Avsnitt

  • Fabiana Piacenza est chargée de médiation et des relations scolaires au Service de la culture de Meyrin. Elle se souvient, enfant, de son premier contact avec l'art. Elle a immédiatement plongé dans la pratique artistique en interprétant une pièce de Molière devant ses camarades, dans la grande salle de la cantine scolaire. Un beau souvenir, qui prouve l'impact de l'art sur les jeunes. En tant que médiatrice, Fabiana Piacenza organise des ateliers autour des spectacles, notamment avec les groupes scolaires, en lien avec le système pédagogique. 




    Il faut donner la possibilité aux enfants de se confronter au processus théâtral, c'est très formateur.




    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 22 mars 2024

    Publiée le 27 mars 2024

    Crédits photo: Fabiana Piacenza © Jade Bouchet

  • Des enfants au théâtre



    Le directeur artistique et général du Théâtre Am Stram Gram Joan Mompart connaît le lien entre l'artiste et le jeune public depuis longtemps. Sur les planches, il a joué L’histoire du soldat de Ramuz devant des enfants. Dans l'une de ses répliques, une question est posée par trois fois. Il sent un frémissement parcourir la salle à la première occurrence. La répétition pousse les enfants à se concerter. À la dernière itération, ils répondent au personnage!



    Un théâtre vivant



    L'enfant spectateur rappelle à Joan Mompart le chaos originel du théâtre. Le public n'a pas toujours été silencieux face à la scène, il réagissait à ce qu'il s'y déroulait, mangeait: il y a un temps où les gens faisaient l'amour au théâtre. L'académisme du XVIIe siècle a fait oublier ces pratiques et le public adulte d'aujourd'hui s'efface sur son siège. Les enfants, eux, s'expriment davantage sur ce qu'ils voient et prennent part à la représentation. Pour Joan Mompart, la jeunesse est un public à part entière, à considérer aussi sérieusement qu'une audience adulte. Lorsque certain·e·s lui disent qu'il a le public de demain, il réfute:




    Pas du tout, j'ai le public d'aujourd'hui.




    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 22 mars 2024

    Publiée le 25 mars 2024

    Crédits photo: Joan Mompart © Francesca Palazzi

  • Saknas det avsnitt?

    Klicka här för att uppdatera flödet manuellt.

  • Marie-Eve: Aujourd’hui, on cause jeune public, médiation, pédagogie, engagement et participation des enfants. Olivier, toi qui es père de trois garçons, j’imagine que le sujet de l’initiation à l’art doit te parler, non?



    Absolument: moi j’initie volontiers, j’explique, je guide, j’éclaire, je corromps n’importe quel enfant, en commençant par les miens. Aucun souci. Et je crois qu’on devrait initier et surtout faire participer les gosses à tout plein de choses, et pas seulement à la culture! Loin de là!



    M.-E.: Ah bon? À quoi par exemple?



    Je pense qu’il faut commencer très jeune, quand le sujet est encore un nourrisson malléable, afin de pouvoir le modeler bien comme il faut. Et d’en faire un parfait encul... pardon un parfait citoyen de demain, inclusif, nombriliste, pacifiste, écolo et super indigné par principe. Pour cela, dès que le lardon est en âge de grailler autre chose que du lait, on peut commencer le dressage... Non, je voulais dire, on peut instaurer une chiée d’actions de médiation et de participation, histoire de compromettre dès le début la future sociabilité du petit con.



    On commence donc par la bouffe et on se répète l’évangile suivant: je pratique une éducation bienveillante, je suis au service du fruit de mes entrailles, je m’attache à en développer le potentiel immense, je ne fais preuve d’aucune autorité – et je ne vais donc pas me casser les roubignoles à imposer à mon gosse des menus et à lui apprendre à manger sans redécorer la cuisine façon Valérie Damidot, avec de la purée de carottes à la place de peinture fuchsia. C’est pourquoi Junior choisira lui-même ses repas, même s’il ne sait que baver et ne parle pas encore. En plus, on lui laissera tout loisir de consommer sa pitance où, quand et comment il le désire. Pareille approche n’a que des avantages.



    M.-E.: J’ose à peine demander lesquels...



    Pour aller vite, je n’en citerai que deux. Ainsi, on sait que les morveux ont la fâcheuse habitude de laisser traîner leurs doigts potelés partout, y compris dans les prises électriques. Or si, au plus fort de la préparation participative de son dîner, Junior s’est loupé en introduisant une carotte ET une main dans le mixer, le voici manchot! Et c’est parfait, car votre bambin amputé d’une main fera moitié moins de conneries! Pas de mains, pas de bêtises, c’est logique. Autre avantage, en particulier si vous êtes des parents peu hospitaliers: tout repas en freestyle de votre enfant transformant la cuisine en annexe de la bande de Gaza, vos amis détesteront venir manger chez vous et vous foutront une paix royale!



    M.-E.: Alors quoi? L’éducation à la schlague, c’est mieux? La verticalité, l’autoritarisme? Les sévices corporels, peut-être?



    Oh les vilains mots que voilà! Tu caricatures ma position... J’entends au contraire que les enfants participent à et se prononcent sur tout ce qui les concerne. En vertu de quoi un vulgaire pédiatre et des parents flippés décideraient-ils du traitement d’un enfant malade? Pourquoi priver nos petits de la joie de posséder un iPhone dès qu’ils le désirent? En vertu de quoi les programmes scolaires prétendent-ils transmettre des connaissances qui n’ont même pas été validées par les mômes? C’est complètement fasciste! Junior a le droit de refuser les piqûres et de se soigner à coups de fraises Tagada; il a le droit de scroller et de swiper dans les langes; il a le droit de contribuer au choix des matières enseignées à l’école! Non mais!



    M.-E.: Euh... Tu pousses le bouchon un peu loin là, quand même.



    Que nenni. Faire participer les enfants, et au final les laisser se gouverner eux-mêmes, c’est juste la base, la promesse d’un monde où couleront le lait et le miel, dans la concorde de l’amour universel. Il n’y a qu’à lire Sa Majesté des mouches ou le dernier Liu Cixin traduit en français, L’ère de la supernova, pour le constater: quand les enfants sont aux affaires, ça ne peut déboucher que sur un Pays de Cocagne, un paradis sur Terre, tant les gosses sont naturellement bons, mesurés, rationnels et partageurs. Comment tout cela pourrait-il finir en carnage, hein, je vous le demande? Il y a juste un hic. Tôt ou tard, en grandissant, le minot constate que le réel ne se plie pas toujours à son désir.



