - Box Office pour mettre un coup de projecteur sur le secteur, redynamisé, de l’exploitation cinématographique.
De notre correspondant à Abidjan,
La file d’attente s’allonge devant le Majestic Ficgayo. Des adolescents et des familles sont venus s’offrir une séance au cinéma de Yopougon, la plus grande commune d’Abidjan, pour la fin des vacances. Le ticket coûte 3 000 francs CFA pour un adulte, 500 francs de moins pour les enfants. Popcorn dans les mains, Franck est venu avec sa copine. « C’est la deuxième fois que je viens au cinéma de ma vie, confie le jeune homme. Nous sommes venus d’abord parce que c’est la période des fêtes. On a plus de temps, on voulait en profiter pour venir regarder un film au cinéma parce que c’est une autre expérience avec le grand écran. »
Dans la salle de 300 places, le couple fait partie des 90 spectateurs présents. À l’écran, c’est Sonic 3, avec Jim Carrey, qui est projeté, un blockbuster familial américain. Les films produits ou coproduits aux États-Unis représentent 80 % de la part de marché des 280 000 entrées enregistrées sur les dix premiers mois de l’année 2024, selon le Box Office et, en moyenne, par séance, il faut compter une quinzaine de spectateurs.
Le film d’horreur plébiscitéNancy Aka dirige Majestic One, premier exploitant du pays, qui tire 40 % de son chiffre d’affaires de la billetterie — le reste étant complété par la confiserie (30 %), la vente d’espaces publicitaires avant les séances (15 %), et la location de salles, entre autres. Pour la directrice générale du groupe ivoirien, il y a des formules gagnantes avec les spectateurs ivoiriens. « Ils adorent l’horreur !, observe-t-elle. On va dire qu’on a 35 % de notre public qui est âgé de 16 à 24 ans. Eux, ils vont vouloir des émotions fortes donc ils vont préférer l’horreur et les films d’action. Notre deuxième grand public, ce sont les 25-35 ans. Eux ont plutôt tendance à préférer la comédie. Donc, ça nous donne le top 3 en termes de genre qui marchent dans nos salles : horreur, ensuite action et enfin la comédie. »
À cela s’ajoutent les films d’animation familiaux. Sur les dix premiers mois de l’année, Vice-Versa 2 s’octroie la première place, en attendant les bilans de Vaiana 2, Mufasa et Sonic, taillés pour les vacances de Noël. Dans ce contexte, les films ivoiriens sont moins exposés — une demi-douzaine ont été exploités en 2024, pour une part de marché inférieure à 5 %, avant tout des comédies, le genre-roi dans l’industrie ivoirienne, notamment incarné par l’acteur Michel Gohou, vedette du Gendarme d’Abobo. En 2023, Marabout Chéri de la réalisatrice et comédienne Khady Touré s’était aussi hissé à la deuxième place des longs-métrages les plus vus au box-office.
Pathé, nouveau challengerMajestic One a passé près d’une décennie en quasi-monopole avec ses sept écrans, dont un ouvert à Yamoussoukro fin 2023. Depuis avril 2024, le groupe ivoirien voit sa position dominante remise en cause avec l’inauguration à Abidjan du complexe du français Pathé Cinémas. Six écrans, des projecteurs 4K et des tarifs bien plus conséquents, à partir de 4 000 francs CFA.
Une compétition accueillie avec appréhension, mais finalement acceptée par Nancy Aka. « Ce n’est pas n’importe quel concurrent, concède celle qui tient les rênes de Majestic One depuis un an. Ils ont cent ans d’expérience, nous n’en avons que dix, et ils ont beaucoup plus de moyens. Mais le fait qu’ils soient venus s’installer en Côte d’Ivoire, ça prouve que nous avons eu raison de nous lancer il y a dix ans, en rachetant la salle de l’hôtel Ivoire en 2015. »
Huit mois après l’entrée de Pathé sur le marché, la dirigeante juge que les tarifs pratiqués par Pathé induisent différents positionnements pour les deux sociétés. La société au coq occupe le terrain du premium, quand les cinémas Majestic ont l’ambition de la proximité. « Une salle a souffert quand même, celle de l’Ivoire, souffle Nancy Aka. Ça fait dix ans qu’elle est ouverte, et cette concurrence nous pousse à envisager des changements. » Jusqu’à rééquiper la salle de l’Ivoire ? « Joker », répond-elle.
