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En 2018, la ville du Cap a vécu son « day zero », les robinets étaient presque à sec. Depuis, la gestion de l’or bleu a été complètement repensée, avec des investissements massifs. Près de la moitié du budget municipal pour les infrastructures est dédiée à cette gestion de l’eau. À Zandvliet, au sud de la ville, une station d’épuration a été entièrement rénovée pour un coût de 100 millions d’euros. Et l’objectif, à terme, est de rendre potables les eaux usées.
De notre envoyé spécial, de retour du Cap,
Le bâtiment principal est tout neuf, des murs blancs avec de grandes vitres donnent sur les machines. « La sécheresse nous a frappés entre 2015 et 2018, se souvient Christopher Norman, ingénieur de la station. Lors du “Day zero”, nous étions proches d’avoir les robinets à sec. La ville n'était absolument pas prête. Maintenant, nous avons ce nouveau programme de gestion de l'eau, qui comprend : la réutilisation, le dessalement et l'eau souterraine. Mais nous devons aussi faire face à des années de sous-investissements, surtout dans le domaine des eaux usées. C'est pourquoi nous avons maintenant des modèles de financement alternatifs, avec des partenariats public-privé par exemple. »
À écouter dans Grand reportageLe Cap face à la crise de l'eau
Vingt étapesUne politique de mise aux normes et d’amélioration est lancée, comme à Zandvliet, site entièrement rénové l’année dernière, pour un coût total de 100 millions d’euros. « C'est là que les eaux usées arrivent de différents quartiers, précise Christopher Norman. Elles sont pleines de toutes sortes de déchets et d'objets, beaucoup de vêtements et de bouts de tissus. » « Ici, les débris entrent, poursuit son collègue Keith Olsen. Ces pâles en métal les attrapent à intervalles réguliers et les font remonter pour les retirer de l’eau ».
L’eau continue son parcours aux quatre coins de la station, une vingtaine d’étapes en tout. Le filtrage est de plus en plus fin et chaque machine est différente, jusqu’à l’introduction de procédés chimiques ou biologiques. « Une partie de l'équipement très coûteux comprend ces souffleurs, explique Christopher Norman. L'eau est marron parce que nous injectons des particules actives sous pression, remplies d'organismes et de bactéries, pour traiter l'eau. »
À écouter dans Grand reportageFace au changement climatique, Le Cap peut-il montrer la voie?
10 % de l’eau potable en 2040Vient l’étape finale : les membranes, une installation coûteuse, mais innovante. « Les membranes ressemblent à des spaghettis, montre Christopher Norman. Elles trempent dans l'eau ; le liquide s’y infiltre, remonte le long de ces spaghettis, laissant tous les derniers minuscules éléments solides derrière lui. Avant, l’eau était marron, vous vous souvenez ? Regardez, maintenant qu’elle a traversé les membranes, elle est claire comme le cristal, on dirait de l'eau potable. Il reste seulement quelques particules mauvaises pour la santé. C'est pourquoi nous allons bientôt ajouter un bâtiment de traitement avancé, d’une valeur de 3,5 milliards de rands, pour vraiment purifier cette eau. »
L’objectif, à terme, est que cette eau coule dans les robinets. La ville du Cap prévoit que d'ici à 2040, cette eau réutilisée représentera près de 10 % de l’eau potable.
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Le Bénin développe son secteur touristique. À l'horizon 2030, le pays veut franchir la barre des deux millions de visiteurs étrangers et doubler ses revenus liés au tourisme. Pour cela, de nouveaux sites sont modernisés et agrandis comme celui de Ouidah, à une quarantaine de kilomètres de Cotonou, haut-lieu du tourisme religieux, culturel et historique. C'est le site de la célèbre Porte du Non-Retour, dédiée à la mémoire de l'esclavage.
C'est un chantier spectaculaire sur le littoral du Golfe de Guinée : la Marina de Ouidah, projet d'hôtel de 130 chambres, construit par le groupe chinois Yunnan Construction and Investment Holding. Sur le site, autour de la Porte du Non-Retour, seront également proposés des loisirs, des services, un bateau-musée, un parcours sur les lieux où embarquaient les esclaves africains du XVᵉ au XVIIIᵉ siècle.
« Ce qui se passe actuellement au Bénin, c'est énorme », explique Modeste, guide touristique qui travaille au Bénin, au Togo et au Ghana. « Les voies bitumées, la place Vodun ici à Ouidah, tout le monde en profite : ceux qui bâtissent les routes et nous, les guides touristiques et les agences de voyages. » Selon les chiffres officiels, 435 000 visiteurs ont été accueillis en janvier 2025 lors des Vodun Days, événement annuel qui célèbre l'art, la culture et la spiritualité de cette religion traditionnelle.
Budget doublé pour OuidahLes professionnels bénéficient de l'ambitieuse politique touristique engagée depuis 2016 au niveau national, mais aussi les collectivités locales, comme la municipalité de Ouidah. Le maire, Christian Houétchénou, affirme que depuis son élection en 2020, les ressources propres de la ville ont fortement augmenté :
« Le budget de la commune était de deux milliards de francs CFA (environ trois millions d'euros). Nous sommes passés à plus de quatre milliards de francs CFA, le double. La plupart de ces ressources sont reversées dans le programme de développement de la ville. Il y a une partie qui va pour soutenir les infrastructures culturelles. Nous mettons aussi l'accent sur la sécurité. »
Trouver des logementsAinsi, Ouidah va mettre en place une police touristique pour épauler les forces de l'ordre classiques. Le maire veut multiplier par dix le nombre de lits d'hébergement, soutenir les hôteliers et les restaurateurs. Clemencia de Souza, gérante de La Cabane, le restaurant du nouveau centre culturel de la ville, explique que « la qualité des aliments, la propreté, étaient des priorités évidentes. Il fallait rénover les bâtiments, former les employés, les sensibiliser pour que les visiteurs ne trouvent rien à redire. »
Clemencia de Souza évoque néanmoins un problème : « Les gens n'aiment pas quitter Cotonou. Donc, pour avoir cette main d'œuvre, il faut les aider et notamment leur trouver un logement. Mais je sais que l'année prochaine, avec l'aide de la municipalité, nous allons améliorer cette organisation. »
L'année 2026 est d'ailleurs la date espérée pour l'ouverture du Musée international de l'Histoire de l'esclavage, dans le fort portugais de Ouidah où doivent transiter des biens culturels rendus par la France.
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Saknas det avsnitt?
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La Guinée, premier producteur mondial de bauxite, s'apprête à exploiter le fer grâce au gisement de Simandou, l'un des plus grands au monde, avec une production prévue à partir de fin 2025. Cependant, les inquiétudes persistent quant à la répétition des erreurs passées avec la bauxite, où l'exportation sans transformation locale a limité les revenus pour l'État. Cela suscite des interrogations sur les retombées réelles du projet Simandou pour l'économie et la population guinéenne.
Dans l'arrière-boutique d'un commerçant de Conakry, les discussions sur le projet Simandou se font discrètes. Ce projet de mine de fer est central pour la junte au pouvoir, mais suscite des inquiétudes parmi la population locale. Un Guinéen d'une soixantaine d'années compare le scénario actuel à celui de l'extraction de la bauxite à Boké, dont l'essor s'est accéléré il y a une quinzaine d'années, sans améliorer significativement la vie des habitants.
« Il y a presque une vingtaine de sociétés minières à Boké. Allez voir comment vit la population. Ils n'ont même pas d'eau propre, ni de maison solide, ni de route. Qu'est-ce que ça a rapporté ? Simandou, pour moi, c'est du vent » déclare ce commerçant, sceptique quant aux bénéfices réels du projet.