    Arrivé à ce stade, il lui reste une échappatoire: devenir un adulescent, de ce mot-valise qui amalgame ado et adulte. Si le réel ne lui convient pas, il est toujours possible de le congédier et de macérer dans le plus complet narcissisme. C’est on ne peut plus mérité! Après tout, même Jason, le Tanguy de votre collègue de bureau, même Jason, 32 ans, passionné par les mangas et le cosplay, glandeur nourri logé blanchi par ses darons, même lui a une excuse imparable: il est HPI bien sûr. Alors qu’on lui lâche la grappe et qu’il continue à participer à la cocococonstruction de son déclassement social et de sa désinsertion professionnelle. Parce qu’il le vaut bien.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 22 mars 2024

    Publiée le 25 mars 2024

  • Salut à toi, qui est né quelque part et qui n’en est pas pour autant devenu imbécilement heureux. Pathologie qui s’attrape au contact prolongé d’un drapeau, allant même jusqu’à provoquer à l’âge adulte une morbidité de la crispation identitaire, dite dans le jargon de clinique des troubles anxieux une finkielkraulite, pouvant entraîner la dissolution de l’empathie humaine et de toutes ces petites choses autour desquelles on s’agitait tant autrefois. Surtout dans l’après 45.



    Mais trêve de radotage, le comité éditorial de Midi Bascule m’a cette semaine passé commande d’une chronique sur la situation des enfants dans le monde, à laquelle, inconscient que je suis, j’ai répondu favorablement. Je leur ai dit: Houla, ça risque de plomber l’ambiance c’t’affaire... À quoi il m’a été répondu, avec le sérieux de circonstance: On sait. Mais José, depuis quand tu as des réticences à plomber l’ambiance? À quoi j’ai répondu, sincère et contrit: C’est vrai. Mais n’allez pas croire que j’y trouve un quelconque plaisir... Si la concorde et l’amour régnaient sur la planète, ou même rien que sur la francophonie, croyez-bien que je me consacrerais ici à livrer des calembours follement divertissants, tels que: Midi Bascule oui, mais Midi Bouscule! Ah, c’est frais, c’est fin, c’est souriant, on en redemande...



    Bon, allez, l’enfance dans le monde en 2024. Alors déjà, passons sur ce que tout le monde sait, c’est-à-dire qu’ils sont destinés à vivre sur une planète de plus en plus inhabitable et qu'ils assisteront à l’extinction d’un nombre considérable d’espèces vivantes, végétales et animales, tel l’éléphant, le tigre, le rhinocéros, la panthère des neiges, bon j’arrête, la liste est trop longue et dépasserait le temps imparti de cette chronique. Les enfants des sociétés prospères de 2024, il leur restera toujours le souvenir de leurs peluches animalières pour se consoler de l’avenir et le souvenir de séries animées Netflix où les rôles principaux sont tenus par de sympathiques animaux anthropomorphisés dans des aventures trépidantes où la mort est absente, afin de ne pas les effrayer selon nos normes civilisées de censure.



    Il est vrai que ces programmes ne sont pas prioritairement destinés aux enfants de Gaza, à qui il n’est d’ailleurs rien destiné si ce n’est, manifestement, de mourir sous l’assaut fanatique du pays voisin qui a décidément bien du mal à distinguer les combattants du Hamas d’une montagne de cadavres d’enfants. Mais passons rapidement là-dessus comme il est d’usage dans la société de l’information contemporaine qui peut pourtant tenir deux semaines sur: pour ou contre Sardou. Et autres diversions permanentes.



    Bref, le fait que les enfants vivront de plus en plus dans un monde de merde (au propre et au figuré), c’est le futur et le futur, ce n’est pas le sujet. Non, le futur, c’est déprimant, alors le sujet, c’est le présent, moins déprimant que le futur. C’est toujours ça de pris. Et qui de mieux que l’Unicef pour nous éclairer sur la situation de l’enfance dans le monde d’aujourd’hui? Et là, navré mais on est tout de suite dans le haut de gamme de l’épouvante: L’année 2023 a été une année noire pour les enfants, prévient l’Unicef. De Haïti au Soudan, du Yémen à l’Ukraine, de l’Afghanistan au Proche-Orient, les enfants du monde entier ont subi des violations de leurs droits les plus fondamentaux qui n’ont jamais été si menacés.



    460 millions d’enfants vivent dans des zones aux crises majeures. Survivre y est devenu un véritable défi. Dans la Corne de l’Afrique, la menace de la famine plane constamment sur les enfants. En République Démocratique du Congo, 15 millions d’enfants subissent de plein fouet la guerre, les flambées épidémiques et les violences sexuelles endémiques. Sans compter l’enrôlement dans des groupes armés. À Haïti, le système de santé s’est effondré. Les fournitures essentielles à la survie des enfants sont pillées par des groupes armés. La bande de Gaza a été déclarée l’endroit le plus dangereux au monde pour les enfants. En Syrie, plus de 7 millions d’enfants ont besoin d’aide humanitaire, 650'000 enfants de moins de 5 ans y souffrent de malnutrition chronique, plus de 30% des enfants sont en état de détresse psychosociale, là où les tremblements de terre ont frappé, 83% des enfants présentent une détresse psychologique comportementale. 43,3 millions d’enfants dans le monde sont en situation de déplacement forcé.



    Partout, les enfants sont les premières victimes des crises et conflits, qu’ils soient politiques, climatiques, humanitaires, économiques, sanitaires ou alimentaires en dépit des engagements des États à respecter leurs droits, alerte l’Unicef. Ils sont également les premières victimes de la stagnation des progrès en matière de réduction de la pauvreté. À l’échelle mondiale, plus de la moitié des personnes vivant dans une extrême pauvreté sont des enfants.



    Pendant ce temps-là, chez les bien lotis, dans les pays industrialisés, on surexpose les enfants aux écrans, au cyberharcèlement, à la cyberdépendance, à la désinformation, aux contenus violents et aux fake news.



    Voilà. C’était un rapide survol de la situation des enfants dans le monde. Arrivé à la fin de ma chronique, j’ai juste envie de réentendre un refrain d’autrefois:



    Accours vers nous, prince de l'espace,

    Viens vite, viens nous aider,

    Viens défendre notre Terre,

    Elle est en danger...



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 22 mars 2024

    Publiée le 25 mars 2024

    Crédits photo: Anne Bouchard

  • L'enfantisme



    Lorsque le jeune public devient acteur de la création, il exerce non seulement sa capacité à penser mais prête également attention aux grands oubliés de l’école: le corps, la rêverie, l'imaginaire ou encore l’intime. Où cette génération nous emmène-t-elle lorsqu’on lui laisse la liberté d’agir? À une époque où cette tranche de la population demeure opprimée, un nouveau mot a vu le jour: enfantisme. Construit sur le modèle de féminisme, ce terme désigne les luttes en faveur des intérêts des enfants. Celles et ceux qui s’engagent dans ce mouvement proposent d’abolir le rapport de domination des adultes pour inventer une nouvelle réalité sur la base d’une relation horizontale. La théorie est belle, mais concrètement, comment sensibiliser les enfants aux enjeux sociétaux? Et comment mieux les inclure dans le débat?



