Avsnitt

  • Ce geste universellement compris — lever le majeur en repliant les autres doigts — est aujourd’hui un symbole grossier et insultant. Mais quelle est son origine ? À quand remonte-t-il vraiment ? Pour le savoir, il faut remonter… très loin.


    Les historiens s’accordent à dire que le doigt d’honneur est l’un des gestes obscènes les plus anciens de l’histoire. On en retrouve des traces dans l’Antiquité. Chez les Grecs déjà, au IVe siècle avant notre ère, le philosophe Diogène de Sinope l’utilisait pour se moquer ou provoquer ses interlocuteurs. Le geste, appelé katapygon, visait clairement à représenter un symbole phallique. Le majeur dressé était vu comme la représentation d’un sexe masculin tendu, les doigts repliés suggérant les testicules. Une manière directe et visuelle d’insulter.


    Les Romains ont hérité de cette coutume. Chez eux, le geste était connu sous le nom de digitus impudicus — littéralement, le "doigt sans pudeur". Il avait la même connotation sexuelle et servait à marquer le mépris ou à offenser quelqu’un. On le retrouve mentionné dans plusieurs textes latins, preuve de sa large diffusion.

    Et après l’Antiquité ? Le geste n’a jamais complètement disparu. Il a traversé les siècles, souvent associé aux classes populaires et aux comportements jugés vulgaires. Mais son retour en force dans la culture contemporaine est plus récent.


    Contrairement à une légende tenace, le doigt d’honneur ne vient pas des archers anglais de la guerre de Cent Ans. Cette histoire raconte que les archers anglais faisaient le geste pour narguer les Français, qui leur coupaient l’index et le majeur s’ils étaient capturés. Mais cette anecdote est largement apocryphe : aucun document médiéval sérieux ne la confirme.


    Le doigt d’honneur tel qu’on le connaît aujourd’hui s’est surtout popularisé au XXe siècle, avec l’émergence de la culture de masse. Dès les années 1920-30, on retrouve des clichés de boxeurs ou de gangsters américains utilisant le geste. Puis, avec le rock’n’roll, le cinéma et la télévision, il devient un signe de rébellion et de provocation universellement compris.


    En résumé : le doigt d’honneur est un geste vieux de plus de deux millénaires. Né dans la Grèce antique, codifié chez les Romains, il a survécu à travers les âges pour devenir ce symbole de défiance que l’on retrouve aujourd’hui sur tous les continents. Un simple doigt levé… mais chargé de 2 400 ans d’histoire.

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • La question semble presque insensée. Qui, en pleine Seconde Guerre mondiale, choisirait délibérément de se faire enfermer dans l’un des camps les plus terrifiants du régime nazi ? Pourtant, c’est exactement ce qu’a fait Witold Pilecki, officier de l’armée polonaise et membre de la résistance.


    L’histoire débute en 1940. La Pologne est écrasée sous l’occupation allemande. À Varsovie, des rumeurs circulent : à environ 50 kilomètres de là, un nouveau camp, appelé Auschwitz, aurait été ouvert. Officiellement, il s’agit d’un camp pour prisonniers politiques. Mais des échos plus sinistres commencent à émerger. Le commandement de l’Armée secrète polonaise cherche alors un volontaire pour pénétrer ce camp et en rapporter des informations fiables.


    Witold Pilecki se porte volontaire. Officier de carrière, profondément patriote, il est convaincu que seule la connaissance précise de ce qui se passe à Auschwitz permettra à la résistance et aux Alliés de réagir. En septembre 1940, il se fait délibérément arrêter lors d’une rafle à Varsovie, sous une fausse identité. Direction Auschwitz.


    Ce qu’il découvre dépasse l’horreur. Conditions de vie inhumaines, travail forcé, exécutions sommaires, famine, maladies… Dès l’intérieur du camp, Pilecki organise un réseau clandestin de résistance, le ZOW (Związek Organizacji Wojskowej). Ce réseau collecte des renseignements, prépare des sabotages et, surtout, transmet des rapports détaillés vers l’extérieur via des contacts infiltrés. Ce sont les premiers témoignages crédibles sur les atrocités d’Auschwitz qui parviennent à Londres.

    Pendant près de trois ans, Pilecki survit et documente l’enfer. Mais en 1943, constatant qu’un soulèvement interne reste irréalisable sans aide extérieure, il décide de s’évader. Après une évasion rocambolesque, il reprend le combat dans la résistance polonaise.


    Après la guerre, le sort de Pilecki reste tragique. Opposé au nouveau régime communiste installé en Pologne, il est arrêté en 1947 par la police politique. Accusé de conspiration, il est condamné à mort et exécuté en 1948. Pendant des décennies, son histoire est étouffée.


    Aujourd’hui, Witold Pilecki est reconnu comme l’un des héros les plus courageux de la Seconde Guerre mondiale. Son incroyable sacrifice volontaire a permis au monde de prendre conscience, dès 1941-42, de la véritable nature d’Auschwitz. Un geste de bravoure rare, qui force encore le respect.

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • Saknas det avsnitt?

    Klicka här för att uppdatera flödet manuellt.

  • Au cœur de l’Édimbourg du début du XIXe siècle, l’université de médecine connaît un essor fulgurant. Les étudiants affluent pour suivre les cours des plus grands anatomistes. Mais il y a un problème : la loi écossaise autorise seulement l’utilisation des cadavres de condamnés à mort pour les dissections. Bien trop peu pour répondre à la demande grandissante des écoles de médecine. C’est dans ce contexte que s’installe un marché noir macabre : le trafic de cadavres.


    C’est là qu’entrent en scène William Burke et William Hare. Les deux hommes se rencontrent en 1827 à Édimbourg. Hare tient une modeste pension de famille. Un jour, un de ses pensionnaires meurt brutalement, laissant une dette impayée. Plutôt que d’alerter les autorités, Burke et Hare décident de vendre le corps à un certain docteur Robert Knox, éminent professeur d’anatomie. Knox leur offre une belle somme pour ce cadavre tout frais. L’idée fait son chemin : pourquoi attendre les morts naturelles quand on peut... provoquer la mort ?