Une aciérie annoncéeLes autorités guinéennes espèrent des rentrées fiscales annuelles entre 600 et 700 millions de dollars, mais les conventions minières restent secrètes, rendant difficile l'évaluation réelle des bénéfices. « Il faut avoir une capacité managériale très forte pour que ce projet ne souffre pas des mêmes maux que les projets miniers en cours de développement en Guinée, explique l'économiste Mohammed Camara. Il faut tirer les leçons des échecs des différentes conventions des mines, parce qu'on a compté sur ça depuis 60 ans, et voilà où nous en sommes aujourd'hui. On doit rectifier ça avec le Simandou pour qu'il tienne ses promesses. »
La question de la transformation du minerai en Guinée est cruciale. Alors que la bauxite n'a toujours pas de raffinerie dans le nord du pays, le ministre du Plan, Ismaël Nabé, assure que le projet Simandou prévoit une aciérie pour transformer le fer localement : « Le premier pilier, c'est l'industrie et donc la transformation. Pas seulement les produits agricoles, mais sur les produits miniers. Ce sera le cas au niveau de la bauxite et au niveau du fer. La transformation industrielle, c'est l'objectif du chef de l'État. »
Exportation massive vers la ChineAguibou Ly, directeur général d'IBS, une entreprise sous-traitante de Rio Tinto-Simfer, souligne que l'investissement dans la transformation locale est essentiel pour le projet : « Il a été clairement dit aux partenaires et aux différents investisseurs dans le secteur minier que l'investissement dans la transformation locale sera clé. C'est pourquoi, dans le projet Simandou, il y a pour la première fois une aciérie. Et aujourd'hui, le gouvernement pousse pour permettre aux sociétés dans le secteur de la bauxite d'aller vers la première étape de la chaîne de valeurs, qui est la production d'alumine. »
Malgré ces ambitions, la majorité du fer de Simandou sera exportée vers la Chine, via l'entreprise Baowu Steel, qui a investi six milliards de dollars dans le projet. Cela soulève des questions sur les bénéfices réels pour la Guinée et les impacts environnementaux du projet. Les ONG ont déjà exprimé leurs inquiétudes quant à la déforestation et aux émissions de CO2 associées à l'exploitation minière.
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Les grands projets miniers, comme celui de Simandou, entraînent la construction d'infrastructures et le déplacement de populations locales, compensées financièrement. Mais ces indemnisations sont souvent source de tensions, comme à Sounganyah, où elles ont divisé la communauté.
Le jeune homme d'une vingtaine d'année actionne le manche du puits énergiquement et rien ne coule. « Regardez, il n'y a plus d'eau. Avant les travaux, on avait de l'eau, la rivière coulait juste derrière, mais ils ont tout arraché », explique-t-il, en rage. Son village est sur le tracé du chemin de fer en construction, tout près du port minéralier. Il en veut aux autorités et aux sociétés minières, car il a l'impression que le projet Simandou ne lui a rien apporté. Ni emploi, ni sérénité : « On n'a rien ici. Pas d'hôpital, pas de marché, pas d'eau à boire. Les jeunes ne travaillent pas. Quand on va à Conakry, les gens nous disent "Vous êtes les boss", parce qu'on a ce grand projet chez nous. Mais ils ne connaissent pas la réalité d'ici. »
Des compensations qui créent des divisionsCe qu'il se passe ici, à écouter les villageois, c'est un bouleversement total dans les communautés. Les compensations financières octroyées par les sociétés minières ont chamboulé la vie de certaines familles. « Quand il y a compensation, les sommes sont si faibles que ça créé des divisions dans les familles. C'est tellement peu qu'on a du mal à se partager l'argent, explique un villageois. Là où nous sommes, la famille de cette maison a été confrontée à ce problème. Il y a eu un conflit entre les frères. Certains ont dû partir. »
Les entreprises ont l'obligation légale de compenser les propriétaires terriens affectés par le projet. Chaque entreprise déroule son propre mécanisme. Et ceux-ci sont très disparates. « Ici, pour un domaine d'un hectare, les sociétés ont donné entre 35 et 40 millions de francs guinéens, soit 4 000 euros », détaille Mamoudou Youla, un habitant de Sounganyah.
Et parfois, des violencesÀ Kérouané, dans l'Est, des familles se sont retrouvées devant les tribunaux pour la gestion de l'argent de la compensation. Près de Faranah, au centre de la Guinée en 2024, les habitants de deux villages, Laya Sando et Laya Doula, se sont violemment affrontés à plusieurs reprises à cause d'un différend lié aux compensations de Winning Consortium Simandou.
« Le long du corridor aujourd'hui, on a beaucoup de familles déchirées qui se retrouvent devant les tribunaux pour la gestion de cette compensation. Ce sont des montants énormes qui se chiffrent parfois à des milliards de francs guinéens qui sont en jeu au sein des familles, assure Oumar Totya Barry, le directeur exécutif de l'Observatoire guinéen des mines et métaux. Il y a un manque de préparation des communautés, mais aussi des instances de gouvernance locales. Il manque d'un cadre réglementaire suffisamment robuste. »
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C'est le projet qui doit changer la donne pour la Guinée. Les gisements de fer de Simandou devraient être exploités d'ici la fin de l'année 2025, selon les autorités. Un port minéralier est actuellement en construction, sur la commune de Moribayah, au sud de Conakry, non loin du village de pêcheurs de Konimodiya. Moins de poissons, des filets et pirogues endommagés : autant d'effets néfastes qu'ils subissent depuis le début des travaux.
C'est l'affluence sur la place du village en ce jour de recensement, par la société minière Winning Consortium Simandou, de toutes les personnes impactées par la construction du port. Parmi elles, un pêcheur d'une cinquantaine d'années. Il s'appelle Amara Camara. Sur la plage, il toise les dizaines de pirogues desséchées. La sienne n'a pas été mise à l'eau depuis des mois :
« Nos zones de pêches sont déjà occupées par les bateaux de dragage. Il y a trop d'activité, déplore-t-il, nos filets sont détruits parfois... Et les poissons ont fui, ils sont partis plus loin. Avant, on avait besoin de 5 à 6 litres d'essence pour aller pêcher et revenir. Maintenant, ça va jusqu'à 30 litres. On doit aller en pleine mer, ça ne vaut pas le coup. »
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La pêche n'est plus rentableLe projet de port en eaux profondes a été abandonné par les miniers et les autorités de Guinée. Le chargement des navires en minerai se fera donc en pleine mer via des barges qui feront la navette quotidiennement. « Là-bas, c'est le port en construction, s'exclame Alkaly Bangoura, un habitant du village. Voyez les bateaux qui font le draguage. Les cailloux et les déchets, ils les jettent dans n'importe quel lieu. Ils continuent leurs activités sans penser aux pêcheurs. »
La baraque de fumaison des poissons est bien calme. D'habitude, les femmes y travaillent toute la journée, mais aujourd'hui, la pêche est bien maigre. Il y a très peu de konkoés ou de bobos, des poissons qui, d'habitude, pullulent dans ces eaux, explique Mariama Soumah : « Avant l'arrivée de la société minière, ça pêchait abondamment, mais aujourd'hui, il n'y a plus grand-chose. La rentabilité à la revente est très mauvaise. Et puis, nos champs ont aussi été inondés d'eau de mer lors des grandes marées. »
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Dans la zone, il devient difficile de se nourrir. Sans les champs, et sans le poisson, les habitants de Konimodiya se demandent ce qu'ils vont devenir. La compensation financière a déjà été faite par les sociétés minières. Elles poursuivent l'aide avec des dotations occasionnelles en sacs de riz et autres bidons d'huile. Un programme de restauration des moyens de subsistance, qui permettrait aux pêcheurs d'obtenir des moteurs plus puissants pour leurs pirogues, serait également en train d'être mis en place.