    Un public présent et important



    Le directeur artistique et général du Théâtre Am Stram Gram, Joan Mompart, connaît le lien entre l'artiste et le jeune public depuis longtemps. Sur les planches, il a joué L’histoire du soldat de Ramuz devant des enfants. Dans l'une de ses répliques, une question est posée par trois fois. Il sent un frémissement parcourir la salle à la première occurrence. La répétition pousse les enfants à se concerter. À la dernière itération, ils répondent au personnage! Pour Joan Mompart, la jeunesse est un public à part entière, à considérer aussi sérieusement qu'une audience adulte. Lorsque certain·e·s lui disent qu'il a le public de demain, il réfute:




    Pas du tout, j'ai le public d'aujourd'hui.




    Une approche active du théâtre



    Fabiana Piacenza est chargée de médiation et des relations scolaires au Service de la culture de Meyrin. Elle se souvient, enfant, de son premier contact avec l'art. Elle a immédiatement plongé dans la pratique artistique en interprétant une pièce de Molière devant ses camarades, dans la grande salle de la cantine scolaire. Un beau souvenir, qui prouve l'impact de l'art sur les jeunes. En tant que médiatrice, Fabiana Piacenza organise des ateliers autour des spectacles, notamment avec les groupes scolaires, en lien avec le système pédagogique. 




    Il faut donner la possibilité aux enfants de se confronter au processus théâtral, c'est très formateur.




    Olivier Mottaz s'intéresse à l'initiation à l'art des enfants, tandis que José Lillo constate la situation des jeunes à travers le monde.

    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 22 mars 2024

    Publiée le 22 mars 2024

    Crédits photo: Agora au Théâtre Am Stram Gram © Ariane Catton

  • Bernie Forster est l’auteur et réalisateur de la web-série House of Switzerland. Inspiré par le temps passé en Angleterre et à New York et par un ami y travaillant au consulat suisse, il explore l'unité qui naît loin de chez soi. Si, à la maison, le Röstigraben semble séparer romands et alémaniques, cette distinction s'estompe lorsque l'on voyage et habite ailleurs. L'anglais relie les Suisses dans l'agence de House of Switzerland et les ressemblances prennent le pas sur les différences:




    Une petite famille se forme.






    ---

    Émission diffusée le 15 mars 2024 sur Radio Vostok, enregistrée au Service de la culture de Meyrin le 23 février 2023

    Publiée le 18 mars 2024

    Crédits photo: Bernie Forster © Ruxi Balea Photography

    Photo de une: House of Switzerland

  • Enseigner et jouer



    L’autrice et comédienne du spectacle The Game of Nibelungen, Laura Gambarini est pentalingue: elle parle cinq langues. Dans son spectacle, le public romand retrouve les bancs de l'école pour du théâtre d'objets, à la découverte ou redécouverte de l'épopée des Nibelungen, classique littéraire allemand. Mime, artiste de rue et professeure d'allemand, elle joue avec le désamour romand pour cette langue apprise durant la scolarité obligatoire. C'est en classe, en expliquant à ses élèves le récit des Nibelungen avec les objets disposés sur la table devant elle qu'elle se voit faire du théâtre. Elle décide alors de faire de cet instant d'enseignement une pièce.



    Une pièce qui traverse les frontières



    Lorsqu'un·e spectateur·rice sort de la pièce en lui affirmant avoir tout compris, mon allemand n'est pas si pourri, Laura Gambarini est touchée. L'appréhension de l'allemand est en partie transmise, en Suisse romande, par les générations précédentes et les romand·e·s ne sont pas toujours conscient·e·s de leur niveau réel. Le public comprend plus qu'il ne l'imagine. Lorsque la pièce est jouée en France, les spectateur·rice·s s'amusent également du lien particulier avec cette langue, tandis qu'en Allemagne, le public rit de bon cœur, grâce à l'humour de situation et à la réinterprétation d'un classique. Le but de l'artiste est atteint: aller à la rencontre des gens.





    ---

    Émission diffusée le 15 mars 2024 sur Radio Vostok, enregistrée au Service de la culture de Meyrin le 23 février 2023

    Publiée le 18 mars 2024

    Crédits photo: The Game of Nibelungen © Vincent Guignet

  • Salut à toi les sinistrés du XXIe siècle, et sache qu’en usant de cette épithète, je ne m’adresse pas par là à une petite communauté de niche, particulièrement dépressive ou pessimiste, mal lunée, ou à celles et ceux qui sont – que pitié leur soit faite - frappés par la guerre ou les catastrophes économiques ou environnementales, par la misère de vivre ou par l’extrême-droitisation des esprits dans leur pays, leur quartier, leurs médias, leur propre cervelle en surchauffe, mais bien à la grande cargaison de vivants embarqués par force mais aussi par consentement, avouons-le nous, dans les soutes mondialisées du capitalisme de prédation, dans ce grand cargo de la perdition commune.



    Masses humaines, à la fois matérielles, combustible de la croissance et vulgaires munitions entassées les unes contre les autres, jusqu’à l’explosion, pâture d’industries mortifères et mensongères à terme obsolètes et dévastatrices. Et nous voguons, avachis la nuit devant des séries génériques, à la poursuite de l’impossible oubli du monde et de la vie, gorgés de simulacres pour solde de tout compte. Et le jour empêtrés dans des besoins consuméristes idiots, nababisés par la marchandise et la pacotille, la quincaille et le clinquant, la sape extravagante, les intelligences de remplacement serviles et les automobiles aux dimensions grotesques et pathétiques.



    Quelle folie.



    Si un article de loi prévoyait la non-assistance à espèces en danger, humaine, animale, végétale, insectoïdale, polypoïdale, tétrapoïdale, nous serions dedans jusqu’au cou. Toutes et tous autant que nous sommes. Au grand Nuremberg des imbéciles, des indigents de l’empathie, des abolitionnistes de l’avenir et du vivant.



    Voyons, pourquoi tant de fougue, de rage si noire? Parce que la communication est devenue la forme d’effacement du réel, de la mise à la marge de la connaissance. Parce que la connaissance est devenue un domaine adverse aux intérêts en cours. Elle est pourtant là, à portée de clic. À portée de livres, la connaissance, comme par exemple ici, dans La Ruée minière au XXIème siècle, de Celia Izoard, récemment paru au Seuil.



    Et que dit-elle, la connaissance? Que la transition vers les énergies décarbonées n’aura pas lieu. Parce que l’extraction des matières premières pour y parvenir, des métaux nécessaires pour passer à l’électrification du système énergétique mondial, à l’hyper-numérique, à l’éolienne, au solaire, à la décarbonation, est elle-même énergivore en énergie carbonée. Polluante. Chimique. Destructrice de l’environnement.



    Parce que tout ce qui nous entoure vient déjà de l’extraction des sous-sols et voyez l’état du monde. Parce qu’en seulement 20 ans, les volumes de métaux extraits dans le monde ont doublé. Parce que dans les 20 années à venir, les entreprises minières veulent produire autant de métaux qu’on en a extraits au cours de toute l’Histoire de l’humanité. Parce que 99,6% de ce qui est extrait est du déchet. Parce que l’extraction dans une grande mine de cuivre, par exemple, nécessite 110'000 mètres cubes d’eau par jour. Parce que les alentours des trois quarts des sites miniers dans le monde sont désormais menacés de sécheresse.



