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Antoine Lilti
Collège de France
Histoire des Lumières, XVIIIe-XXIe siècle
Année 2024-2025
Conférence - David Bell : Vers une nouvelle histoire des Lumières : À la recherche de soi
Intervenant :
David Bell
Professeur, Université de Princeton, département Histoire
Résumé
L'idée que l'individu était susceptible de se cultiver a également attiré l'attention des auteurs du XVIIIᵉ siècle sur le problème de la définition de l'individu, et sur la question de sa capacité à se réinventer. Dans cette conférence, j'examinerai sous cet angle les deux exemples les plus connus, au XVIIIᵉ siècle, de réinvention du « moi » : ceux de Benjamin Franklin et Jean-Jacques Rousseau. En passant, je soulignerai les étranges similarités entre ces deux hommes. Tous deux, nés dans des villes calvinistes, ont fugué à l'adolescence, mené des vies ambulantes, changé de carrière plusieurs fois, enjoint à leurs lecteurs de suivre un certain mode de vie, et ont, enfin, écrit les premières grandes autobiographies modernes.
David Bell
David Bell est né à New York City en 1961. Après des études à Harvard et à l'École normale supérieure (rue d'Ulm), il a obtenu un doctorat en histoire française à Princeton. Spécialiste de l'époque des Lumières et des révolutions atlantiques, il a enseigné aux universités de Yale et de Johns Hopkins, où il a été doyen pendant trois ans. Depuis 2010, il occupe la chaire Lapidus en histoire des révolutions à Princeton. Il est l'auteur de sept livres, dont deux ont été traduits en français. Membre de l'American Academy of Arts and Sciences et membre correspondant de la British Academy, il a dirigé le Shelby Cullom Davis Center for Historical Studies à Princeton de 2020 à 2024. Il écrit régulièrement pour The New York Review of Books et, en Europe, pour Le Grand Continent.
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Histoire des Lumières, XVIIIe-XXIe siècle
Année 2024-2025
Conférence - David Bell : Vers une nouvelle histoire des Lumières : À la recherche de la société
Intervenant :
David Bell
Professeur, Université de Princeton, département Histoire
Résumé
Dans cette conférence, je montrerai que les changements du monde intellectuel européen, étudiés au cours de la première conférence, ont attiré l'attention des auteurs du XVIIIᵉ siècle sur la spécificité de la société comme phénomène. Ils ont alors commencé à considérer celle-ci comme une entité indépendante de la vie politique, ayant ses propres règles et mécanismes. Je soulignerai les développements qui ont contribué à faire de la société un objet d'étude explicite : primo : l'expérience vécue de nouvelles formes d'interaction sociale ; secundo : les tentatives des gouvernements de l'époque d'organiser des renseignements sur leurs populations et de préparer des inventaires de leurs ressources ; tertio : le nouveau regard porté sur le monde non européen et la découverte de nouvelles formes d'organisation sociale. À titre d'illustration, je parlerai de deux œuvres controversées publiées toutes deux en 1721 : les Lettres persanes de Montesquieu et la conférence donnée par Christian Wolff sur la philosophie chinoise, qui ont toutes deux examiné la question suivante : une société vertueuse peut-elle se maintenir sans religion ?
David Bell
David Bell est né à New York City en 1961. Après des études à Harvard et à l'École normale supérieure (rue d'Ulm), il a obtenu un doctorat en histoire française à Princeton. Spécialiste de l'époque des Lumières et des révolutions atlantiques, il a enseigné aux universités de Yale et de Johns Hopkins, où il a été doyen pendant trois ans. Depuis 2010, il occupe la chaire Lapidus en histoire des révolutions à Princeton. Il est l'auteur de sept livres, dont deux ont été traduits en français. Membre de l'American Academy of Arts and Sciences et membre correspondant de la British Academy, il a dirigé le Shelby Cullom Davis Center for Historical Studies à Princeton de 2020 à 2024. Il écrit régulièrement pour The New York Review of Books et, en Europe, pour Le Grand Continent.