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Au Cameroun, Vincent Bolloré a cédé ses activités logistiques à l’opérateur italo-suisse MSC, en fin d’année 2022, pour 5,7 milliards d’euros. Avec la gestion du port, de la ligne de chemin de fer, une flotte de camions et plusieurs milliers d’employés, Bolloré était l’acteur référent dans le domaine. Si certains ont bénéficié du départ du Français, d’autres estiment que la libéralisation du secteur n’est pas toujours bénéfique.
100 000 tonnes, c’est la quantité de denrées alimentaires importées par le Programme alimentaire mondial via le port de Douala l’année dernière. Des vivres destinés aux crises humanitaires de la région qu’il faut convoyer notamment par camion. Gianluca Ferrera, le directeur du PAM au Cameroun, affirme avoir vu du positif dans le départ de Bolloré. « On a plusieurs acteurs présents sur le marché et donc cela a permis d'avoir une compétition entre les acteurs qui s'est reflétée sur les prix et aussi sur la qualité et la performance des acteurs. Donc, je dois dire que nous sommes dans une situation très confortable par rapport à la capacité de nos partenaires de nous fournir les services dont nous avons besoin », détaille-t-il.
Une libéralisation du secteur et une mise en concurrence accrue que Monsieur Souley, du Groupement des transporteurs terrestres du Cameroun, regrette. « C'est très désorganisé. Parce qu'au moins, avant, on savait à quoi s’en tenir, mais aujourd’hui, c’est compliqué. Le Cameroun a tellement de camions qu’on ne sait pas quoi en faire. Le transport n'est pas compétitif, nous sommes tellement nombreux que si vous refusez un transport aller à Bangui à 2,5 millions, quelqu'un va le prendre à 2 millions », déplore cet acteur.
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Concurrence et réorganisationHilaire Zipang, homme politique camerounais, mais également conseiller du Syndicat national des transporteurs routiers, voit certains aspects positifs au départ de Bolloré. « La première, c'est que Bolloré, au regard de l'absence d'investissement qu'on lui reprochait depuis 5 ans, la RTC [Régie du terminal à conteneurs] a fait de grosses avancées, elle a augmenté le chiffre d'affaires, elle a augmenté les emplois et a augmenté naturellement les investissements qu'elle a faits à l'intérieur du port », assure-t-il. Cependant, la fin du monopole de Vincent Bolloré au port a modifié l’organisation du secteur. « Maintenant, Bolloré n'a plus cette activité-là, elle s'est libéralisée assez brutalement, décrit Hilaire Zipang. S'est introduit maintenant un nouveau type de transporteurs, ce que nous appelons les transporteurs pour compte propre. C'est-à-dire que la plupart des grandes multinationales ont acheté des camions pour faire complètement cette activité et elles se payent à elles-mêmes. »
Une concurrence considérée comme déloyale, car elle n'est pas soumise aux mêmes contraintes. « La fiscalité camerounaise a adoubé cette activité-là, elle a complètement mis de côté les transporteurs professionnels qui eux participent au développement du pays et qui ont une fiscalité différente, des assurances différentes, des charges du personnel différentes. Or celui qui exerce l'activité en propre n'est pas assujetti à ces contraintes », argumente-t-il. Autre défi, selon Hilaire Zipang, le maintien de relations fluides avec les partenaires de la région pour conserver le monopole du fret par les ports de Douala et Kribi.
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Avec ses deux buildings de plus de cent mètres de haut, le Twin Center domine la skyline de Casablanca. Il abrite en son cœur un centre commercial, organisé en un dédale d’instituts de beauté. Des dizaines et des dizaines de petites boutiques où travaillent des Ivoiriennes, des Sénégalaises… Les Africaines de l’Ouest sont plébiscitées par le secteur.
De notre correspondant à Casablanca,
Ici, on rabote les ongles, on fait des manucures, mais on s’occupe aussi des cheveux. C’est Mme M’chich-Alami qui est la patronne de cet institut de beauté. Elle est marocaine. « Il n’y a plus rien qui marche au Twin à part les salons. Il y en avait avant, mais ils n’étaient pas comme ça. Il y avait aussi des magasins magnifiques, très chers, mais tout a changé. Il n’y a plus que des salons maintenant », constate-t-elle.
Au début des années 2000, le Twin Center, c’est le lieu où la jeunesse casablancaise se bouscule pour acheter les dernières marques à la mode. Le centre commercial a perdu de sa superbe au fil des années. Le Covid-19 l’a achevé. « Presque tout le monde a changé d’activité. La première qui a fait un salon ici était Ivoirienne. Une fois que ça a marché, ça a commencé à se multiplier », raconte encore Mme M’chich-Alami.
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« Au Maroc, quand tu te lances dans l’esthétique, tu ne regrettes pas »Mme M’chich-Alami a suivi le mouvement. La majorité de ses employées sont des femmes originaires d’Afrique subsaharienne, comme Khadija, une jeune Sénégalaise. « J’ai eu mon diplôme ici. J’adore ce métier, c’est pour ça que j’ai fait une formation, pour avoir un diplôme international qui va me permettre de travailler où je veux », témoigne-t-elle.
Les Africaines de l’Ouest ont trouvé avec l’esthétique un secteur pourvoyeur d’emplois. Après avoir travaillé pendant six ans dans le domaine au Maroc, Aïcha a décidé de devenir patronne. Ils sont une dizaine d’Africains subsahariens comme elle, mais la majorité de ceux qui dirigent les instituts de beauté au Twin Center sont Marocains. « J’ai ouvert ce salon il y a six mois. Je faisais déjà ça en Côte d’Ivoire, c’est le secteur où l’on s’en sort le plus. Les Marocaines veulent toujours se faire belles, donc au Maroc, quand tu te lances dans l’esthétique, tu ne le regrettes pas », se réjouit l’entrepreneuse.
Dans cette galerie commerciale du Twin Center, il y a énormément de concurrence entre les salons. Résultat : les prix sont tirés vers le bas et il y a parfois de la casse. Trois instituts ont fermé l’année dernière, selon Mme M’chich-Alami.
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Au Sénégal, les activités minières du français Eramet sont accusées de détruire le désert de Lompoul et le tissu économique de la bande des Niayes. La société Grande Côte Opérations (GCO), détenue à 90 % par l’entreprise minière française Eramet et à 10 % par l’État sénégalais, exploite depuis 2014 le zircon le long de la côte atlantique au nord de Dakar. Mais depuis quelques mois, les maraîchers riverains de la mine mobile se plaignent de la perte de leurs ressources économiques et des compensations trop faibles pour laisser passer la mine.
De notre envoyée spéciale de retour de Lompoul,
Au loin, une gigantesque pompe de l’entreprise minière recrache du sable. À quelques centaines de mètres, la terre du champ que nous traversons est sèche, les aubergines et les oignons couverts d’une fine couche de sable, un vieux souvenir. Maïmouna, qui exploitait cette parcelle d’un hectare, est dépitée : « J’avais un grand champ et je gagnais beaucoup d’argent. L’année passée, j’ai récolté beaucoup d’oignons, mais depuis que la mine de zircon est passée, le sable a recouvert la pompe solaire, ma motopompe est cassée et je n’ai plus d’eau. »
En cause, selon cette agricultrice qui gagnait jusqu’à 3,2 millions de FCFA par mois grâce à ses récoltes, l’arrivée de la mine mobile d’Eramet et de sa gigantesque drague au printemps dernier. Celle-ci filtre le sable sur 10 à 15 m de profondeur, pompant aussi l’eau sur son passage pour extraire le précieux zircon, devant le champ de Maïmouna.