    Le duo sombre alors dans une spirale criminelle. Leur méthode est simple et redoutablement efficace : attirer des victimes isolées, souvent des mendiants ou des prostituées, dans la pension, les enivrer, puis les étouffer — une technique baptisée plus tard le "Burking", qui ne laisse pas de traces visibles. Ensuite, les corps sont vendus à Knox, qui ferme volontairement les yeux sur l’origine douteuse de ses précieuses fournitures.


    En moins d’un an, Burke et Hare assassinent au moins 16 personnes. Mais leur série macabre finit par éveiller les soupçons. En novembre 1828, le corps d’une de leurs victimes, Margaret Docherty, est découvert dissimulé dans la pension. La police intervient.


    Lors du procès retentissant, Hare passe un accord : il témoigne contre son complice en échange de l’immunité. Burke, lui, est condamné à mort. Il est pendu en janvier 1829 devant une foule immense. Ironie du sort : son propre corps est ensuite... disséqué publiquement par les médecins d’Édimbourg.


    Quant au docteur Knox, bien qu’il ne soit jamais poursuivi, sa réputation est irrémédiablement ternie. L’affaire provoque un tollé en Écosse et en Grande-Bretagne. En 1832, une nouvelle loi sur l’anatomie est votée : désormais, les hôpitaux peuvent utiliser les corps non réclamés des pauvres, mettant fin au sinistre commerce des "résurrectionnistes".


    Ainsi se clôt l’histoire glaçante de Burke et Hare — deux hommes ordinaires devenus serial killers par appât du gain, dans une ville fascinée... par la science du corps humain.

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • C’est l’une des plus célèbres histoires d’amour tragiques de l’Antiquité : celle de Cléopâtre VII, reine d’Égypte, et de Marc Antoine, général et homme fort de Rome.

    Mais derrière la légende romantique, leur alliance fut aussi un choix politique, qui finit par précipiter leur perte. Voici pourquoi.


    Tout commence après l’assassinat de Jules César, en 44 av. J.-C.


    Marc Antoine, son fidèle lieutenant, hérite d’une partie du pouvoir à Rome. Il forme avec Octave (le futur Auguste) et Lépide le Second Triumvirat pour gouverner la République en crise.


    Envoyé en mission en Orient, Marc Antoine rencontre Cléopâtre en 41 av. J.-C. à Tarse. La reine d’Égypte, fine stratège, comprend qu’elle peut faire de cette liaison un atout politique. Antoine, fasciné par son charisme et sa richesse, tombe amoureux. Très vite, leur relation devient autant personnelle que politique.

    Cléopâtre lui offre un soutien financier et militaire. En échange, Antoine lui cède des territoires en Orient. Ils ont ensemble des enfants, et Antoine passe de plus en plus de temps à Alexandrie, ce qui irrite profondément les Romains.


    Pourquoi cela conduit-il à leur chute ?

    Le problème, c’est que cette alliance apparaît à Rome comme une trahison des intérêts romains.


    Octave, rival d’Antoine, s’en sert habilement dans sa propagande : il accuse Marc Antoine d’être sous l’emprise de Cléopâtre, de vouloir déplacer le centre de pouvoir à Alexandrie, et même de préparer une guerre contre Rome.


    Le coup de théâtre a lieu en 32 av. J.-C. : Antoine divorce de sa femme romaine, Octavie (sœur d’Octave), pour vivre pleinement avec Cléopâtre. C’est le prétexte qu’attendait Octave pour déclarer la guerre... non pas à Antoine, mais à Cléopâtre elle-même. C’est donc une guerre entre Rome et l’Égypte qui se prépare.

    Le conflit culmine en 31 av. J.-C. avec la célèbre bataille navale d’Actium. La flotte romano-égyptienne, commandée par Antoine et Cléopâtre, est battue par celle d’Octave.


    Fuyant vers l’Égypte, les deux amants tentent de se ressaisir, mais la cause est perdue.


    En 30 av. J.-C., Octave envahit Alexandrie. Antoine se suicide, croyant Cléopâtre morte. Peu après, Cléopâtre, refusant d’être exhibée en triomphe à Rome, met fin à ses jours, selon la tradition, en se faisant mordre par un aspic.


    Leur chute signe la fin de l’indépendance de l’Égypte, qui devient province romaine. Et Octave, vainqueur, pose les fondations de l’Empire romain.

    Ainsi, ce qui était au départ une alliance stratégique et une passion sincère est devenu le levier qu’Octave utilisa pour abattre ses rivaux et refonder Rome.

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • Les grands hommes de l’Histoire n’échappent pas aux petits tracas du quotidien… et c’est le cas de Jules César, célèbre conquérant et stratège romain, qui souffrait d’une calvitie bien visible. Mais comment la vivait-il ? Que nous disent les sources antiques ?


    Le biographe Suétone, dans La Vie des douze Césars, nous en donne un témoignage précieux. Il écrit :


    “Il supportait très péniblement la laideur que lui causait la raréfaction de ses cheveux, et c'est pour cela qu'il portait souvent la couronne de laurier, qui lui avait été décernée en permanence par le Sénat.”

    (Suétone, César, 45)


    Autrement dit, César vivait mal sa perte de cheveux — qu’il percevait comme une atteinte à son image publique. Dans une Rome où la chevelure abondante était signe de vigueur et de beauté virile, la calvitie faisait tache, surtout pour un homme d’ambition. D’où sa fameuse astuce : porter presque en permanence la couronne de laurier, officiellement honorifique, mais bien pratique pour masquer son crâne dégarni.


    Que pensaient les médecins antiques de la calvitie ?

    Les médecins de l’Antiquité, comme Hippocrate ou Galen, identifiaient deux grandes causes principales à la chute des cheveux :


    Un excès de chaleur sèche dans le corps

    Selon la théorie des humeurs, un déséquilibre de chaleur (souvent lié à l’âge ou au tempérament) desséchait le cuir chevelu, entraînant la chute des cheveux.


    Un déséquilibre des fluides corporels

    Un excès de bile noire (la fameuse mélancolie) ou des “humeurs impures” pouvait aussi, pensait-on, affaiblir la racine des cheveux.


    Quels traitements ?

    Les médecins antiques recommandaient divers traitements, souvent... folkloriques :


    Frictions du cuir chevelu avec des onguents à base de graisse animale, de cendres, de vin, ou d’herbes aromatiques.