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Histoire des Lumières, XVIIIe-XXIe siècle
Année 2024-2025
Conférence - David Bell : Vers une nouvelle histoire des Lumières : Les Lumières, entreprise publique
Intervenant :
David Bell
Professeur, Université de Princeton, département Histoire
Résumé
Cette première conférence se concentrera sur l'historiographie des Lumières. Elle examinera les recherches sur le sujet depuis quelques décennies et soulignera l'énorme expansion de la participation du public à la vie littéraire et intellectuelle par rapport aux siècles précédents. J'établirai un lien entre cette expansion et ce que l'on appelle la « révolution de la consommation », liée au capitalisme commercial de l'époque. Je suggérerai que les auteurs des Lumières ont adopté une stratégie d'écriture centrée sur l'engagement intellectuel actif des lecteurs et leur désir de se cultiver. Pour illustrer ce phénomène, une partie de la conférence mettra en lumière la carrière littéraire de l'avocat parisien Claude-Rigobert Lefebvre de Beauvray.
David Bell
David Bell est né à New York City en 1961. Après des études à Harvard et à l'École normale supérieure (rue d'Ulm), il a obtenu un doctorat en histoire française à Princeton. Spécialiste de l'époque des Lumières et des révolutions atlantiques, il a enseigné aux universités de Yale et de Johns Hopkins, où il a été doyen pendant trois ans. Depuis 2010, il occupe la chaire Lapidus en histoire des révolutions à Princeton. Il est l'auteur de sept livres, dont deux ont été traduits en français. Membre de l'American Academy of Arts and Sciences et membre correspondant de la British Academy, il a dirigé le Shelby Cullom Davis Center for Historical Studies à Princeton de 2020 à 2024. Il écrit régulièrement pour The New York Review of Books et, en Europe, pour Le Grand Continent.
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Histoire des Lumières, XVIIIe-XXIe siècle
Année 2024-2025
08 - Au nom de l'universel : crises et héritages - L'universel contre les nations
Résumé
L'héritage universaliste des Lumières, dans l'Entre-deux-guerres, ne se réduit pas au discours colonialiste prônant la mission civilisatrice de l'Europe. D'autres usages en sont faits, dans une perspective européenne, pour défendre la démocratie, s'opposer aux régimes fascistes et promouvoir un dépassement des nationalismes. Nous suivons aujourd'hui Julien Benda, l'auteur de la Trahison des clercs (1927) qui fut un défenseur acharné du rationalisme des Lumières, contre la droite nationaliste de son temps, mais aussi contre toutes les formes de littérature et d'art moderne. « Réactionnaire de gauche », selon la formule d'Antoine Compagnon, cet antimoderne fut un pilier de la NRF, un militant antifasciste, un sympathisant du Front Populaire. En nous appuyant sur la préface au Dictionnaire philosophique de Voltaire (1936) et sur son Adresse à la nation européenne (1933), on peut chercher à comprendre un courant spécifique d'interprétation des Lumières et de leur langage universaliste qui s'exprime dans un contexte très particulier, celui des années 1930, mais qui a eu des répercussions jusqu'à nos jours.
Références des œuvres citées dans le cours
Julien Benda, Belphégor. Essai sur l'esthétique de la présente société française, Paris, Émile-Paul frères, 1918.
Id., La Trahison des clercs, Paris, Grasset, 1927.
Id., Discours à la nation européenne, Paris, Gallimard, 1933.
Id., « Voltaire est-il des nôtres ? », Confluences, janvier-février 1945.
Antoine Compagnon, Les Antimodernes. De Joseph de Maistre à Roland Barthes, Paris, Gallimard, 2005.
Pascal Engel, « Julien Benda et le culte de l'universel », Le Philosophoire, 2009, 31, 1, p. 143-160.
Id., Les Lois de l'esprit. Julien Benda ou la raison, Paris, Ithaque, 2012.