À quelques kilomètres de là, au milieu des dernières dunes du désert du Lompoul, c’est un campement touristique qui est cerné. Ici, la mine mobile filtre le sable jour et nuit à moins de 200 mètres de l’écolodge. C’est la dernière infrastructure touristique depuis que la mine a commencé à exploiter la zone il y a un an. Les six autres ont été indemnisées, mais Birame Mbaye Ndiaye, co-gérant de l’établissement, résiste, car les enjeux économiques sont importants. « Le tourisme, c'est une activité transversale. Il y a le vendeur de cacahouète, le vendeur de légumes, le vendeur de viande, tous ces gens et les employés qui gravitent autour », rappelle l’hôtelier. « Nous, on est une entreprise indépendante, reconnue par l’État, c’est comme s’ils achetaient notre entreprise, car on va fermer après. Nous, ce qu’on demande, c'est qu’on soit dédommagé à notre juste valeur », revendique Birame Mbaye Ndiaye.
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« Le Sénégal n’y gagne rien »De son côté, le maire de Diokoul, l’une des localités par laquelle passe la mine, demande un moratoire et une enquête parlementaire. Car il en est convaincu, les gains économiques sont inférieurs aux dommages que provoque la mine. « Même en termes de productivité économique, par rapport au maraîchage et l’arboriculture qui est développée dans la zone des Niayes, je pense que la dégradation par la mine ne peut pas compenser en termes économiques ce qui est en train d’être détruit. Je pense que le Sénégal n’y gagne rien », affirme l’élu.
Dans un rapport, le collectif de défense des Niayes, composé de membres de la société civile, a calculé que si l’on cumule sur les dix dernières années, l’entreprise minière a reversé moins de cinq milliards de FCFA à l’État par an. L’entreprise minière Grande côte opérations (GCO) dément ces affirmations. Cinquième contributeur minier au budget de l’État, selon le rapport de l'ITIE en 2023, l'entreprise dit employer 2 000 personnes et veiller à l’indemnisation des personnes expropriées.
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La RDC, qui détient près de 70% des réserves mondiales de cobalt, a annoncé fin février 2025 la suspension de toutes les exportations pour une période de quatre mois. Objectif : créer une rareté sur le marché afin de voir les prix se relever. Car aujourd’hui, le marché international connaît un excédent de ce minerai stratégique dans la fabrication des batteries électriques, et les prix sont au plus bas niveau. Dans le contexte, la RDC a besoin d'affirmer sa souveraineté sur son minerai et d'assurer ses revenus.
Depuis le début de l'année 2025, la tonne de cobalt se vend quatre fois moins cher qu'il y a trois ans. Elle se négocie à environ 21 000 dollars, alors qu'en 2022, elle valait plus de 80 000 dollars. La surproduction est pointée du doigt.
Avec la décision de suspendre les exportations, Kinshasa compte peser de tout son poids afin de rétablir une certaine stabilité sur les marchés. « En principe, dans la surproduction, la RDC perd triplement. Premièrement, les réserves diminuent et on augmente les stocks en Chine. Deuxième chose : quand les prix baissent, la RDC perd sur la taxe de superprofit qui est payée sur la vente du cobalt. Et troisièmement, ce n'est pas du cobalt métal qui est exporté par tous ces Chinois ; ce sont des concentrés de cobalt. Ils vont chez eux, ils raffinent, ils produisent », détaille Franck Fwamba, responsable de la plateforme Ne touche pas à mon cobalt.
La chute drastique du prix du cobalt frappe aussi de plein fouet le secteur artisanal. Les mineurs ont abandonné l'extraction de ce minerai, faute d'acheteurs. Chadrack Mukad, directeur de l'association Comprendre et agir dans les secteurs miniers (CASMIA), basée à Kolwezi, confie : « Même si le cobalt titraient à 2 ou 3%, les preneurs n'achètent que le cuivre, et le cobalt est pris comme ça, sans aucune valeur. Vous savez que les mineurs vendent un mélange de cuivre et de cobalt, mais on n'achète que le cuivre. »
Des motivations géostratégiques ?Selon certains analystes, la décision de la RDC aurait aussi des motivations géostratégiques. Depuis des mois, les États-Unis, l'Europe et la Chine se disputent le contrôle des minerais du pays. En 2024, la production du groupe Chinois CMOC représentait 38% de la production mondiale du cobalt, soit 114 165 tonnes. Le géant Suisse Glencore n'a produit que 38 200 tonnes. Mais Jean-Pierre Okenda, expert analyste du secteur extractif de la RDC, se veut plus nuancé sur cet aspect :
« À ma connaissance, il n'y a quasiment pas d'usines de raffinerie de cobalt aux États-Unis. Cela ne signifie pas qu'il faut ignorer le fait que les États-Unis et les Européens veulent sécuriser la chaîne d'approvisionnement des minéraux critiques notamment, mais je ne pense pas que la mesure actuelle entre dans cette compréhension-là des choses », estime-t-il. Selon Bloomberg, le Chinois CMOC a lancé un groupe de travail pour mener des discussions avec le gouvernement de la RDC.
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L'Afrique du Sud, capitale de la finance : plus de 500 banques de développement se sont rassemblées fin février au Cap pour le sommet Finance en commun, en parallèle d'une réunion du G20. Dans un contexte d'arrêt brutal des aides américaines, avec la fin de 90% des activités de l'USAID décidé par Donald Trump, quel avenir pour l'aide publique au développement ?
L'actualité américaine a presque été mise de côté lors de ce sommet Finance en commun (FICS), qui a eu lieu au Cap du 26 au 28 février. Pendant la cérémonie d'ouverture qui donnait le top départ à ces trois jours de conférences et de rencontres, sur scène, un seul invité a abordé le sujet, sans citer les États-Unis directement : « Si certains grands pays venaient à manquer à leurs responsabilités dans ce domaine, et je ne dis pas cela complètement au hasard, cela irait probablement à l'encontre de leurs propres intérêts nationaux. »
La réaction de l'assemblée a rappelé immédiatement que le sujet est dans toutes les têtes : « Permettez-moi de conclure en citant une grande figure américaine. Benjamin Franklin disait : ''Nous devons tous nous serrer les coudes, ou assurément, nous serons tous pendus séparément.'' Serrons-nous les coudes à ce sommet. »
60 milliards de dollars d'aides en moinsL'arrêt de plus de 90% des activités de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) dans le monde représente 60 milliards de dollars d'aides en moins. Pour Diina Hamutumwa, responsable financière de la Banque de développement namibienne, cet événement doit être un déclic pour le continent africain :
« D'un point de vue africain, il est vraiment important que nous commencions à réfléchir sur nous-mêmes et à voir comment nous pouvons subvenir à nos besoins. S'appuyer sur l'extérieur doit être un plus, pas quelque chose sur lequel nous comptons à 100%. Avec ces décisions américaines, je crois qu'il est plus important que jamais que les gouvernements locaux réfléchissent et se demandent comment combler cette lacune. C'est aussi notre rôle en tant que banques de développement national. »
Les États-Unis sont les principaux actionnaires des grandes banques de développement, qui sont aussi un puissant outil diplomatique. Alors, si dans les couloirs du centre de conférence du Cap, on s'accorde sur le besoin de refonte du système de financement, avec une plus grande place au secteur privé par exemple, il y a tout de même de l'espoir.
Pas de désengagement sur les questions climatiques ?Moubarak Moukaila, responsable climat de la Banque de développement d'Afrique de l'Ouest, confie : « Il faut dissocier la question des partenariats, la question de la collaboration, et la question de l'aide publique au développement. Le changement climatique, par exemple, c'est une question transversale. Tout le monde est obligé de s'asseoir autour de la table pour trouver des solutions. La question liée à l'aide publique au développement, c'est une autre question, complètement politique et une question stratégique. Aujourd'hui, nous avons plus besoin des partenariats et de la collaboration pour arriver à des solutions adaptées à nos problèmes. Donc, je pense que d'une façon ou d'une autre, les États-Unis ne vont pas complètement s'écarter. Je pense que la réalité va rattraper Donald Trump, et la réalité poussera les États-Unis à continuer d'investir dans les questions liées au changement climatique. »
Reste que le projet de Donald Trump de passer en revue chaque financement international inquiète. Le sommet Finance en commun a donc pris des allures de réelle coalition, comme un bloc, entre les plus de 500 banques de développement du monde entier.