    Compresses de miel, d’huile d’olive, ou même de crottes de rats broyées (si, si !) pour "réchauffer" et "stimuler" les follicules.


    Saignées ou purges pour rééquilibrer les humeurs internes.


    Rien de tout cela n’aurait vraiment sauvé la chevelure de César… mais la stratégie politique, elle, était efficace : derrière sa couronne de laurier, César resta l’image du général triomphant.

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • L’élixir à l’arsenic, parfois appelé "solution arsenicale", est l’héritier d’une très longue histoire de la médecine… et du poison.

    Pendant des siècles, l’arsenic a eu une réputation double : poison redoutable — surnommé "poudre des héritiers" dans l’Europe de la Renaissance — mais aussi remède puissant.

    Son usage médicinal s’est structuré au XIXe siècle. L’un des pharmaciens les plus célèbres à avoir formalisé un élixir à base d’arsenic est Thomas Fowler, un médecin anglais. En 1786, il met au point ce qu’on appellera bientôt la solution de Fowler : un élixir à base d’arsénite de potassium dilué dans de l’eau et de l’alcool.

    Thomas Fowler ne l’invente pas totalement, car on savait déjà depuis l’Antiquité que l’arsenic (notamment l’orpiment ou le réalgar) pouvait avoir des effets médicinaux à très faibles doses. Mais Fowler, lui, en standardise la préparation et en fait un remède prescrit officiellement.

    À quoi servait cet élixir ?

    De façon surprenante, à beaucoup de choses ! À l’époque, la solution de Fowler devient un médicament courant, prescrit :

    contre le paludisme (en remplacement ou en complément du quinquina),

    contre les fièvres récurrentes,

    comme tonique général pour les personnes affaiblies,

    contre les affections cutanées, notamment l’eczéma ou le psoriasis,

    et même, plus tard, contre la syphilis avant l’arrivée de traitements plus modernes.

    Au XIXe siècle, l’arsenic est aussi utilisé en micro-doses pour stabiliser l’humeur ou comme "booster" de la vitalité : en Autriche ou en Suisse, certains montagnards prenaient de minuscules doses d’arsenic pour améliorer leur endurance !

    Jusqu’à quand ?

    La solution de Fowler a été utilisée jusque dans les années 1930–1940.

    Mais à mesure que la médecine progresse, on découvre ses effets secondaires graves : cancers, lésions de la peau, neuropathies.

    Elle est progressivement abandonnée, sauf pour certains usages très spécifiques.

    Fait fascinant : même aujourd’hui, des dérivés arsenicaux modernes (non toxiques à dose contrôlée) sont utilisés en oncologie. Par exemple, le trioxyde d’arsenic est un traitement de certaines leucémies aiguës.

    En résumé

    C’est donc Thomas Fowler qui, au XVIIIe siècle, a "popularisé" l’élixir à l’arsenic sous une forme médicale fiable. Ce remède, à la fois sauveur et dangereux, rappelle que beaucoup de substances toxiques peuvent, bien dosées, devenir des médicaments.

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • Le 13 juillet 1793, l’un des visages les plus radicaux de la Révolution française est assassiné... dans sa baignoire. Jean-Paul Marat, journaliste et homme politique, est poignardé par une jeune femme de 25 ans, Charlotte Corday.


    Mais pourquoi cet assassinat spectaculaire ? Revenons sur le contexte.


    À cette date, la Révolution est entrée dans une phase violente. Depuis la chute de la monarchie en août 1792, le pouvoir est disputé entre deux camps révolutionnaires :

    les Girondins, modérés, attachés à une république plus libérale,

    les Montagnards, radicaux, proches des sans-culottes, prônant la Terreur contre les "ennemis de la Révolution".

    Marat, médecin devenu journaliste, est l’une des voix les plus virulentes des Montagnards. Dans son journal L’Ami du peuple, il dénonce sans relâche les Girondins, les accusant de trahison. Il réclame des têtes, appelle aux purges, et soutient les émeutiers parisiens.


    En juin 1793, la lutte atteint son paroxysme : les Montagnards, soutenus par les sans-culottes, font arrêter plusieurs députés girondins. Les Girondins sont désormais traqués.


    Parmi leurs partisans figure Charlotte Corday, jeune femme venue de Caen. Issue d’une famille normande modeste, nourrie des idéaux de la Révolution, elle est révoltée par la dérive sanglante qu’a prise le mouvement. Pour elle, Marat, par ses appels incessants à la violence, est l’homme qui précipite la France dans le chaos.

    Convaincue qu’éliminer Marat pourrait "sauver la République" et stopper les massacres, elle décide d’agir seule. Le 13 juillet, elle se rend au domicile parisien de Marat, rue des Cordeliers.


    Affaibli par une maladie de peau (probablement une dermatite), Marat travaille la plupart du temps dans sa baignoire en bois, un linge trempé sur le corps. Charlotte, se présentant comme une informatrice venue dénoncer des complots girondins en Normandie, parvient à être reçue.

    Pendant qu’il prend note, elle sort un couteau caché et lui plante dans la poitrine. Marat meurt en quelques minutes.

    Loin de stopper la Terreur, son assassinat produit l’effet inverse : Marat devient un martyr révolutionnaire, célébré par les sans-culottes.

    Charlotte Corday est arrêtée sur place, jugée et guillotinée quatre jours plus tard.

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • Pendant près de 75 ans, une énigme a plané sur l’un des naufrages les plus célèbres de l’Histoire. Le 15 avril 1912, le Titanic sombre dans l’Atlantique Nord après avoir heurté un iceberg. Mais s’est-il brisé en deux avant de disparaître sous les flots ?

    Étonnamment, cette question a suscité un vif débat durant des décennies.


    Dès les premières heures suivant la catastrophe, plusieurs rescapés — parmi eux des passagers de première et troisième classes — témoignent que le navire se serait littéralement cassé en deux avant de sombrer. On évoque un vacarme effroyable, une fracture du navire vers le centre. Pourtant, ces récits sont vite relégués au second plan.