    Parce qu’en 2016, dans le Montana, il a littéralement plu des milliers d’oies sauvages mortes sur la ville pour avoir bu dans un lac, contaminé par une mine de cuivre à ciel ouvert. L’eau n’était pas de l’eau, c’était une mer d’acide pleine de calcium et d’arsenic. Parce que les enfants, là-bas, y développent des cancers du cerveau. Parce que la pollution minière est irréversible.



    Parce que le modèle de la mine à ciel ouvert qui domine aujourd’hui a fait exploser la quantité de déchets. Parce que les pluies qui tombent sur ces déchets drainent des eaux acides et des métaux toxiques et empoisonnent la terre et l’eau. Parce que les mines d’extraction du Chili font fondre les glaciers de la Cordillère des Andes qui sont les châteaux d’eau de l’Amérique du Sud. Parce que les gisements miniers les plus riches sont situés dans les zones préservées de la biosphère.



    Parce que pour électrifier le parc automobile d’un petit pays, comme par exemple l’Angleterre, il faudrait un an de production mondiale de cobalt.



    Parce que les véhicules électriques de deux tonnes ont des batteries de 700 kilos dont 50 kilos de lithium. Parce que dans un smartphone, il faut plus de cinquante métaux. Parce que la mine et le colonialisme sont intimement liés depuis l’Antiquité. Parce que l’intelligence artificielle présentée comme le nouvel Eldorado de la performativité paresseuse nécessite des quantités phénoménales d’extraction minière pour garantir la puissance de calcul de ses data centers et de ses périphériques connectés. Parce que la facture énergétique des data centers est constituée pour ses deux tiers des données du marketing, de la publicité et de la pornographie. Parce que les droits humains sur les sites d’extraction minière sont piétinés avec la même intensité que leurs écosystèmes.



    Au final, je me demande si ce que les médias appellent communément éco-anxiété ne mériterait pas plutôt d’être désigné par l’expression, bien plus appropriée et vitalisante, de bullshitophobie.



    ---

    Émission diffusée le 15 mars 2024 sur Radio Vostok, enregistrée au Service de la culture de Meyrin le 23 février 2023

    Publiée le 18 mars 2024

    Crédits photo: Anne Bouchard

  • Un sujet artistique



    Au cinéma, Ciao-Ciao Bourbine a explosé le Box Office avec 300’000 entrées enregistrées en salle, fin janvier. En 2024, sur une population de 8,7 millions, le chiffre est conséquent. Cette comédie loufoque imagine un résultat de votation qui ferait du français la seule et unique langue nationale. Au théâtre, la plupart des dates du spectacle The Game of Nibelungen – une tentative de réconciliation avec nos cours obligatoires d’allemand – affichent complet. Avons-nous affaire à des exceptions ou les Helvètes seraient-ils en train d’accepter leurs différences?



    Romands et Alémaniques



    Selon Christophe Büchi, auteur du livre Mariage de raison, Romands et Alémaniques, une histoire suisse, le Röstigraben s’estompe. Il relève également que la majorité germanophone n’a pas trop de problèmes avec ses compatriotes francophones et observe une sorte d’indifférence plutôt bienveillante à leur égard. Ce sont les Welches qui se méfient d’avantage. Le politologue René Knüsel confirme ce dernier point en expliquant que, face à une domination systémique, ceux-ci ont l’impression que leur destin leur échappe.



    La difficulté de la langue



    L’humour suffira-il à nous réunir? Un autre élément rassembleur, en tous cas pour les jeunes générations, est l’anglais. Mais si les deux côtés de la Sarine aiment échanger par ce biais, qu’adviendra-t-il de notre multiculturalisme? L’autrice et comédienne du spectacle The Game of Nibelungen, Laura Gambarini est pentalingue: elle parle cinq langues. Dans son spectacle, le public romand retrouve les bancs de l'école pour du théâtre d'objets, à la découverte ou redécouverte de l'épopée des Nibelungen, classique littéraire allemand. Lorsqu'un·e spectateur·rice sort de la pièce en lui affirmant avoir tout compris, mon allemand n'est pas si pourri, Laura Gambarini est touchée et fière d'atteindre son but: aller à la rencontre des gens.





    Se réunir en-dehors de la Suisse



    Bernie Forster est l’auteur et réalisateur de la web-série House of Switzerland. Inspiré par le temps passé en Angleterre et à New York et par un ami y travaillant au consulat suisse, il explore l'unité qui naît loin de chez soi. L'anglais relie les Suisses à l'étranger et c'est là que les ressemblances prennent le pas sur les différences. Candice Savoyat s'intéresse au folklore et légendes qui font peur aux enfants par-delà le Röstigraben, comme la Femme de la nuit. Quant à José Lillo, il fait un état des lieux du bilan écologique des industries de l’extraction minière.



    ---

    Émission diffusée le 15 mars 2024 sur Radio Vostok, enregistrée au Service de la culture de Meyrin le 23 février 2023

    Publiée le 18 mars 2024

    Crédits photo: Ciao Ciao Bourbine © DCM Film Distribution

  • Le Röstigraben. Alors moi clairement, je suis plus rösti que graben. C’est-à-dire que j’aime bien Berlin, mais la comparaison s’arrête là. Par contre, j’adore l’expression. Parler de bouffe dans une métaphore sur une barrière politique remontant à la Première Guerre mondiale: génial. C’est très imagé en plus. À chaque fois que je vais à Berne, je me dis que je vais avoir des patates et du saindoux dans les cheveux.



    Donc, il existe des différences culturelles entre la Suisse romande et la Suisse alémanique. Et une expression a été créée pour nous le rappeler. Dans l’Atlas du folklore suisse, qui a été écrit en allemand, on parle des différentes perceptions des légendes.



    Pour faire peur aux enfants, oui c’était avant l’éducation positive, en Suisse romande, on parle du Loup, du Gendarme ou du Ramoneur. Des choses concrètes. En Suisse alémanique, on évoque la chouette, ok ça fait super peur, et des créatures légendaires comme l’Homme au crochet ou la Femme de la nuit.



    Attendez, la quoi? La femme de la nuit, sérieusement? Olala je sens que cette histoire va me plaire! Nachtfräuli. Littéralement la jeune fille de la nuit. C’est une créature mystérieuse qui apparaît la nuit pour orienter les personnes perdues dans les bois. Alors déjà, je ne vois pas en quoi être une jeune femme, c’est être une créature mystérieuse. Ensuite, qu’est-ce qu’elle fait la nuit toute seule dans les bois? Chelou.