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Des prix plafonnés le temps du ramadan et du mois de carême sur les marchés guinéens. Viande, farine, riz... Une dizaine de produits seront subventionnés par l'État, et leurs prix seront ainsi encadrés pendant cette période où la consommation de denrées alimentaires augmentent dans le pays.
Sac de riz blanc à 290 000 francs guinéens, 50 kilos de farine à 350 000 francs, et carton de poulet entier à 210 000 francs. Dans les marchés de Conakry, les prix de certains produits vont baisser jusqu'à la fin du mois de juin, grâce à un effort financier de l'État, explique le directeur du Commerce intérieur et de la concurrence, Mohamed Traoré : « L'État perd jusqu'à 67 millions de dollars par an parce qu'il renonce à ses droits sur l'importation de ces denrées. Donc, nous voulons être sûrs que ces efforts de l'État se répercutent sur les prix pratiqués sur les marchés, pour que le client final puisse être soulagé. »
Des tarifs peu respectés, des contrôles renforcésProblème : ces prix plafonnés ne sont pas toujours respectés par certains commerçants qui profitent de la baisse chez les grossistes sans la répercuter sur leurs étals, aux dépens des consommateurs. Les contrôles seront donc renforcés.
« Il y a encore des personnes de mauvaise volonté, des personnes qui prennent ces produits subventionnés, les envoient soit en dehors de la Guinée, soit spéculent sur ces produits sur le marché intérieur, détaille le colonel Cheick Gadiri Condé directeur général par intérim des douanes. Nous allons partir en guerre contre ces personnes. Tous les services douaniers vont redoubler d'ardeur et de vigilance pour que ces produits-là atteignent les consommateurs du marché guinéen. »
« Des prix discriminatoires »Un plafonnement qui n'est pas le même entre Conakry et le reste du pays, où les prix de ventes varient selon le transport. « Injuste » selon M'Bany Sidibé président de l'Union pour la défense des consommateurs de Guinée qui n'est pas satisfait du protocole d'accord : « Ce sont des prix discriminatoires. Il y a ceux du Grand Conakry et ceux de l'intérieur du pays. L'État devrait faire en sorte que les prix soient uniformes sur la totalité du territoire national. Si les consommateurs de Conakry sont désormais supérieurs aux consommateurs de l'intérieur, c'est très grave. »
Pour éviter un trop grand décalage entre les différentes localités, l'association de consommateurs demande à l'État de retravailler sur les marges de distribution, et pas seulement sur celle des recettes douanières.
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En Tunisie, les entrepreneurs ont encore du mal à se remettre de la pandémie du Covid. Beaucoup subissent les effets de l’inflation, à 7 %, et de la « permacrise » économique. 200 000 PME étaient en difficulté financière en 2023, selon l’Association tunisienne des petites et moyennes entreprises, et certaines ont une durée de vie qui ne dure pas plus d’un an et demi.
Dans son restaurant de street food El Koocha, dans le quartier de Menzah 5, à Tunis, Emna Megdiche a l’air soucieux. Malgré le succès de son commerce, elle doit s’adapter chaque jour à la hausse des prix des denrées alimentaires. « Malheureusement, les deux dernières années ont été particulièrement difficiles parce que l’on fait face à une inflation à deux chiffres sur certaines matières, explique-t-elle. La dernière en date qui nous a mis vraiment en difficulté, c'est l’approvisionnement en volaille et l’inflation des prix de la volaille depuis l’été dernier. Ce qu’on avait avant, c’était un prix bas de la volaille qui permettait de compenser le coût global de la nourriture ».
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Hausse des matières premières et pénurie de main-d’œuvreLe prix moyen de la volaille a augmenté de près de 19 % entre 2023 et 2024 en Tunisie. Emna a dû réduire ses marges et fait aussi face aux autres conséquences de la crise économique : « La première, c'est la hausse des matières premières, la deuxième, c'est la main-d’œuvre qualifiée qui est en train de partir dans des pays comme l’Arabie saoudite, le Qatar, le Maroc, qui se prépare pour la Coupe du monde, la France, l’Europe, c’est une grosse difficulté. Et la troisième, c’est la baisse de pouvoir d’achat ». Si Emna parvient à se maintenir à flot, d’autres ont dû prendre des mesures drastiques.
Catherine Fournier, franco-tunisienne, dirige une petite entreprise dans le secteur des ressources humaines. Elle a subi une baisse d’activité, car beaucoup d’entreprises ont coupé les budgets en matière d’externalisation du recrutement. « Mon choix, par exemple, ça a été de passer en coworking space au lieu de garder un local en propre, pour diminuer les charges, témoigne l’entrepreneuse, ça a été le premier réflexe. Et puis après, j’ai continué à faire de la croissance en niveau commercial et j’ai créé peut-être plus de dynamique de partenariats. »
Trésoreries à secComme Emna, malgré un réseau professionnel développé, Catherine se sent à l’écart des systèmes de soutiens financiers. « Je ne dis pas qu’il faut nous passer certaines choses, on doit payer des impôts comme tout le monde, mais peut-être que si on était un peu mieux traité et qu’on avait des systèmes un peu plus souples, ça nous aiderait à créer de la trésorerie, défend la cheffe d'entreprise. Parce que finalement, les TPE, on est souvent des sociétés de services et la trésorerie, c’est le cœur du problème. »
Beaucoup ne peuvent plus répondre aux exigences en termes de garantie de la part du système bancaire, et donc n’arrivent plus à trouver de financements.
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À l’heure où l’aide publique au développement décroît et où les taux d’intérêt sur les marchés sont élevés, l’accès aux financements pour développer les entreprises africaines est capital. À la clé, la création d’emplois, de richesses et de développement… Dans ce domaine, des fonds privés à impact cherchent à développer leurs fonds et n’hésitent pas à allier financements publics et privés.
Il y a 15 ans, Sidi Khalifou reprend l’entreprise familiale CDS spécialisée dans l’eau et l’énergie en Mauritanie. Elle est alors composée d’une poignée de salariés et fait un chiffre d’affaires d’environ 100 000 euros. « J’avais une vision claire sur son développement », explique l’entrepreneur. Cependant, l’ambition ne suffit pas. « Premier frein, il n’y a pas de fonds et le capital est réduit, les banques ne donnent pas de crédits de façon suffisante. Et on n’avait pas suffisamment d’expérience aussi, explique-t-il. [Le fonds d'investissement] I & P avait cette valeur ajoutée d’avoir les deux, d’avoir de l’accompagnement et du financement. Et donc je peux dire qu’ils nous ont accompagnés de très très bas pour se structurer, pour lancer nos premières commandes, pour recruter nos premières ressources humaines, les former. Et ça, c’est fondamental dans la croissance d’une entreprise. »
L’entreprise compte désormais une cinquantaine d’employés et porte un chiffre d’affaires d’environ 3 millions d’euros. Dès le début, Investisseurs et Partenaires, I & P, soutient l’entreprise de Sidi Khalifou. I & P est un fonds d’investissement à un impact dédié au financement et à l’accompagnement des start-ups et PME en Afrique subsaharienne. « Ce sont des pays dans lesquels il y a une dynamique entrepreneuriale extrêmement forte. Beaucoup d’opportunités. Ce qui manque, c’est la capacité à financer ces entrepreneurs. Et donc nous, on pense qu’en apportant des fonds et en choisissant des entrepreneurs qui ont cette capacité à créer des emplois, à générer des impacts, nous pouvons aussi générer de la valeur économique et financière pour nos investisseurs », affirme Sébastien Boyer, le co-directeur d’I & P.