    Pourquoi ? En grande partie à cause du témoignage d’un homme clé : Charles Lightoller, le second officier du Titanic et le plus haut gradé ayant survécu au naufrage. Devant les commissions d’enquête britannique et américaine, Lightoller affirme catégoriquement que le Titanic est resté intact jusqu’à son engloutissement.


    Ce témoignage pèse lourd. Lightoller, officier expérimenté et figure respectée, est perçu comme une source crédible.

    Mais pourquoi aurait-il soutenu cette version erronée ? Plusieurs historiens avancent des hypothèses. D’abord, Lightoller se trouvait à la mer lorsqu’il a vu disparaître le navire : sa vision était donc limitée. Ensuite, en pleine tourmente médiatique, la White Star Line — la compagnie du Titanic — avait tout intérêt à minimiser l’ampleur de la défaillance structurelle du navire, conçu pour être "pratiquement insubmersible". Affirmer qu’il s’était brisé en deux aurait été un aveu d’échec dans sa conception.


    Ainsi, durant les enquêtes officielles de 1912, la thèse du naufrage "en un seul morceau" s’impose. Les témoignages contradictoires des passagers sont jugés peu fiables, attribués au chaos et à la confusion. Pendant des décennies, les représentations du naufrage — livres, films, manuels — perpétuent cette version.


    Tout change en 1985, lorsque l’océanographe Robert Ballard et son équipe découvrent l’épave du Titanic, à plus de 3 800 mètres de profondeur. Les images sont sans appel : la coque repose bel et bien en deux sections distinctes, l’avant et l’arrière séparés de plusieurs centaines de mètres.


    Cette découverte réhabilite les témoignages des passagers longtemps ignorés. Elle rappelle aussi combien la mémoire des survivants, même face aux récits officiels, peut contenir une part essentielle de vérité. Aujourd’hui, on sait avec certitude : oui, le Titanic s’est brisé en deux avant de couler.

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • Imaginez une armée nocturne, dévalant les forêts des Pyrénées, armée de faux, de bâtons, de fusils parfois. Ce ne sont pas des soldats, ni des brigands… mais des paysans déguisés en femmes, en jupons et bonnets. Leur nom ? Les Demoiselles. Et leur révolte, l’une des plus saisissantes de la France du XIXe siècle.


    Tout commence en 1829, dans le département de l’Ariège, au cœur des montagnes. Cette année-là, le gouvernement de Charles X adopte une nouvelle loi forestière. L’État centralise les droits d’usage des forêts, interdisant aux populations locales l’accès libre au bois, à la chasse, au pacage. Or, pour les paysans ariégeois, ces ressources sont vitales. Les forêts sont leur banque, leur garde-manger, leur réserve de chauffage et de matériaux.


    Privés de ces droits ancestraux, ils entrent en résistance. Mais pas à visage découvert. Dans une stratégie aussi symbolique qu'efficace, les insurgés se griment en femmes : robes, corsages, foulards, parfois même maquillage. Ils adoptent ainsi le nom de "Demoiselles".


    Ce travestissement a un double effet. D’un côté, il désarme symboliquement l’adversaire, tournant en ridicule les gendarmes et gardes forestiers. De l’autre, il renforce la cohésion du groupe, dans une mise en scène à la fois grotesque et terrifiante. La nuit, des centaines d’hommes se rassemblent dans les bois, masqués, hurlant des chants de guerre ou frappant aux portes des fonctionnaires forestiers pour les menacer, les humilier, voire les expulser.


    La révolte se propage vite. De 1829 à 1832, les Demoiselles mènent une guérilla rurale intense. Plus de 300 incidents sont recensés, certains très violents. Gendarmes, ingénieurs forestiers, percepteurs : tous deviennent des cibles.


    Mais malgré les arrestations, les condamnations, et même l’envoi de troupes, l’État ne parvient jamais à éteindre complètement la révolte. Car elle repose sur une solidarité communautaire profonde. Les villages couvrent les insurgés. Les femmes, cette fois les vraies, les soutiennent, les ravitaillent, les cachent. Et puis, comment faire la différence entre un simple paysan et une Demoiselle, une fois la robe tombée ?


    Finalement, l’État plie. Dans les années 1840, une série de concessions sont faites sur la gestion forestière. La révolte s’essouffle, mais le mythe reste.


    Aujourd’hui encore, dans l’Ariège, le souvenir des Demoiselles perdure. À la fois mouvement de contestation sociale et geste de théâtre politique, elles sont restées dans l’histoire comme une preuve que même dans les coins les plus reculés, le pouvoir peut être défié… en robe.

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • À première vue, cela pourrait sembler monotone. Louis IX, Louis XIV, Charles V, Philippe Auguste, Henri IV… La monarchie française semble s’être limitée à une poignée de prénoms, répétés encore et encore pendant plus de mille ans. Mais derrière cette apparente routine se cache une véritable stratégie politique, religieuse et symbolique.


    Tout commence au haut Moyen Âge. Les rois mérovingiens, puis carolingiens, portaient déjà des prénoms issus de leur lignée, mais c’est avec les Capétiens, à partir de 987, que s’installe une logique durable de recyclage dynastique des prénoms. Le but ? Ancrer le pouvoir dans la continuité. En répétant les mêmes noms, les rois affirment qu’ils sont les héritiers légitimes de leurs prédécesseurs et qu’ils incarnent une même autorité royale, au-delà des générations.


    Prenons Louis, par exemple. Ce prénom devient central après le règne de Louis IX, plus connu sous le nom de Saint Louis, canonisé en 1297. À partir de là, porter le nom de Louis, c’est revendiquer une dimension sacrée, presque divine, du pouvoir. C’est se présenter comme un roi pieux, juste, protecteur de la foi et du royaume. Il n’est donc pas étonnant que ce prénom ait été attribué à 18 rois de France.


    Charles renvoie quant à lui à Charlemagne (Carolus Magnus), figure fondatrice de la royauté chrétienne en Occident. Un roi nommé Charles invoque donc l’image d’un conquérant, d’un unificateur, d’un empereur. Ce n’est pas anodin si Charles VII est celui qui met fin à la guerre de Cent Ans, ou si Charles V est surnommé “le Sage”.