    Et en plus de ça, elle a une sorte de double personnalité. Soit elle est gentille et protectrice et elle aide les voyageurs égarés à retrouver leur chemin, voire même elle leur paie l’apéro tranquille. Soit elle est mauvaise et fourbe et elle donne des fausses indications et joue des mauvais tours.



    Ah oui, et aussi je ne vous ai pas dit, mais elle est belle. Longs cheveux noirs, yeux brillants, c’est une pub pour l’Oréal en fait. Enfin plutôt Twilight. Jeune, mystérieuse et séduisante. Sacré programme.



    Ok et après il se passe quoi? Justement, on ne sait pas trop. C’est-à-dire que c’est une légende orale du folklore suisse allemand. Donc clairement, on n’a pas toutes les infos. Mais la question que je me pose c’est: pourquoi est-ce qu’on raconte l’histoire d’une jeune femme seule dans la forêt la nuit pour faire peur aux enfants? C’est quoi le message? Pourquoi est-ce qu’on se sert des stéréotypes de genre dans un conte à visée éducative? Pourquoi cette dualité? La figure bienveillante de la féminité protectrice et nourricière, aka la maman, versus la séductrice dangereuse, capricieuse et instable, aka la putain. Ah ouais, il est beau le monde binaire. C’est facile à retenir ça les enfants. Le bien, le mal, tu choisis ton camp.



    Alors oui je sais, c’est une autre époque, une autre culture, et puis de toute façon c’est de la fiction! Mais quand même. Ok pour donner plus de place aux personnages féminins dans la mythologie. Mais pour en faire quoi? Des fées, des sorcières ou des déesses? Super le choix. Alors que les mecs sont des héros, des chevaliers, des Robin des Bois?




    C’est quoi la morale de cette chronique? Je crois que c’est la même que celle de l’histoire de la femme de la nuit, il n'y en a pas vraiment. Ou du moins, on ne la comprend pas tout de suite. Peut-être qu’on reste sur la version romande du gendarme. Quel meilleur exemple pour incarner la peur aux yeux des enfants?




    ---

    Émission diffusée le 15 mars 2024 sur Radio Vostok, enregistrée au Service de la culture de Meyrin le 23 février 2023

    Publiée le 18 mars 2024

  • Intéresser différents publics



    Responsable de la Bibliothèque du Forum Meyrin depuis 1999, Cédric Pauli revient sur cet aspect du travail de bibliothécaire. De nombreux prêts concernent aujourd'hui les 2 à 8 ans, accompagnés par les familles ou les crèches. Il est plus difficile d'atteindre les adultes, notamment dans le domaine documentaire. Sciences sociales ou naturelles, les adultes ne semblent pas chercher ces informations sur place, mais plutôt en ligne, alors que les essais s'écoulent en librairies. C'est donc l'un des défis des médiateur·rice·s culturel·le·s, mais pas le seul.



    Établir une connexion avec les enjeux sociétaux



    L'exploration de sujets sociétaux en est un autre, avec l'apprentissage de la tolérence dès le plus jeune âge par exemple. La drag-queen Tralala Lita est venue en septembre dernier lire des contes évoquant des personnages différents et fiers de l’être dont le mantra est paix et amour. De nombreuses autres activités sont à découvrir dans le programme de la Bibliothèque du Forum Meyrin.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 1er mars 2024

    Publiée le 11 mars 2024

    Crédits photo: Jade Bouchet

  • Salut à toi, la militante pour tes droits,

    Salut à toi la sororité,

    Salut à toi la libération de la parole et la rage d’exister en tant que toi, sans subordination à qui que ce soit, sans la tutelle patriarcale, en ta pleine intégrité de femme.



    Du haut des sphères de je-ne-sais-où, on te dédie aujourd’hui, dans le monde, une journée. Aujourd’hui, vois-tu, tu as le droit d’avoir des droits, de le dire et de le faire savoir. La gentillesse du monde est à son comble avec toi aujourd’hui. Oh, on ne la confond plus cette journée avec l’invitation galante à ne pas oublier de te dire qu’on t’aime en ce jour qui t’est dédié ou à t’offrir un bouquet de fleurs, allez, soyons fous, à te sortir au resto le soir pour t’épargner une fois par an la vaisselle et la pitance de tes proches.



    Non, on ne la confond plus ta journée, comme c’était le cas il y a peu encore. Avant ton moi aussi qui a déferlé sur le web en nous mouillant les yeux de larmes devant la régularité et l’ampleur des assauts qui te sont faits, avec la journée mondiale de la galanterie masculine qui d’ailleurs n’existe pas.



    Il y a 661 journées de répertoriées sur le site des journées mondiales, c’est plus qu’il n’y a de jours dans l’année. La tienne est là quelque part, entre la journée mondiale de la licorne et celle de la procrastination. Il y a même une journée mondiale du jardinage nu et du panda roux, mais il n’y a pas de journée internationale des droits des hommes. C’est un fait semblerait-il acquis.



    Une fois encore, tu vas te déployer dans les rues, dresser ton pavillon pourpre à têtes de mortes, à têtes d’assassinées, à têtes de violentées et de violées. Rassembler ta force en des lieux précis, dans le plein-centre de nos villes affairées. Et pour ce qui est de Genève, la ville internationale des droits humains piétinés, des conventions internationales pour la parade, tu vas hurler 11 minutes durant. La durée exacte d’un viol qualifié de court par le Tribunal fédéral d’un pays doté, paraît-il, du plus haut degré de démocratie dans le monde. Dans ce même monde qui informe dans ses médias, après enquête auprès de centaines de couples à travers tous les continents, que la durée moyenne mondiale d’un rapport sexuel est de 5 minutes. 5 minutes de sexualité consentie d’un côté, contre 11 minutes de viol de l’autre. Et ce sont ces 11 minutes que la justice de ce pays qualifie de courtes. Ce qui est court, c’est la teneur de ce jugement, comme on disait autrefois, pour dégonfler de sa suffisance une paresse de raisonnement: C’est un peu court, Monsieur. Court comme le chemin que parcourt l’influx nerveux d’un neurone à l’autre pour aboutir à ce type de verdict de la part de la plus Haute Cour de justice du pays. Après quoi, on peut toujours rouspéter et s’inquiéter dans l’espoir vain de sauver les apparences de ce que ces affaires ne sont pas justiciables de l’opinion publique, mais des seuls magistères de juges assermentés. Une fois encore, c’est un peu court, Monsieur.