À écouter dans 8 milliards de voisinsQue recherchent les investisseurs dans les PME africaines ?
Partenariats public-privéUn pari qui fonctionne malgré la perception du risque accru qui entoure l’investissement sur le continent. Des acteurs publics, comme la Banque européenne d’investissement, soutiennent ces choix. La BEI vient de signer un nouvel engagement de 15 millions d’euros. « L’une des actions qu’on a, c’est de financer des fonds d’investissement qui eux-mêmes vont financer des actions qui nous semblent prioritaires. », souligne Ambroise Fayolle, vice-président de la BEI.
« Ce qui nous semble plus important, ce n’est pas la nature publique ou privée du promoteur d’un projet, c’est plutôt ce qu’il veut faire de l’argent qu’on va lui donner. Et en l’occurrence, ce que veut faire cet investisseur, c’est de développer des actions qui sont particulièrement importantes pour nous, dans des secteurs aussi charnières que l’atténuation et l’adaptation du changement climatique et les problématiques de l’égalité hommes-femmes », insiste-t-il.
Grâce à cette levée de fonds, I & P prévoit de soutenir une quinzaine d’entreprises sur le continent, avec à la clé la création de 4 000 emplois. Sidi Khalifou poursuit son expansion et souhaite poursuivre le développement de son entreprise dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest.
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Le protocole d’accord a été signé à la mi-février, ont révélé les médias congolais ce week-end. Les autorités du Congo-Brazzaville confient pour dix ans la distribution du courant à la société nationale sénégalaise d’électricité, la Senelec, en affermage. L’espoir est de mettre fin aux pertes d’énergie sur le réseau existant.
Vétusté du réseau, branchements électriques sauvages… Le Congo-Brazzaville espère mettre fin à ces fléaux en faisant appel à l'expérience de la société nationale sénégalaise, la Senelec, dont le directeur général de la filiale congolaise Socelec, Pape Mamadou Diop, rappelle, au moment de la signature du protocole, qu'elle a dû surmonter les mêmes défis. « Nous apportons l’expertise d’avoir vécu la même chose, d’être passé par là et Dieu merci d’avoir pu sortir le Sénégal de là, rappelle-t-il. Nos ingénieurs sont venus plusieurs fois et savent ce qu’il faut faire. Et avec l’appui des cadres de l’E2C [Energie électrique du Congo, NDLR] qui constituent l’essentiel de la société d’électricité du Congo que nous avons bâti, on va relever le défi et résoudre les problèmes en procédure d’urgence. »
Suivre au plus près les clients
La société d’État congolaise E2C, Énergie électrique du Congo, cède donc la distribution du courant en affermage à la Senelec, qui devra acheter l’énergie, la distribuer, et, en échange d’une redevance payée à l’État congolais, collectera les factures, un des points qu’elle a su améliorer au Sénégal, estime Serge Diomane, expert dans le domaine de l’énergie. « La Senelec vient au Congo-Brazzaville avec une stratégie qui est la facturation de créances qui permettra de suivre au quotidien chaque abonné, d’apporter une solution à chacun. Cela peut passer par des factures post-payées, par des factures pré-payées par de nouveaux compteurs améliorés, par un rapprochement avec la clientèle, par l’ouverture de nouveaux bureaux de proximité... »
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« Tarif social maintenu..., personnel conservé »
Le montant des factures, lui, restera de la prérogative de l’État congolais qui maintiendra un tarif social, a tenu à souligner Jean-Jacques Ikama qui représentait le Premier ministre congolais lors de la signature. Il a aussi voulu rassurer les employés d’Énergie électrique du Congo, dont les syndicats menacent de faire grève. « Le personnel transféré au fermier conserve les droits et avantages ainsi que l’ancienneté acquise antérieurement, après audit du personnel effectivement en emploi », a-t-il précisé.
Pas responsable de l'extension du réseau
Une première évaluation des services de la Socelec, filiale de la société sénégalaise, sera faite au bout de trois ans. À noter que la Socelec sera chargée de la distribution, mais pas de la production d’électricité, ni de l’extension du réseau, encore très insuffisant au Congo puisque moins de 20 % de la population rurale et moins de 40 % des citadins y sont reliés.
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Au Bénin, le commerce est toujours compliqué à Malanville, la ville béninoise frontalière avec le Niger, à 700 km au nord de Cotonou. Si les autorités béninoises ont rouvert leur frontière terrestre, après l’avoir fermée suite au coup d’État à Niamey, ce n’est pas le cas des autorités du Niger. Voie alternative, la traversée du fleuve Niger, de nouveau autorisée par le gouvernement béninois, permet de contourner la fermeture de la route, et les activités reprennent timidement.
Des camions chargent et déchargent, à l'entrée du marché de Malanville. « On a chargé 7 000 sacs cette semaine. Quand le marché bat son plein, on décharge plus de 15 000 sacs par semaine », témoigne Souley Issifou. Grossiste, il se tient près de piles de gros sacs de haricots, en provenance du Nigeria et du Niger.
Des voies clandestines et donc une hausse des prixPourtant, les autorités nigériennes ont, en octobre dernier, interdit l'exportation de produits vivriers, dont le niébé — sauf vers les autres pays de l'Alliance des États du Sahel. « Ça passe, concède Souley Issifou. L'homme a toujours les moyens pour pouvoir passer, sinon c'est la population qui souffre. Donc, pour faire venir actuellement le haricot du Niger, on passe par le Nigeria. Ils passent par des voies clandestines pour pouvoir nous approvisionner. Donc, c'est un risque. Et les produits augmentent beaucoup de prix, au niveau du transport et au niveau des prix d'achat. Actuellement, nous vendons les haricots du Niger à 44 000 francs CFA. »
« On dort en bas des camions avec les moustiques »Certains échanges entre le Bénin et le Niger se font par voie terrestre via le Nigeria. D'autres, par pirogues, sur le fleuve Niger qui sépare les deux pays. Salifou est chauffeur de camion. Avant la fermeture de la frontière, il allait jusqu'au Niger. Maintenant, il s'arrête à Malanville. Et il doit patienter plusieurs jours pour pouvoir décharger au bord du fleuve. « On décharge au bord de l'eau, explique-t-il. Mais on ne trouve pas à décharger le même jour, on attend cinq-six jours avant de décharger. Et c'est par ordre d'arrivée. Ce matin, je suis en 79ᵉ position. Comment on va faire ? On n'a pas l'argent pour payer un hôtel. On dort en bas des camions avec les moustiques. C'est nous qui faisons le gardiennage de la marchandise. On est chauffeurs gardiens ! »
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« Ce sont d'abord les Nigériens qui viennent à Malanville »La levée de l'interdiction de la traversée du fleuve a un peu apaisé la situation économique à Malanville. Mais cette alternative ne convainc pas tout le monde. Et pour certains détaillants du marché, la situation est encore loin d'être réglée. « Quand les frontières étaient complètement fermées et que les gens ne passaient pas, on pouvait passer une semaine sans rien vendre, témoigne un commerçant. Maintenant qu'il est autorisé de passer par le fleuve, au moins ça change un peu. Mais ce n’est pas comme avant, quand c'était complètement ouvert. Ce sont d'abord les Nigériens qui viennent à Malanville et qui achètent beaucoup. Mais même ceux qui viennent, on les dérange des fois à la frontière là-bas, donc ils sont pressés de quitter Malanville. » Comme les autres commerçants de Malanville, il continue d'espérer la réouverture de la frontière avec le Niger.
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C'est l'un des plus grands marchés en plein air d'Afrique de l'Ouest. Le marché international Dantokpa, qui s'étend sur une vingtaine d'hectares depuis plus d'un siècle d'existence à Cotonou, doit être fermé. Un projet annoncé en 2018 par les autorités béninoises. Ses commerçants seront déplacés vers de nouveaux marchés, dont plusieurs sont déjà en construction. Parmi les commerçants, les avis sont partagés.