    Le prénom Philippe, popularisé par Philippe Auguste, roi capétien du XIIe siècle, connote l’autorité forte, la centralisation du pouvoir, et l’expansion du territoire royal. D’autres Philippe suivront, en écho à cette figure d’un roi bâtisseur.


    Quant à Henri, il s’impose à la Renaissance et renvoie à Henri IV, premier roi bourbon, artisan de la paix religieuse et du renouveau monarchique après les guerres de Religion. Là encore, reprendre son prénom, c’est s’inscrire dans cette image de réconciliation et de renouveau.


    Ce choix de prénoms n’a jamais été laissé au hasard. Il s’agissait d’une forme de “branding” royal avant l’heure, une signature politique destinée à rassurer le peuple et les élites : le roi qui monte sur le trône n’est pas un inconnu, c’est un nouveau chapitre d’une même histoire.


    Ainsi, la répétition des prénoms royaux en France n’est pas une routine, mais un acte de pouvoir. Une manière de dire que le roi n’est jamais vraiment un individu, mais un rôle, une fonction, un héritage incarné.

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • Au printemps 1965, les États-Unis basculent dans une guerre qui ne dit pas encore son nom. L’opération Rolling Thunder, déclenchée le 2 mars 1965, marque le début de la première grande campagne aérienne américaine contre le Nord-Vietnam. Officiellement, il ne s’agit pas d’entrer en guerre totale, mais de faire plier Hanoï par la puissance du feu. En réalité, cette opération va engager les États-Unis dans l’engrenage d’un conflit de plus en plus vaste, sans jamais atteindre ses objectifs stratégiques.


    Le contexte est celui d’une escalade. Depuis le retrait de la France en 1954, le Vietnam est divisé : au nord, un régime communiste soutenu par l’URSS et la Chine ; au sud, un régime pro-américain fragile, miné par la corruption. Le Nord-Vietnam, dirigé par Hô Chi Minh, soutient activement la guérilla du Viet Cong dans le Sud. En 1964, l’incident du golfe du Tonkin permet au président Lyndon B. Johnson d’obtenir du Congrès le feu vert pour utiliser la force militaire.


    Rolling Thunder débute quelques mois plus tard. L’idée est simple : bombarder massivement les infrastructures nord-vietnamiennes – routes, ponts, chemins de fer, bases militaires, usines, dépôts de carburant – pour affaiblir le soutien logistique au Viet Cong et forcer le régime de Hanoï à négocier.


    Mais sur le terrain, rien ne se passe comme prévu. Malgré plus de 300 000 missions aériennes menées en trois ans, et le largage de plus d’un million de tonnes de bombes, l’effet stratégique reste limité. Le Nord-Vietnam, soutenu logistiquement par la Chine et l’URSS, s’adapte : les cibles sont rapidement réparées, les convois circulent la nuit, et les routes sont détournées. La population, loin de se soumettre, renforce sa résistance.


    Paradoxalement, Rolling Thunder pousse les États-Unis à s’engager davantage au sol. En 1965, les premières troupes combattantes américaines débarquent. Le nombre de soldats américains au Vietnam passe de 23 000 en 1964 à plus de 500 000 en 1968. Le conflit devient alors une véritable guerre totale, avec son lot de violences, de controverses, et de divisions à l’intérieur même des États-Unis.


    En mars 1968, à la veille de l’offensive du Têt, Rolling Thunder est suspendue. L’Amérique a usé son aviation, sans briser la détermination du Nord-Vietnam.


    L’opération Rolling Thunder reste aujourd’hui l’un des exemples les plus frappants de la limite de la puissance aérienne face à une guerre asymétrique. Elle a préparé le terrain non pas à la victoire, mais à l’enlisement d’une guerre que les États-Unis ne savaient plus comment gagner… ni comment en sortir.

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • C’est une histoire digne d’un polar diplomatique, mêlant vol, meurtres, et vengeance royale. Entre 1989 et 2023, la Thaïlande et l’Arabie Saoudite ont connu une rupture diplomatique quasi totale. La raison ? Un vol de bijoux, au cœur duquel brille un mystérieux diamant bleu.


    Tout commence en 1989. Un jeune Thaïlandais du nom de Kriangkrai Techamong, employé comme domestique au sein du palais du prince saoudien Faisal bin Fahd, profite de son accès aux quartiers privés pour dérober 91 kg de bijoux précieux, dont un diamant bleu rare de 50 carats, d’une valeur inestimable. Il expédie le tout en Thaïlande dans des boîtes de carton, puis rentre dans son pays discrètement.


    L’affaire fait grand bruit. Riyad exige que Bangkok restitue les joyaux. La police thaïlandaise arrête rapidement le voleur et annonce avoir retrouvé la quasi-totalité du butin. Mais lorsqu'une délégation saoudienne vient récupérer les biens, le scandale éclate : plusieurs pièces rendues sont fausses, et surtout, le diamant bleu a disparu.

    Le doute s’installe : les enquêteurs thaïlandais ont-ils subtilisé les vrais bijoux pour les remplacer par des copies ? Le mystère s’épaissit.


    Entre-temps, l’affaire prend une tournure tragique. Trois diplomates saoudiens sont assassinés à Bangkok entre 1989 et 1990 dans des circonstances troubles. Un homme d’affaires saoudien chargé d’enquêter sur le vol disparaît peu après. Aucun de ces crimes ne sera élucidé. L’Arabie Saoudite y voit un affront et un mépris total de la justice.


    Furieux, le royaume coupe les ponts : plus de visas de travail pour les Thaïlandais, ambassade réduite au strict minimum, échanges diplomatiques gelés. Des dizaines de milliers de travailleurs thaïlandais sont expulsés ou empêchés de venir travailler dans le Golfe, une perte économique majeure pour Bangkok.


    Pendant trois décennies, l'affaire du diamant bleu empoisonne les relations. L’Arabie Saoudite réclame toujours son joyau, devenu un symbole d’honneur bafoué. En Thaïlande, certains pensent que le diamant n’a jamais existé, ou qu’il est dissimulé par des figures puissantes.


    Ce n’est qu’en janvier 2022 qu’un rapprochement est amorcé, grâce à une visite historique du Premier ministre thaïlandais à Riyad. En 2023, les deux pays annoncent officiellement la normalisation de leurs relations diplomatiques.