    Un terme de grec ancien vient ici tout éclairer et faire rendre gorge aux abus d’autorité. Le Nómos: la coutume. Dont la loi se doit d’être la forme écrite. Le Nómos s’oppose à la loi du législateur en tant qu’il est le droit qui préexiste à la loi. Le droit qui préexiste à la loi, c’est celui de ne pas se faire violer. C’est celui de ne pas être réduite à un objet de chair dont on dispose à son gré, avec ses doigts sales, ses paroles crapuleuses et ordurières, sa contrainte par la force. L’autorité du jugement d’une cour de justice est créditée parce qu’elle applique une loi présumée exister en-dehors d'elle et fondée sur l’opinion diffuse de ce qui est juste. C’est seulement à cette condition qu’un groupe humain peut vivre en commun, selon des règles communes, dans la catégorie de relations ordonnées que nous appelons société. Sans ces relations ordonnées par la justice fondées sur ce qui est juste, le Nómos, nous ne faisons pas société.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 8 mars 2024

    Publiée le 11 mars 2024

    Crédits photo: Anne Bouchard

  • Une création sonore



    Le podcast en trois épisodes L’Inconnue du Rhône est l’un des lauréats du dernier appel à projets de Radio Bascule et évoque un fait divers énigmatique, la découverte dans le Rhône, en 1978 à Saillon, d’un corps de femme sans tête. Sara Dutch est l'autrice de ce podcast réalisé avec le concours d’Aline Bonvin. Active dans la culture, dans le cinéma, la télévision et le documentaire, Sara Dutch débute dans la radio au sein de la première équipe de Fréquence Banane et retrouve la création sonore à l'occasion de cet appel à projets, pour faire la lumière sur un fait divers.



    Saillon, le Rhône et Farinet



    Tout part d’un fait divers. D’un corps décapité et passablement décomposé, charrié par le Rhône jusqu’à Saillon où il échoue, un beau jour de 1978. Or, à Saillon, il n’y a pas que des cadavres morcelés ou des bains thermaux. Il y a aussi la mémoire d’un des plus célèbres hors-la-loi de l’histoire suisse, le faux-monnayeur Farinet, qui fut abattu en 1880 non loin de là par la police – ou alors qui, dans sa fuite, a fait une chute mortelle dans les gorges de Salentse. C’est donc à Saillon que les Amis de Farinet cultivent le souvenir de ce Robin des Bois à la sauce helvète, et à Saillon que se trouve la vigne à Farinet, la plus petite vigne du monde et probablement l’une des plus connues.



    L'Inconnue du Rhône



    Mais alors, qu’est-il bien passé par la tête de Pascal Thurre, l’âme des Amis de Farinet pendant des décennies, pour décider d’offrir à la morte anonyme repêchée à Saillon une sépulture dans le cimetière communal et d’organiser chaque année, pendant plus de vingt ans, une cérémonie en son honneur? Sait-on qui était cette femme? Pourquoi a-t-elle fasciné les émules de Farinet et de pas mal d’artistes au passage? Et qu’est-ce que cela dit, au fond, de notre rapport à la mort, à l’anonymat, à la féminité?




    Quand une figure devient un mythe, on oublie vite qu’il s’agit d’une vraie personne.




    Avec ce podcast, Sara Dutch souhaite ramener la personne, l'être humain, la femme, au centre de la discussion. José Lillo, dont la mine parfois ombrageuse et terrible cadre assez bien avec le thème du podcast, plaide pour qu’à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, une extension de l’attention leur soit faite.



    Du côté de l’Inconnue, on retiendra peut-être que les morts en disent beaucoup sur les vivants. Et qu’une morte anonyme au corps martyrisé peut servir de surface de projection – projection du deuil pour des familles sans nouvelles d’un proche disparu ou projection de fantasmes marchands ou romantiques, parfois à la limite de la mégalomanie, fruits d’un regard masculin qui s’empare d’un corps anonyme.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 8 mars 2024

    Publiée le 8 mars 2024

    Crédits photo: L'Inconnue du Rhône © Marie Bidaut

  • Marie-Eve: Dans notre équation du jour, bibliothèques + livres + futur = quoi?, il y a zéro inconnue, puisque la réponse sera toujours Olivier. Oui, notre Olivier Mottaz, que nous payons en vieux livres de poche aux pages jaunies tant il est fétichiste. Bon, d’après son titre du jour, Bienvenue en enfer, j’ai l’impression que son fétichisme se teinte de mélancolie. Alors Olivier, encore une chronique pour déplorer que les écrans vont tuer le livre papier et le vouer à la damnation éternelle?



    Ah mais alors... Pas du tout. En aucun cas. Aujourd’hui, je ne déplore rien, je célèbre! Aujourd’hui, je dis: bienvenue en enfer! Ou plutôt devrais-je préciser: bienvenue dans les enfers, car en effet, dans ce domaine, chaque bibliothèque a ou avait le sien, comme la Réserve du Directeur dont parle Lucie Eidenbenz dans son reportage. Chaque disque dur aussi je parie. Et même, tenez, soyons fous, chaque conscience. Ah les enfers! Cette zone de quarantaine pour livres problématiques, ce sous-fichier crypté où l’on planque ses échanges Tinder et ses codes d’accès les plus honteux, ce lieu de notre psyché qui est comme un tapis sous lequel glisser la poussière des affects... Eh bien je le clame avec force et conviction: Sartre était une tanche, l’enfer ce n'est pas les autres, l’enfer, il est en nous. C’est une citadelle mentale qu’il convient de prendre d’assaut, une Bastille à abattre ou peut-être simplement le rayon secret d’une bibliothèque. L’enfer c’est toi, l’enfer c’est moi et vive l’enfer!



    M.-E.: Bon Olivier, on t’avait pourtant interdit le metal ces derniers temps. C’est quoi alors cette humeur dark?



    Non mais attends, il faut voir le tableau complet. Tu ne trouves pas les gens un peu délicats sur les bords, de nos jours? Un peu susceptibles? C’est une épidémie de douillets. Tiens, pour preuve, tu as peut-être noté que certains carrefours de notre riante cité étaient dotés a. de passages piétons; b. de feux de circulation; et même c. de patrouilleuses scolaires à certains moments de la journée. C’est parlant, non?



    M.-E.: P... Parlant de quoi? Le lien entre enfer et prévention des accidents n'est pas d’une clarté biblique.



    Ah je t’arrête, pas d’accord! Le lien saute aux yeux. Si Jean-Eudes, Kevin ou Josette ont besoin, en plus des GROSSES bandes jaunes des passages piétons et des feux de circulation avec de la vraie lumière électrique dedans, qui illumine des silhouettes rouges, oranges ou vertes nous indiquant si l'on peut traverser ou pas, bref si Jean-Eudes, Kevin ou Josette ont besoin en plus de tout ça de patrouilleuses scolaires pour ne pas finir en smoothie sous les roues d’une bagnole, tu veux savoir Marie-Eve? Je ne donne pas cher de leur peau. La vie va les bouffer tout crus et ne recrachera même pas les os. Là, à ce stade, tu as deux possibilités, je m’adresse aux parents. 1. L’euthanasie, pour abréger les souffrances de l’espèce d’angelot éthéré, frétillant et craintif que vous avez enfanté; 2. L’éducation par les enfers. CQFD.



    M.-E.: Oui ben on n’est pas plus avancés pour autant. Pour quoi faire, tes enfers?