Avec notre envoyée spéciale à Cotonou,
On dirait presque une ville dans la ville. Produits vivriers, électroménager, pagnes, bijoux, etc. On trouve de tout dans l'immense dédale des allées encombrées du marché de Dantokpa de Cotonou, au Bénin. Depuis 30 ans, Prisca tient la boutique de vêtements héritée de sa mère. Elle ne s’inquiète pas du futur de son activité : « Comme le gouvernement a décidé de construire d'autres marchés pour nous, c'est bien. Même si on se déplace, ce qui est sûr, on continuera à vendre ça, c'est clair et net. » D’autant que les conditions de travail actuel ne sont pas idéales, décrit-elle : « Parce qu'ici, il y a trop d'incendies, c'est trop serré. Sincèrement moi du fond du cœur, je préfère quitter ici. Et j'ai vu les autres marchés de l'est, je suis parti dans le marché de Midombo, j'ai vu qu'il y a de la place et de l'espace. C'est le côté sanitaire que j'ai vraiment aimé, c'est bien propre. »
Incendies et insalubrité font partie des arguments avancés par les autorités béninoises pour ce projet de longue date. Mais les commerçants, qui doivent être réinstallés ailleurs, ne voient pas tous le projet d'un bon œil. « On n'a pas de date fixe, on nous dit seulement tantôt un an, tantôt six mois, tantôt c’est trois mois, on est toujours là ! On est en train de supplier le président de nous réaménager le marché et non de le déloger », lance Josée. Une cliente non loin de là est venue acheter du manioc. Elle s'interroge : « Le nouveau marché là, c'est où ? Si c'est loin, moi, je ne peux pas y aller ! »
Encore beaucoup d'interrogations pour les commerçantsCette délocalisation annoncée depuis longtemps crée des inquiétudes. « Nous ne sommes pas d'accord. On ne déplace pas un marché comme ça. Si on le déplace, je suis sûr qu’il ne sera pas animé comme avant. Les gens ne dorment pas à cause de ça »,se plaint Ibrahim. Inquiétude de certains commerçants, mais également interrogations des clients qui ont leurs habitudes, comme Chantal, venue acheter du poisson et un seau. « Les rumeurs que l’on a, c'est que selon ce que chacun vend, il sera délocalisé dans un endroit différent : vendeurs de pagnes, bijoux, assiettes, peut-être ailleurs aussi. Ça va être un peu compliqué parce qu’on peut vouloir n'importe quoi et au marché, on est sûr de le trouver. Donc séparer par catégorie de produits, ça va être compliqué »,souligne-t-elle.
« Mais s'ils délocalisent et qu’ils amènent dans un endroit plus propre où il y a tout ensemble, je crois que ce n’est pas mal »,convient-elle. Certains commerçants du marché de Dantokpa veulent encore des éclaircissements. Ils se demandent s'ils auront bien une place dans les nouveaux marchés, et à quel tarif.
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Le conflit dans l’Est de la RDC et la mainmise de la rébellion pro-rwandaise du M23 sur ses richesses minières était dans toutes les conversations lors de Mining Indaba, le sommet annuel consacré au secteur minier africain, du 9 au 12 février au Cap.
Comme chaque année, la délégation congolaise était bien représentée au Cap. Le ministre des Mines, Kizito Pakabomba, présent en personne, ainsi que la Première ministre Judith Suminwa Tuluka, dans un message vidéo, ont pu dénoncer ce qu’ils qualifient de « pillage des ressources » dans l’Est de la RDC. Des accusations que rejette le président du Rwanda Paul Kagame, mais qui ont été bien documentées par les experts de l’ONU, ainsi que par Global Witness.
« Il y a toujours eu un marché international pour ces minerais et toutes les personnes qui ont successivement eu le pouvoir dans la région ont contribué à ce problème, reconnaît Emily Stewart, membre de l’ONG. Ce n’est donc pas un phénomène qui aurait émergé avec le M23. Mais la façon dont ces minerais sont de plus en plus demandés a contribué à augmenter la présence de groupes comme le M23 dans la région. Seulement 10% du coltan certifié rwandais provient vraiment du Rwanda. Le reste vient de RDC. Il passe clandestinement de l’autre côté de la frontière et est ensuite certifié comme s’il venait d’une mine rwandaise. »
Investisseurs exposésLe trafic, qui a pris de l’ampleur à partir de la mine de Rubaya, échappe donc aux outils de traçabilité mis en place jusqu’à présent. Une administration parallèle permet de vendre ce coltan, qui esquive les taxes publiques congolaises et se retrouve dans les téléphones et les ordinateurs du monde entier. Un circuit illégal qui interroge la responsabilité des investisseurs.
« À mon avis, il est complètement naïf de penser qu’en tant qu’investisseurs, nous ne sommes pas exposés à des industries et des secteurs qui utilisent des minerais venant de différentes zones de guerre dans le monde, souligne Adam Matthews, qui supervise les placements du fonds de pension de l’Église d’Angleterre. En RDC, on observe l’escalade d’un conflit ouvert à Goma, avec certains minerais de la région qui rejoignent les chaines d’approvisionnement mondiales. On doit tous se pencher là-dessus. »
« Dommageable pour l’image de la RDC »La crise dans l’Est congolais pourrait aussi avoir un impact sur l’attrait des investisseurs pour le secteur minier du pays, alors que la RDC avait déployé beaucoup d’efforts, ces dernières années, pour améliorer le climat des affaires. « Dire que ça n’a pas d’impact sur le moral des gens à Kinshasa, le moral des investisseurs, que ce n’est pas un frein aujourd’hui à l’ouverture de la RD Congo, serait faux, observe Henri Wazne, le directeur général de la SofiBanque. La vérité c’est que, certes, l’est du Congo est loin du Katanga, mais c’est le même pays, et c’est dommageable pour l’image de la RD Congo. »
Les parlementaires européens ont, depuis, voté en faveur d’une résolution pour réclamer que l’Union européenne suspende l’accord sur les minerais, signé l’année dernière avec le Rwanda.
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Le « Mining Indaba », l’incontournable rendez-vous des acteurs miniers, vient de se tenir au Cap, en Afrique du Sud. Sujet de taille cette année : la nouvelle donne dans les pays de l’AES. Les États de l’Alliance du Sahel se sont lancés dans un bras de fer, parfois brutal, avec les compagnies minières, afin de tirer davantage de revenus de l’exploitation des ressources du pays. Une situation qui questionne la continuité des activités en cours, et l’avenir des investissements.
De notre envoyée spéciale au Cap,
Au Mali, après la révision du Code minier, en 2023, Assimi Goïta entend « faire briller l’or », selon son expression, en employant la méthode forte. Trois cadres de la société australienne Resolute Mining, dont le PDG, ont été détenus puis relâchés, en novembre, sur fond de désaccord fiscal. Quatre employés du groupe canadien Barrick Gold sont, eux, toujours incarcérés, et l’entreprise a suspendu ses activités au niveau de sa très grande mine de Loulo Gounkoto, après la saisie de trois tonnes d’or.
Le canadien s’est lancé dans une procédure d’arbitrage suite à l’échec de négociations. Pour son PDG, lui aussi sous le coup d’un mandat d’arrêt, Bamako prend le risque de faire fuir les investisseurs miniers. « Aucun des pays très bien dotés en minerais n’a reçu de gros investissements dans son économie sur les dix dernières années. Et pourtant ils continuent de vouloir augmenter les redevances », souligne Mark Bristow.