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Relancer les salles de cinéma sur tout le territoireAvec l’arrivée de Pathé, la Côte d’Ivoire compte désormais quinze écrans, dont treize à Abidjan, en comptant celui de l’Institut français, qui n’a pas une vocation commerciale. C’est encore loin de l’âge d’or du cinéma en Afrique de l’Ouest des années 1970 et 1980, quand le pays comptait une cinquantaine de salles réparties dans tout le pays. Aujourd’hui, l’une des priorités de la politique culturelle ivoirienne est de relancer des salles sur l’ensemble du territoire, selon Germaine Asso, qui suit l’exploitation à l’Office national du cinéma. « En 2024, il y a eu, je peux dire, un coup de fouet, avec le complexe de Pathé et l’ouverture de l’écran à Yamoussoukro à l’hôtel Président. C’est cette volonté-là du ministère de la Culture de rapprocher le cinéma de la population pour que les Ivoiriens puissent aller en salle. »
Pour 2025, l’Onac-Ci pousse pour la réouverture d’une salle à Bouaké, la deuxième ville du pays. C’est également l’objectif de Majestic One, qui entend par ailleurs lancer un cinéma itinérant. Avec une idée derrière la tête : tester le marché dans d’autres communes d’Abidjan, mais aussi dans d’autres villes de Côte d’Ivoire. Et pourquoi pas y recréer des cinémas, en espérant un soutien des pouvoirs publics.
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Le canal de Suez a perdu 60 % de son trafic en 2024, bilan transmis fin décembre par l'amiral Osama Rabie, chef de l'Autorité du canal de Suez, au président égyptien lui-même. Le trafic y est fortement perturbé depuis plus d’un an : en cause, les attaques des rebelles houthis visant les navires transitant par la mer Rouge. Un manque à gagner énorme pour l’Égypte, alors que celle-ci a engagé des travaux pour améliorer le fonctionnement du canal.
Le géant du secteur maritime Maersk est très clair quant à l’avenir de ses activités en mer Rouge : « Nous ne prévoyons pas d'emprunter à nouveau le canal de Suez avec nos grands navires en provenance d'Asie avant que la sécurité ne soit pleinement garantie pour le passage de la mer Rouge et du détroit de Bab-el-Mandeb, souligne l’entreprise dans un courriel envoyé à RFI. Le canal lui-même est sûr, mais il n'est pas possible de traverser la mer Rouge en direction de l'Inde et de l'Asie en sécurité. »
7 milliards de dollars de pertesEn 2024, l’Autorité du canal de Suez affirme avoir comptabilisé seulement 40 % du trafic habituel. La taille des bateaux a en particulier fortement diminué. « Ce sont des navires et des cargaisons dont les valeurs cumulées ne vont pas excéder 100 millions de dollars, précise Jérôme de Ricqlès, expert du transport maritime chez Upply. C'est à peu près le pivot au-delà duquel il n'est plus possible pour des questions principalement assurantielles de faire transiter des navires. Ça veut dire des petits porte-conteneurs essentiellement affectés à du trafic régional, pas du trafic est-ouest. »
Problème d’assuranceLe manque à gagner se monte à 7 milliards de dollars pour les autorités égyptiennes, alors qu’elles ont engagé d’énormes travaux pour élargir le canal, permettant notamment la duplication des voies. « Ce sont des travaux qui avaient été entrepris avant le 7 octobre 2023 et la finalité de ces travaux, c'est d'apporter une réponse pour qu'un nouvel Ever Given n'arrive pas », rappelle Jérôme de Ricqlès. Le 23 mars 2021, l’énorme porte-conteneur Ever Given s’échoue au travers du canal. Il bloque la circulation pendant près d’une semaine et cause des pertes pour le commerce maritime mondial, estimées par l’assureur Allianz à plusieurs milliards de dollars par jour.