    Mais à ce jour, le diamant bleu reste introuvable, tout comme les coupables des assassinats. Ce joyau manquant aura été à lui seul la cause d’une des plus longues brouilles diplomatiques du monde moderne, un drame mêlant vanité, silence, et impunité.

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • Pour découvrir mes vidéos:


    Youtube:

    https://www.youtube.com/@SapristiFR


    TikTok:

    https://www.tiktok.com/@sapristifr

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • Le 24 décembre 1971, à l’aéroport de Lima, au Pérou, une adolescente germano-péruvienne de 17 ans embarque avec sa mère à bord du vol 508 de la compagnie LANSA. Juliane Koepcke est fille de deux scientifiques installés dans la jungle amazonienne. Avec sa mère, Maria, elle s’apprête à rejoindre son père à Pucallpa pour fêter Noël en famille.


    Mais la saison des pluies bat son plein. Le vol décolle malgré une météo instable. Peu après avoir franchi les Andes, l’avion, un Lockheed Electra, entre dans une violente cellule orageuse. À 6 400 mètres d’altitude, une décharge électrique frappe l’aile. En quelques secondes, la carlingue se déchire en plein ciel. Juliane est projetée hors de l’avion, attachée à son siège, en chute libre vers la jungle amazonienne.


    Contre toute logique, elle survit à la chute. Elle se réveille des heures plus tard, couchée au sol, dans un fouillis de végétation. Elle a une clavicule cassée, un œil enflé, une profonde plaie au bras et souffre de vertiges. Elle a perdu une chaussure et ses lunettes. Autour d’elle, la jungle est épaisse, chaude, vivante. Elle est seule.

    Mais Juliane n’est pas une adolescente ordinaire. Enfant, elle a vécu avec ses parents dans une station de recherche en Amazonie. Elle sait que l’eau est la clé de la survie. En titubant, elle trouve un ruisseau et décide de le suivre. Son père lui avait appris que les rivières mènent aux hommes.


    Elle commence alors une marche lente et harassante. Son seul ravitaillement : quelques bonbons retrouvés dans sa poche. Elle boit l’eau du ruisseau. Le jour, elle marche. La nuit, elle s’abrite sous les feuillages, épuisée, vulnérable. Elle est couverte de piqûres d’insectes. Sa blessure au bras s’infecte. Des asticots s’y développent. Elle continue malgré tout. Elle pense à ses parents. Elle veut survivre.


    Au cours de son errance, elle découvre les restes de l’avion. Elle reconnaît des vêtements. Elle comprend que sa mère n’a pas survécu. Mais elle ne s’arrête pas.

    Le onzième jour, alors qu’elle est fiévreuse, déshydratée, elle aperçoit une cabane abandonnée. À l’intérieur, une bouteille d’essence. Elle s’en sert pour nettoyer sa plaie infestée de larves. Le lendemain, des bûcherons arrivent. Ils sont d’abord terrifiés en voyant cette jeune fille méconnaissable, maigre, couverte de sang et de boue. Mais Juliane parvient à leur expliquer ce qui s’est passé. Ils la prennent en charge, la transportent en pirogue jusqu’au premier poste médical. Elle est ensuite transférée en avion vers un hôpital.


    Juliane Koepcke est la seule survivante des 92 passagers du vol 508. Son histoire fait le tour du monde. Elle raconte plus tard son aventure dans un livre bouleversant, Quand je suis tombée du ciel. Devenue biologiste comme ses parents, elle retourne en Amazonie… non plus comme une victime, mais comme une femme qui a survécu à l’inimaginable.

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • En février 1958, une mission japonaise d’exploration scientifique doit quitter précipitamment la base de Showa, en Antarctique. Pris au piège par une météo de plus en plus violente et l’impossibilité technique d’embarquer tout le matériel et le personnel, les membres de l’équipe prennent une décision douloureuse : abandonner leurs quinze chiens de traîneau sur place, attachés et livrés à eux-mêmes dans l’un des environnements les plus hostiles de la planète. Promis à une récupération rapide, ils seront finalement laissés seuls… pendant près d’un an.


    Lorsqu’une nouvelle expédition revient sur les lieux en janvier 1959, l’équipe s’attend au pire. Les températures ont plongé jusqu’à -60 °C, les tempêtes ont balayé la base, et aucun espoir ne semble permis. Sur les quinze chiens, treize sont morts, certains toujours enchaînés, d'autres disparus. Et pourtant, deux silhouettes émergent dans la neige : amaigris, fatigués mais bien vivants, Tara et Jiro ont survécu.


    Le mystère de leur survie intrigue. Comment ont-ils tenu ? On suppose qu’ils ont réussi à briser leurs chaînes, à chasser des manchots ou à se nourrir des restes de la base abandonnée. Ils auraient même pu trouver refuge dans des abris creusés dans la neige pour se protéger du blizzard. Leur instinct, leur intelligence et leur robustesse ont fait la différence. Ces huskies de Sakhaline, une race réputée pour sa résistance au froid, ont démontré une résilience hors du commun.


    Au Japon, l’émotion est immense. Le retour de Tara et Jiro est accueilli comme un événement national. Les journaux titrent sur leur courage, les enfants apprennent leur histoire à l’école, et leur épopée est adaptée au cinéma. Ils deviennent de véritables héros populaires, symboles de loyauté, de bravoure et de persévérance. Jiro poursuivra même son service dans les expéditions suivantes jusqu’à sa mort en Antarctique en 1960. Tara, lui, sera rapatrié au Japon, où il vivra ses dernières années entouré de soins et d’affection.


    Des statues leur rendent hommage, notamment devant la Tour de Tokyo. Chaque année, des cérémonies commémoratives leur rappellent que même dans l’oubli et la glace, la vie peut s’accrocher.


    L’histoire de Tara et Jiro fascine parce qu’elle dépasse le simple récit animalier. Elle raconte une lutte silencieuse contre la nature, une survie presque miraculeuse, et un lien invisible entre l’homme et l’animal. Parfois, les plus grands récits d’héroïsme ne se crient pas. Ils se lisent dans les empreintes laissées dans la neige.