Agenda nationaliste et prix de l'or au plus hautLe Mali n’est pas le seul à mener ce combat : le Burkina Faso menace de retirer aux multinationales leurs permis, une étape déjà franchie par le Niger qui a privé, l’année dernière, le groupe français Orano de son autorisation pour exploiter le site d’Imouraren. « On peut observer beaucoup de similarités entre le Mali, le Burkina et le Niger, et la tendance va au-delà du simple rééquilibrage des relations commerciales entre un État et des entreprises, décrypte Mamadou Coulibaly, du cabinet Satis Partners sur la scène du Mining Indaba. Dans ces trois pays, on a de gros défis sécuritaires, ce qui demande beaucoup de fonds pour y répondre, dans un contexte où l’aide de donneurs occidentaux s’est tarie. Et au-delà de tout cela, il y a la place que prend l’idéologie et les ambitions nationalistes que l’on peut observer chez ces dirigeants de transition. »
D’autres sociétés parviennent, elles, à trouver un terrain d’entente avec ces régimes, à l’image de B2Gold. Grâce à un accord avec la junte malienne et un paiement de 30 millions de dollars, la compagnie canadienne continue à développer son site de Fekola, qui répond aux règles de l’ancien code minier. « Tout le monde fait face à des situations différentes, avec des projets aux passés divers, qui correspondent à différents codes miniers. Pour notre part, nous avons pu conclure cet accord très important avec le gouvernement en septembre. Donc, je dirais que les relations sont très bonnes. Le gouvernement veut la même chose que nous : soutenir une production réussie à Fekola, et permettre l’expansion de la mine », explique le PDG de B2Gold, Clive Johnson.
Il faut dire que le prix de l’or est actuellement au plus haut, ce qui encourage les entreprises minières à continuer leur exploitation. Mais face à ces nouvelles contraintes, se pose la question de l’appétit pour des projets futurs et des dépenses d’exploration.
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Le Mining Indaba, l’incontournable sommet sur les mines en Afrique, s’est déroulé au début du mois dans la ville du Cap, en Afrique du Sud. Selon les estimations, le continent détient 30 % des réserves en minerais critiques, essentiels pour la transition énergétique. Parmi les grands habitués du salon : les Américains, qui envoient habituellement une importante délégation. Cette année, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche semble modifier les dynamiques et les partenariats pourraient évoluer.
Avec notre envoyée spéciale au Cap,
La délégation américaine s’est réduite comme une peau de chagrin, cette année, tant sur la scène du Mining Indaba que dans les allées du salon. Seul représentant à prendre la parole : Scott Woodard, le secrétaire adjoint par intérim spécialisé sur les questions de transformation énergétique auprès du département d’État. Il est resté très vague sur la politique minière à venir. « Un des décrets signés par le président dès ses premiers jours au pouvoir concerne l’extraction et la transformation de minerais, surtout aux États-Unis. Mais si on le lit de plus près, il y est aussi fait mention, à de multiples reprises, des partenariats internationaux et de la coopération avec d’autres nations », a déclaré le diplomate.
La nouvelle administration ne s’est pas encore totalement installée et on attend toujours la nomination de l’équipe Afrique de Donald Trump, bien que son ancien envoyé spécial pour le Sahel et les Grands Lacs, Peter Pham, soit pressenti. Selon les experts, le corridor de Lobito devrait continuer à être développé. La modernisation de cette ligne ferroviaire, pour faciliter le transport des minerais de la RDC et de la Zambie vers l’Angola afin de les exporter depuis la côte ouest du continent, rentre dans la logique de concurrence avec la Chine.
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Poursuite des aides et garanties ?« Les compagnies continuent, mais elles ont souvent besoin de certains mécanismes d’aide de l’État américain, pour “dérisquer” certaines transactions qui pourraient être dans des pays compliqués, ou des nouveaux marchés », analyse Vincent Rouget du cabinet Control Risk. « On voyait souvent l’État américain intervenir, soit par le biais de la diplomatie, pour faciliter les échanges, les négociations, soit par le biais d’aides financières ou de garanties de prêt. Et là, on a un point d’incertitude : est-ce que ça va continuer ? Pour l’instant, c’est trop tôt pour le savoir », poursuit-il.
Côté sud-africain, le ministre des Mines, Gwede Mantashe, souhaite durcir le ton, pour répondre au gel de l’aide américaine décidée par Donald Trump. « S’ils ne veulent plus nous donner d’argent, ne leur donnons pas de minerais. Nous avons des minerais sur ce continent, donc nous possédons quelque chose, nous ne sommes pas de simples mendiants. Nous devons utiliser cette richesse à notre avantage, en tant que continent », a-t-il affirmé fermement. Les doutes planent aussi au-dessus de la volonté des États-Unis de continuer à développer les chaînes de valeur ajoutée en Afrique, comme dans le cadre de l’accord signé avec la Zambie et la RDC, pour fabriquer sur place des batteries électriques.
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À Rome, en parallèle du rendez-vous annuel du Fonds international de développement agricole (Fida), s’est tenu la semaine dernière le Forum des peuples autochtones. Si les deux évènements s’inscrivent ensemble, c’est que le Fida est persuadé du rôle à jouer de ces populations dans la lutte contre la malnutrition. Cependant, leurs connaissances et pratiques sont mises en péril. Pour les aider, l’accès à la finance internationale et notamment à la finance climatique devrait être un levier important.
Les peuples autochtones évaluent que 1 % seulement de la finance climatique leur revient directement. « Souvent, les structures multilatérales et bilatérales ne sont pas suffisamment flexibles pour donner un accès direct aux organisations des peuples autochtones », souligne Ilaria Firmian, analyste senior sur ces questions au sein du Fida. Elles préfèrent donner aux « grandes ONG internationales » sans doute, entre autres, par « manque de confiance envers les organisations des peuples autochtones ».
Un diagnostic partagé par le Congolais Albert Barume, rapporteur spécial des Nations unies sur les peuples autochtones. « Il y a toute cette discussion de financer les organisations autochtones, par intermédiaire, de penser qu’ils ne sont pas capables de gérer, de tenir des comptabilités », rappelle-t-il. « Il y a toutes ces perceptions qui font préjudices et qui sont stockées dans nos subconscients, analyse cet expert. Tous ces outils que l’on met en place finissent par discriminer certaines personnes. »
Pour lui, pas de secret, il faut permettre un accès plus direct aux financements à ces populations. « S’il n’y a pas diminution, allégement ou simplification de ces procédures, je ne pense pas que ces mécanismes de financement seront justes », estime le rapporteur spécial. Un défi qui reste quasi entièrement à relever selon lui : « On est dans ce paradigme de penser que pour accéder à un financement, il faut être en mesure de remplir tel formulaire, de tenir une certaine sorte de comptabilité, de suivre certaines règles, d’avoir un minimum de connaissances. Donc, on continue à nourrir les mêmes cibles et on ignore une grande masse qui n’a pas ces capacités. »
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L'Ipaf, un mécanisme pour financer des projets des peuples autochtones aux moyens insuffisantsPour lutter contre ce phénomène, le Fida a mis en place, il y a quelques années, le mécanisme d’assistance pour les peuples autochtones (Ipaf). C’est « un mécanisme dans lequel on donne des petits dons directement à des projets qui sont formulés et mis en œuvre par des communautés autochtones elles-mêmes, détaille Ilaria Firmian. Et on reçoit un nombre incroyable de demandes ! »
Cependant, difficile de trouver les financements qui permettent de combler les besoins. « C’est un mécanisme qui est reconnu pour bien fonctionner. Mais, par exemple, pour le dernier cycle, nous avons reçu quelque chose comme 650 propositions et on a été en mesure d’en financer 53 », regrette-t-elle. Le Fida finance, par exemple, en Éthiopie, un projet axé sur la préservation de l’Ensete, une sorte de banane locale dont les racines sont consommées, très résistante, mais menacée notamment par les nouveaux types d’agriculture.
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