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Double peine pour l’Égypte« Les autorités du canal et les autorités égyptiennes ne peuvent pas se projeter dans l'avenir avec une situation de contournement par le cap de Bonne-Espérance qui dure, souligne Jérôme de Ricqlès. C'est pénalisant pour les marchandises, c’est pénalisant pour les supply chain et ce sont des surcoûts. » Aujourd’hui, le contournement par le cap de Bonne-Espérance engendre jusqu’à trois semaines de trajet supplémentaire. Et l’impact économique ne concerne pas uniquement le canal. « Quand on parle des pertes pour l'Égypte, c'est un peu la double peine : une peine directe par le non-transit et la non-perception des taxes et des droits, mais aussi un affaiblissement de l'économie égyptienne et de l'économie portuaire égyptienne qui a perdu pour ses ports un trafic important. »
Pour les experts, aucun doute : une fois la situation sécuritaire normalisée, le trafic reprendra par le canal de Suez. Cette voie maritime est la plus courte entre l’Asie et l’Europe. Elle est également la plus intéressante économiquement.
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En janvier dernier, l’annonce du plan Mattei pour l’Afrique par la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni a d’abord ressemblé à un coup politique. Une coquille vide adossée à des fonds déjà alloués et à un nom, celui d’Enrico Mattei, le fondateur du groupe italien Eni, très présent dans les hydrocarbures en Afrique. Mais près d’un an plus tard, le partenariat, signé officiellement le 5 décembre dernier avec la Banque africaine de développement, lui confère plus d’épaisseur.
Agir dans les domaines de la formation, de la santé, de l’accès à l‘eau et à l’énergie, des infrastructures... Le plan Mattei sur le papier, c’est in fine répondre à un double objectif : limiter l’afflux de migrants en Italie et offrir de nouvelles opportunités aux entreprises italiennes.
Au total, 5,5 milliards d’euros sur trois ans, gérés par la caisse des dépôts et consignation italienne, en lien avec le cabinet de la Première ministre. Paolo Lombard, chef du département coopération de la Cassa Depositi e Prestiti [la Caisse des dépôts et de consignation italienne, NDLR]. « Les trois premiers milliards viennent du fonds italien pour le climat. Pour les 2,5 milliards d’euros restants seront pris dans le budget de l’aide au développement, dont une partie est dédiée au plan Mattei. ». À cela s’ajoutent aussi des crédits à l’export et des garanties apportées par l’agence italienne de crédit à l’exportation Sace.
Expertise de la BADTrop peu pour bousculer la hiérarchie européenne en matière de coopération et doper les entreprises italiennes au sud de la Méditerranée, critiquaient après les premières annonces certains observateurs italiens. Mais l’idée de Rome est aussi, grâce à cette mise de départ, d’attirer les contributions d’autres États, par exemple du Golfe.
Pour structurer son action, l’exécutif italien a choisi de signer des partenariats avec la Banque africaine de développement. « La collaboration avec le groupe de la Banque africaine de développement a été cruciale pour assurer le soutien financier et technique, ainsi que mobiliser les ressources et l'expertise pour trouver des projets à financer par le plan Mattei », explique Giuseppe Venneri, membre de la task force du plan Mattei.
Avec des premiers pays cibles comme le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, l’Égypte, l’Éthiopie, la Côte d’Ivoire, le Kenya et le Mozambique. Sans oublier le Congo, où Claudio Descalzi, actuel patron d’Eni, a dirigé la filiale du pétrolier dans les années 1990.