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • Imaginez une silhouette massive, toute blanche, faite d’anneaux empilés comme des pneus. Deux yeux malicieux, un sourire jovial… et parfois, un verre à la main. Voici Bibendum, la célèbre mascotte du groupe Michelin. Un personnage devenu l’un des symboles publicitaires les plus reconnaissables au monde. Mais d’où vient cette étrange créature ? Et pourquoi est-elle devenue l’incarnation d’un fabricant de pneus ?


    Pour le comprendre, il faut remonter à la fin du XIXe siècle, à Clermont-Ferrand, berceau de l’entreprise Michelin. En 1894, lors de l’Exposition Universelle et Coloniale de Lyon, les frères Édouard et André Michelin repèrent un tas de pneus empilés sur leur stand. En les regardant, Édouard s’exclame : « Avec des bras, on dirait un bonhomme ! ». L’idée est lancée.


    Quelques années plus tard, en 1898, ils font appel à l’artiste O’Galop – de son vrai nom Marius Rossillon – pour créer une affiche publicitaire. Celui-ci s’inspire d’un croquis qu’il avait réalisé pour une brasserie, représentant un gros buveur tenant un verre rempli de clous et de verre pilé. La phrase « Nunc est Bibendum », tirée d’un poème d’Horace, y figure en latin : « Maintenant, il faut boire ! »


    Le lien avec les pneus ? Il est là : le bonhomme Michelin, levant son verre rempli d’obstacles, symbolise un pneu capable d’« avaler » les dangers de la route – clous, pierres, éclats – sans crever. Le slogan s’adapte : « Le pneu Michelin boit l’obstacle ». Le personnage est baptisé Bibendum, en clin d’œil à la citation latine. Et le succès est immédiat.


    Au fil des décennies, Bibendum change d’apparence. Au début, il fume des cigares, il a un corps potelé, un air aristocratique. Il est parfois présenté en costume, en cycliste, en sportif. Mais toujours, il incarne la robustesse, la fiabilité et la longévité des pneus Michelin. Il devient un ambassadeur souriant, rassurant, populaire. Et surtout : il reste unique dans le monde de la publicité, à une époque où les mascottes deviennent des armes redoutables pour attirer l’attention.


    Ce personnage aura une carrière extraordinaire : élu icône du siècle par le Financial Times en 2000, il traverse plus d’un siècle d’histoire industrielle sans jamais quitter le devant de la scène. Plus qu’une simple mascotte, Bibendum est devenu le visage de l’innovation à la française, un symbole d’endurance… et de génie marketing.


    Et penser qu’il est né, presque par hasard, d’une pile de pneus oubliée sur un stand d’exposition.

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • Nous sommes au XVIIIe siècle, en Bretagne. Dans cette France encore figée par les hiérarchies et les interdits, une jeune femme nommée Marguerite Le Paistour décide de briser les règles. Pas par provocation. Mais par survie. À une époque où les femmes n’ont guère de choix que le mariage ou la domesticité, Marguerite choisit… l’épée et la corde.


    Née en 1720 à Cancale, Marguerite est issue d’une famille modeste. Très tôt, elle comprend que son destin est tracé d’avance. Mais elle refuse. À 16 ans, elle s’enfuit. Et pour pouvoir voyager librement, travailler, échapper aux regards soupçonneux, elle se déguisera en homme. Elle coupe ses cheveux, s’habille en garçon, prend un nom masculin — on l’appelle alors Henri ou parfois Jean. Ce stratagème lui permet d’entrer dans des métiers interdits aux femmes… dont l’un des plus inattendus : bourreau.


    Car oui, Marguerite Le Paistour va devenir l'une des rares femmes à avoir exercé cette fonction en France. Le métier de bourreau n’est pas seulement tabou : il est maudit. Les exécuteurs vivent en marge de la société, craints et méprisés. Mais pour Marguerite, c’est une façon d'exister autrement. Pendant des années, elle exerce dans l’ombre, souvent sans que personne ne devine son secret. Elle manie la hache, la corde, et applique les sentences avec la même froideur que ses collègues masculins.


    Ce n’est qu’en 1750, à Paris, que tout s’effondre. Un soldat la reconnaît. Son secret est dévoilé. Marguerite est arrêtée, accusée de travestissement et d’avoir trompé l’armée — car entre-temps, elle s'était aussi enrôlée comme soldat. Elle risque la prison, voire pire. Mais contre toute attente, le tribunal fait preuve d’une certaine clémence. Peut-être impressionné par son parcours, ou conscient de l’absurdité de la situation, il lui permet… de retourner à une vie plus « conforme ».


    Et c’est ce qu’elle fait. Marguerite abandonne alors ses habits d’homme, se marie, et mène la fin de sa vie sous son vrai nom, à Dinan, où elle meurt en 1801.


    L’histoire de Marguerite Le Paistour est restée dans l’ombre pendant longtemps. Pourtant, elle dit beaucoup : sur le genre, sur le pouvoir, et sur le courage qu’il fallait pour s’emparer d’une vie qui n’était pas prévue pour vous. Car au fond, Marguerite n’a pas seulement défié la loi. Elle a surtout défié le destin qu’on voulait lui imposer

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • Imaginez la galerie des Glaces à Versailles. Les dorures étincellent, les miroirs renvoient l’éclat des chandelles, et au centre de cette mise en scène grandiose, avance une silhouette. C’est le Roi-Soleil. Il marche d’un pas lent, majestueux… et légèrement surélevé. Car Louis XIV porte des talons. Des talons rouges, hauts, sculptés, presque théâtraux. Et non, ce n’est pas une coquetterie. C’est une stratégie.


    Né en 1638, Louis XIV est un roi de moyenne taille – environ 1,63 mètre – ce qui ne choque pas pour l’époque, mais dans un monde où le pouvoir se mesure aussi en apparence, chaque centimètre compte. Très tôt, Louis comprend que l’image est une arme politique. Il ne dirige pas seulement par la guerre ou la loi. Il gouverne par le regard. Chaque détail est pensé pour renforcer son autorité, et ses chaussures ne font pas exception.


    En portant des talons, il gagne en prestance, bien sûr. Mais surtout, il crée une hiérarchie visuelle à la cour. Il va jusqu’à réglementer la mode : les talons rouges deviennent un privilège royal, réservés à ceux qui jouissent de sa faveur. Plus les talons sont hauts, plus leur porteur est proche du roi. C’est un signe de distinction, un code silencieux qui structure la cour de Versailles comme une scène de théâtre. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : d’une immense pièce, où Louis XIV est à la fois metteur en scène, premier rôle… et dieu vivant.