    Pour parfaire sa connaissance du monde et des humains qui le peuplent, pardi. Tu vois, mes premiers émois de lecteur ont souvent eu pour théâtres les enfers des bibliothèques paternelle et grand-paternelle. C’est dans le galetas de mon grand-père que je suis tombé, un soir d’été, sur une collection, bien planquée au fin fond d’une armoire, de numéros de Hara-Kiri gorgés de grossièretés, d’irrévérence et de sexualité débridée. Et c’est dans les recoins de la bibliothèque de mon père que je suis allé piocher, très tôt, trop jeune sans doute, les premiers San Antonio et les premiers SAS... En quelques temps, je découvrais la violence, les meurtres, l’argot, la démesure, le cul, le suspense, l’humour! J’étais mûr ensuite pour dévorer Stephen King et tous ses épigones.



    M.-E.: Et donc? C’est Stephen King qui t’a appris à respecter le code de la route, peut-être?



    Mais tsss quel mauvais esprit Marie-Eve, j’adore. Non, je ne dis pas ça. Je dis simplement qu’un gosse biberonné aux ouvrages tirés des enfers, il sait que derrière la flaque d’huile au milieu de l’étang se cache peut-être une créature sanguinaire; il sait que les bouches d’égout peuvent abriter des clowns tueurs; il sait que même les voitures peuvent être hantées et que les gens sont bien souvent timbrés, inattentifs, dangereux, manipulateurs. Par conséquent, un tel gosse, il n'aura pas besoin en plus d’une patrouilleuse scolaire pour éviter de se prendre une voiture dans le buffet quand il traverse la route! Il est sur ses gardes, le minot, il n'a pas besoin d’un chaperon à chasuble phosphorescent pour le tirer d’affaire! Quant à Kevin, Jean-Eudes et compagnie, c’est simple: placez-les sur le trottoir d’une rue à Naples et demandez-leur de la traverser. Les bouts d’enfants que vous récolterez de l’autre côté auront valeur de démonstration: il fallait nourrir vos petits d’autre chose que de Peppa Pig, de contes gentils et de classiques aseptisés de la littérature enfantine.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 1er mars 2024

    Publiée le 5 mars 2024

  • Développer des services numériques



    Selon le dernier rapport émis par le Département de la culture et de la transition numérique de la Ville de Genève sur la fréquentation des Bibliothèques Municipales, le nombre de visites sur place en 2022 est inférieur de 20% à la période avant-pandémie. En revanche, l’offre en ligne s’est développée et sa consultation est en constante augmentation. En plus des livres numériques, de la presse, de la musique ou des formations accessibles sur leur site, leur service de renseignements à distance remporte un franc succès. Son nom: Interroge.



    Répondre aux interrogations du public



    Florent Dufaux est responsable du service Interroge aux Bibliothèques Municipales et Susana Cameàn en est la coordinatrice. Le service promet une réponse aux internautes sous les 72 heures. Une équipe de mains humaines récupère les interrogations des genevoises et genevois, les traite et les redirige au besoin vers les services concernés par le sujet. Contrairement à l'intelligence artificielle parfois critiquée pour sa subjectivité, le service Interroge respecte une charte, évitant ainsi de donner d'opinions personnelles, de réaliser les devoirs d'étudiant·e·s ou encore de présenter des expertises.



    Un reflet des enjeux locaux



    Les interrogations abordent de nombreux sujets. Certaines apportent déjà un soupçon de réponse ou un avis sur la question, elles nécessitent un recadrage et des explications précises. D'autres n'attendent qu'un vrai ou faux.



    - Le CO2 influe-t-il sur la température terrestre?

    - Pourquoi est-il plus simple de s'exprimer oralement que par écrit?

    - Le mot virilité a-t-il un équivalent féminin?



    Les statistiques des questions les plus consultées peuvent être révélatrices des préoccupations genevoises, comme par exemple les questionnements touchant au droit du bail.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 1er mars 2024

    Publiée le 4 mars 2024

    Crédits photo: Interroge

  • Kesako? Une centaine de livres censurés par le Directeur et mis dans une réserve interdite à la consultation, à moins d’obtenir une autorisation spéciale bien argumentée. Mais que contenaient donc ces livres? Agnes Motisi, conservatrice de la collection générale nous révèle quelques secrets de la bibliothèque... Un reportage de Lucie Eidenbenz.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 1er mars 2024

    Publiée le 4 mars 2024

    Crédits photo: Lucie Eidenbenz

  • Des bibliothèques dans l'air du temps



    Selon le dernier rapport émis par le Département de la culture et de la transition numérique de la Ville de Genève sur la fréquentation des Bibliothèques Municipales, le nombre de visites sur place en 2022 est inférieur de 20% à la période avant-pandémie. En revanche, l’offre en ligne s’est développée et sa consultation est en constante augmentation. En plus des livres numériques, de la presse, de la musique ou des formations accessibles sur leur site, leur service de renseignements à distance remporte un franc succès. Son nom: Interroge.



    Répondre aux interrogations du public



    Des bibliothécaires, caché·e·s derrière, répondent aux questions des internautes. Florent Dufaux est responsable du service Interroge aux Bibliothèques Municipales et Susana Cameàn en est la coordinatrice. Le service promet une réponse aux internautes sous les 72 heures. Toutes les questions sont traitées, aucune n'est laissée de côté. Une équipe de mains humaines récupère les interrogations des genevoises et genevois, les traite et les redirige au besoin vers les services concernés par le sujet. Contrairement à l'intelligence artificielle parfois critiquée pour sa subjectivité, le service Interroge respecte une charte, évitant ainsi de donner d'opinions personnelles, de réaliser les devoirs d'étudiant·e·s ou encore de présenter des expertises. Les statistiques des questions les plus consultées peuvent être révélatrices des préoccupations genevoises, comme par exemple les questionnements touchant au droit du bail.



    La médiation culturelle au cœur de la vie des bibliothèques



    Aujourd’hui, 44% de la population suisse fréquente les bibliothèques. Est-ce qu’un nouveau public se laissera convaincre? Les activités de médiation, en rapport avec l’actualité pour certaines, se multiplient au sein de ces établissements. Leur rôle social est primordial. Responsable de la Bibliothèque du Forum Meyrin depuis 1999, Cédric Pauli revient sur cet aspect du travail de bibliothécaire. De nombreux prêts concernent aujourd'hui les 2 à 8 ans, accompagnés par les familles ou les crèches. Il est plus difficile d'atteindre les adultes, notamment dans le domaine documentaire. Sciences sociales ou naturelles, les adultes ne semblent pas chercher ces informations sur place, mais plutôt en ligne. C'est donc l'un des défis des médiateur·rice·s culturel·le·s, mais pas le seul. L'exploration de sujets sociétaux en est un autre, avec l'apprentissage de la tolérence dès le plus jeune âge par exemple.