Des infrastructures au capital investissementDu côté de la BAD, on est aussi satisfait par les perspectives de ce nouveau partenariat. « Le plan Mattei est vraiment centré sur l'action, souligne Solomon Quaynor, vice-président de la banque africaine. C'est donc une très bonne chose pour nous, de nous lancer dans de nouveaux domaines de collaboration. Nous avons commencé avec l'Alliance pour l'infrastructure verte en Afrique (AGIA), mais nous l'étendons maintenant à la fourniture de capital-risque pour la croissance des PME, mais aussi aux fonds de capital-investissement pour le développement d’infrastructures. »
Fin 2024, Rome avait déjà annoncé le financement de certains projets comme le corridor ferroviaire menant au port angolais de Lobito et la production de biocarburants au Kenya piloté par Eni.
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Il y a cinq ans, la crise du Covid-19 rappelait au monde l’importance de la souveraineté sanitaire. Produire et même créer, concevoir localement des médicaments, mais aussi des dispositifs médicaux pour pouvoir soigner sa population en toute indépendance est devenu un idéal à atteindre. En Afrique, des entreprises et des pôles de recherches commencent à émerger. C’est notamment le cas au Maroc.
De notre correspondant à Rabat,
C’est dans la banlieue de Rabat que Moldiag a installé son unité de production. Et pour y accéder, il faut montrer patte blanche. « On n’a pas le droit de rentrer sans ça », explique le docteur Abdeladim Moumen, le fondateur et directeur scientifique de Moldiag. Des équipements de protection (blouses, charlottes…) qui répondent à des normes strictes. Ici, la start-up fabrique des kits de diagnostic. « C’est unique en Afrique. Nous sommes les premiers à maîtriser toutes les étapes, depuis le développement qui est 100% marocain, jusqu’à l’industrialisation et la commercialisation », explique-t-il.
Quatre salles en enfilade communiquent grâce à des passe-plats pour éviter toute contamination. Le processus de production est précis, le résultat de dix ans d’expérience dans le domaine. « On a mis au point six tests, en comptant celui du Mpox. Ils sont validés cliniquement et autorisés pour la commercialisation. On a déjà commencé à les commercialiser d’ailleurs », détaille le docteur Abdeladim Moumen.
Des solutions adaptées aux besoins du continentHépatite C, tuberculose, leucémie, Moldiag produit même, depuis peu, des tests PCR pour détecter le Mpox, qui ont été commandés par la RDC notamment. Un kit de diagnostic qui est parvenu à intégrer la liste des tests recommandés par l’Africa CDC, l’agence sanitaire de l’Union africaine, aux côtés de ceux mis au point par les grands laboratoires américains ou chinois.
« Aujourd’hui, grâce à ces kits, on arrive à contribuer à la sécurité sanitaire de notre pays », se réjouit Nawal Chraibi, à la tête de Moldiag. Elle est aussi la directrice générale de la fondation MAScIR, un centre de recherches qui dépend de l’université Mohammed VI Polytechnique et qui a développé tous ces tests, permettant l’émergence de compétences locales.
« On s’est rendu compte que les géants du diagnostic ne s’intéressaient pas forcément aux maladies qui touchent le continent africain », souligne la dirigeante. Atteindre la souveraineté sanitaire permettrait de répondre à ses besoins spécifiques, mais elle a un coût. « On ne peut pas faire de la recherche et investir dans les biotechnologies, les vaccins si notre marché est restreint, d’où la nécessité d’avoir un grand marché comme celui de l’Afrique. Le Maroc confirme actuellement sa volonté de devenir une plateforme de recherches sur le continent », analyse le docteur Hamdi Tayeb, chercheur en politiques et systèmes de santé. Aujourd’hui, l’Afrique importe encore 95% de ses médicaments et pratiquement tous ses vaccins.
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