    Danseur accompli, passionné de ballet, il sait aussi que les talons ont un effet sur la posture : ils redressent le dos, tendent la jambe, rendent chaque mouvement plus fluide et noble. Dans les grandes fêtes, les cérémonies, les ballets qu’il dirige lui-même, le roi incarne l’ordre cosmique – le Soleil autour duquel tout gravite. Les talons ne sont donc pas une mode frivole : ce sont des instruments de domination, à la fois politiques, esthétiques et symboliques.


    Et ce qui est fascinant, c’est que ce goût royal va s’imposer à toute l’Europe. Pendant près d’un siècle, les hommes porteront des talons, souvent plus hauts que ceux des femmes. Jusqu’à ce que, après la mort de Louis XIV, les mœurs changent. La raison et la simplicité prennent le pas sur la grandeur. Les talons deviennent féminins, et ce qui était à l’origine un attribut de pouvoir masculin devient peu à peu… un accessoire de mode.


    Ainsi, en s’élevant de quelques centimètres, Louis XIV ne cherchait pas seulement à paraître plus grand. Il voulait surtout rappeler à tous qu’il était au-dessus.

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • Imaginez un monde il y a plus de 4 000 ans. Les premières grandes sociétés humaines sont en plein essor. En Mésopotamie, dans la plaine entre le Tigre et l’Euphrate, les cultures irriguent les champs. En Égypte, les villages s’organisent le long du Nil. En Iran, en Anatolie, dans la vallée de l’Indus, des peuples sédentaires développent l’agriculture, bâtissent des maisons, inventent des rituels.

    Et puis soudain, le climat bascule.

    Autour de l’an 2200 avant notre ère, la pluie cesse de tomber, les rivières se tarissent, les sols s’assèchent. Les arbres meurent, les récoltes s’effondrent. En quelques décennies à peine, ce qui ressemblait à un progrès irrésistible se transforme en crise globale. Cet événement climatique, longtemps ignoré, est aujourd’hui reconnu comme l’un des premiers grands cataclysmes écologiques de l’histoire humaine.


    Un dérèglement planétaire

    Les scientifiques qui étudient les cendres des volcans, les couches de sédiments au fond des lacs ou les bulles d’air prisonnières dans les glaces de l’Arctique ont mis en évidence une période de refroidissement rapide, accompagnée d’une aridification brutale. Ce phénomène ne s’est pas limité à une région : du Moyen-Orient à l’Asie centrale, de l’Afrique du Nord jusqu’à la Chine, les signes sont concordants.


    Pour les sociétés humaines de l’époque, encore jeunes, encore fragiles, cela représente un choc terrible. Leur survie dépend d’une chose : l’eau. Sans elle, pas de moisson, pas de bétail, pas de pain.


    Un monde qui s’effondre en silence

    Ce que l’on observe ensuite, c’est une série d’abandons, de migrations, de transformations radicales. En Mésopotamie, la civilisation d’Obeïd décline brusquement. Dans la vallée de l’Indus, les villages se vident. En Égypte, les populations nomades du désert fuient vers les rives du Nil, où naîtra, quelques siècles plus tard, la civilisation pharaonique.


    Il n’y a pas de bataille décisive, pas d’ennemi venu du nord. Le responsable, c’est le ciel. C’est l’air devenu sec, les saisons devenues imprévisibles. C’est le climat, ce maître invisible mais implacable, qui dicte la chute comme il avait permis l’essor.


    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

  • Symbole de rébellion, de résistance et d’attachement aux libertés locales, le bonnet rouge est devenu un signe emblématique en Bretagne. Mais cette coiffe de feutre n’a pas toujours été associée aux radars routiers ou aux taxes écologiques, comme lors du mouvement des Bonnets rouges en 2013. Pour comprendre son origine, il faut remonter au XVIIe siècle, et plus précisément à l’année 1675.


    À cette époque, la Bretagne est plongée dans un climat social explosif. Le royaume de Louis XIV est en guerre contre la Hollande, et pour financer ce conflit, la monarchie multiplie les impôts. Parmi ces nouvelles taxes, certaines frappent de plein fouet la Bretagne, pourtant dotée d’un statut particulier : la province bénéficiait de privilèges fiscaux garantis par le traité d’union de 1532, qui avait scellé son rattachement à la France.


    Mais en 1675, ces engagements sont bafoués. Le roi impose sans concertation plusieurs nouveaux impôts : une taxe sur le papier timbré, indispensable pour les actes juridiques, une autre sur le tabac, et même une taxe sur la vaisselle d’étain. C’est la goutte de trop. De nombreuses villes se soulèvent : Rennes, Nantes, Quimper, Carhaix... et surtout les campagnes du Léon et de Cornouaille.


    C’est là que le bonnet rouge entre en scène. Les paysans insurgés, armés de fourches, de bâtons et de haches, se rassemblent sous une même couleur : celle de leur bonnet. Le rouge est alors courant chez les gens modestes, en particulier chez les marins et les paysans. Il devient un signe de ralliement autant qu’un symbole de colère. Ces hommes rejettent l’injustice fiscale mais aussi l’autoritarisme royal et la remise en cause des droits bretons.


    La révolte, qu’on appellera plus tard la Révolte du papier timbré, est sévèrement réprimée par la monarchie. Des villages sont incendiés, les meneurs exécutés ou envoyés aux galères, et les privilèges bretons sont encore plus réduits par la suite. Mais dans la mémoire populaire, l’image du bonnet rouge demeure.


    Au fil des siècles, il est ressorti à chaque époque où les Bretons se sentent trahis, méprisés ou menacés dans leurs identités ou leurs droits. C’est ainsi qu’il a refait surface en 2013 lors du mouvement contre l’écotaxe, porté par des entrepreneurs, des agriculteurs et des citoyens bretons. Le bonnet rouge, vieux de plus de trois siècles, restait ce qu’il a toujours été : un symbole de révolte enraciné dans l’histoire et le sol breton.

    Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.