    Les secrets des bibliothèques



    Lucie Eidenbenz s’est intéressée aux Enfers des bibliothèques, notamment à la Réserve du Directeur de la BGE, qui existait jusqu’en 2013, il y a tout juste 11 ans. Une centaine de livres censurés par le Directeur et mis dans une réserve interdite à la consultation, à moins d’obtenir une autorisation spéciale bien argumentée. Mais que contenaient donc ces livres? Agnes Motisi, conservatrice de la collection générale, révèle quelques secrets de la bibliothèque. Olivier Mottaz, grand lecteur, rebondit sur l'Enfer et la lecture pour aborder la délicatesse et la susceptibilité de certain·e·s.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 1er mars 2024

    Publiée le 4 mars 2024

    Crédits photo: Gabriel Sollmann © Unsplash

  • Les dames d’Alma. Tout de suite, ça me parle, parce qu’il y a le mot dame. Bon ok, je n'irai pas jusqu’à dire que je me reconnais dans cette dénomination des femmes de haute naissance, des ménagères de plus de 50 ans ou des pions sur un damier. Même si clairement, je me sens plus proche de la dernière option. Les dames donc, ça m’intéresse, parce que ça parle de femmes.



    Alma par contre, ça me parle moins. Petite bourgade québécoise de 20'000 habitants à l’époque, dans la région de Saguenay-Lac-Saint-Jean, à 230 kilomètres au nord de Québec. On est en 1965. C’est la guerre du Vietnam, Malcom X a été assassiné et Christophe chante Aline. Et à ce moment-là au Québec, ça fait déjà quelques temps que l'on ensemence les nuages pour créer de l’eau et de l’électricité. Ça se fait un peu en soum soum entre le gouvernement et une entreprise la Weather Engineering Corporation. À l’époque, il n'y a pas Médiapart, donc les mecs sont tranquilles, ils peuvent décider comme ils veulent de faire la pluie et le beau temps. Littéralement.



    Tout se passe bien pour ce boys club de la déréglementation climatique, jusqu’au jour ou un autre boys club se manifeste: les agriculteurs. Pas contents, car trop de pluie sur leurs exploitations égal moins de rendement. Manifestations, demandes de dédommagement financier à hauteur de millions. Et là, magie de la diplomatie masculine, on trouve un accord. Le gouvernement autorise trois mois de soleil par an. Attends. Elle est tellement dingue cette phrase que je vais la refaire. Le gouvernement autorise trois mois de soleil par an. Mais dans quel monde on vit?



    Là où ça commence à devenir intéressant, c’est qu’il y a un journaliste qui publie un calendrier avec les jours de soleil et les jours de pluie. Histoire de savoir si on doit sortir le K-Way ou les lunettes de soleil. Pratique. C’est là qu’on arrive à Alma. Jeannine Simard, almatoise de 33 ans, découvre le calendrier et pète un cable. Elle va voir sa voisine, Georgette Geogrief. Ensemble, elles décident d’agir et lancent une pétition. C’est le carton plein, 60'453 signatures de femmes en deux heures.



    Parce que oui, cette révolte-là, elle va se faire sans les hommes. Parce que ce sont eux qui jouent à foutre le bordel dans le ciel pour savoir qui a la plus grosse. Elles lancent l’opération parapluie et elles sortent manifester dans les rues, parapluie ouvert, pour que l'on arrête de faire joujou avec la pluie et que l'on respecte un peu plus mère nature s’il vous plaît.



    Jeannine et Georgette sont en train de devenir des stars. On les appelle les Dames d’Alma.  Elles partent à Montréal, au Ministère des ressources naturelles. Il y avait pourtant un indice dans le nom du ministère. C’est ressources naturelles pas ressources naturelles manipulées par les hommes. Mais bon, apparemment, il n'y a même pas de respect pour le nom de leur propre ministère.  



    Et là, gros paternalisme du Ministre: naaaaaaan mais les filles vous êtes sympas avec vos parapluies, mais vous savez pas de quoi vous parlez, c’est une affaire d’hommes, de politiciens, de scientifiques. Il refuse de transmettre les données sur l’ensemencement des nuages. Du coup, elles se cachent dans les toilettes du Ministère et ressortent la nuit pour trouver les documents. Elles balancent tout à la presse.



    Gros scandale. La pluie artificielle devient l’ennemi public numéro 1. La cause de tous les maux. Baisse du tourisme, fermeture des piscines, chute des ventes de casquettes. Mais surtout, l’impact de l’iodure d’argent sur la santé des enfants et de la population. En plus de les empêcher d’aller faire des longueurs dans un bassin, on les empoisonne!



    Tout le monde s’en mêle, ça ne devient plus qu’une bataille de femmes. Se crée un mouvement anonyme qui appelé les Fils du Soleil, carrément. Les mecs, ils n'ont pas peur des mots. Ils se veulent francs-tireurs des machines à pluie. Ce sont un peu les terroristes des faux nuages. Ils envoient des menaces de mort aux opérateurs des vaporisateurs d’iodure d’argent, ils disent attention il va y avoir du sang, des explosions, du feu. On est clairement dans un mauvais film. Ils sabotent deux machines. En fait, c’étaient des instruments météos du ministère. Bravo les mecs. Tout ça pour ça.



    Résultat des courses, le Ministre cède et annonce l’arrêt de l’ensemencement des nuages. Seulement six semaines de révolte et Jeannine, Georgette et les autres arrivent à leurs fins. Par contre, la loi met cinq ans à arriver. Ils auraient dû engager les Dames d’Alma au Ministère des ressources naturelles, ça aurait été plus rapide.



    Morale de l’histoire, laissez faire les femmes, c’est plus efficace, il y a moins de morts et la planète vivra un peu plus longtemps.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 16 février 2024

    Publiée le 21 février 2024

  • L'atelier imaginé par Mathieu Simonet est expliqué par Jean-Luc Riesen, autre médiateur culturel du Service de la culture de Meyrin. Une aventure à la fois poétique, politique et historique!



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 16 février 2024

    Publiée le 20 février 2024

    Crédits photo: Rachel Maisonneuve

  • Mathieu Simonet est l’initiateur du projet d’Observatoire et de Journée internationale des nuages. Auteur de La fin des nuages, il revient sur son passé d'avocat, son changement de voie, ainsi que sur ce qui l'a mené à s'intéresser aux nuages, dans une approche aussi poétique que politique. N'abandonnant pas son implication juridique dans ses projets actuels, Mathieu Simonet entend utiliser l'outil qu'est le droit, le rendre démocratique pour aider les gens à se l'approprier:




    Un écrivain peut créer une passerelle entre les deux.




    Laurent Deguillaume, physicien du CNRS travaillant au Laboratoire de météorologie physique, explique l'étendue de son sujet de recherche depuis plus d'une vingtaine d'années. L'étude des nuages peut nous en apprendre beaucoup sur le plan météorologique, mais l'observation de leur composition peut également surprendre. À l'intérieur des nuages, il y a de la vie: des micro-organismes qui contribuent à leur formation et peuvent modifier leur composition.



    ---

    Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 16 février 2024

    Publiée le 19 février 2024

    Crédits photo: Mathieu Simonet