Alain Finkielkraut, La Défaite de la pensée, Paris, Gallimard, 1987.
François Jacob, Voltaire après la nuit, Paris, Moscou, Genève, Lyon, Société Voltaire, 2021.
Gérard Malkassian, « Julien Benda sous l'Occupation : la démocratie à l'épreuve », Revue philosophique de la France et de l'étranger, 127, 3, 2002, p. 333-343.
Jacques Maritain, Primauté du Spirituel, Paris, Plon, 1927.
Pascale Pellerin, Les philosophes des Lumières dans la France des années noires : Voltaire, Montesquieu, Rousseau et Diderot, 1940-1944, Paris, L'Harmattan, 2010.
Jennifer Pitts, Naissance de la bonne conscience coloniale. Les libéraux français et britanniques et la question impériale (1770-1870), Ivry-sur-Seine, Éditions de l'Atelier, 2008 [2005].
Nabila Ramdani, « Voltaire Spread Darkness, Not Enlightenment. France Should Stop Worshipping Him », Foreign Policy, 31/08/2020.
Louis-Albert Revah, Julien Benda. Un misanthrope juif dans la France de Maurras, Paris, Plon, 1991.
Pernille Røge, « L'économie politique en France et les origines intellectuelles de la "Mission Civilisatrice'' en Afrique », Dix-huitième siècle, 44, 1, 2012, p. 117-130.
Albert Thibaudet, « Dix-huitième siècle », NRF, 1er mai 1933, repris dans Réflexions sur la politique, édition de A. Compagnon, Paris, Robert Laffont, 2007, p. 509-514.
Voltaire, Dictionnaire philosophique, édition de Julien Benda et Raymond Naves, Paris, Garnier, 1935-1936.
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Histoire des Lumières, XVIIIe-XXIe siècle
Année 2024-2025
07 - Au nom de l'universel : crises et héritages - La « mission civilisatrice » : une république coloniale
Résumé
L'enthousiasme de Hugo ou Michelet pour la vocation universelle de la Révolution française est contemporain de la conquête puis de la colonisation de l'Algérie. Cette séance porte sur les évolutions de la doctrine coloniale française, autour de ce qu'il est convenu d'appeler « la mission civilisatrice », expression qu'il convient d'interroger car elle fut en réalité peu utilisée et qu'elle recouvre des politiques différentes.
Un premier temps est consacré au retournement des penseurs libéraux comme Tocqueville, au milieu du XIXe siècle, qui abandonnent l'anti-impérialisme hérité des Lumières et contribuent à promouvoir, au sein des élites, une « bonne conscience coloniale » (Jennifer Pitts). Puis, nous revenons sur le fameux débat parlementaire de 1885 qui vit notamment s'opposer Jules Ferry et Georges Clemenceau. La colonisation y fut à la fois justifiée et dénoncée. Tandis que Ferry, reprenant les termes de la droite catholique, défendait le « droit et le devoir des races supérieures à civiliser les races inférieures », dans une appropriation et une radicalisation de l'universel civilisateur des Lumières, Clemenceau lui répondait vertement en retrouvant les accents anticolonialistes de Diderot et en se réclamant des droits de l'homme. Un troisième moment de la séance essaie de cerner les mutations du discours colonial français, à travers les notions de « civilisation » et de « mise en valeur des colonies », et décrit les apories du discours assimilateur, rapidement abandonné au profit d'une gestion inégalitaire des droits (régime de l'indigénat) et d'un découplage de la nationalité et de la citoyenneté. Enfin, nous terminons par l'évocation de l'exposition coloniale qui s'est tenue à Paris en 1931, moment de propagande impériale qui révèle les contradictions de l'universalisme colonial.
Références des œuvres citées dans le cours
Charles-Robert Ageron, « L'exposition coloniale de 1931 », in Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, I. La République, Paris, Gallimard, 1984, p. 561-591.
Laure Blévis, « La citoyenneté française au miroir de la colonisation : étude des demandes de naturalisation des "sujets français" en Algérie coloniale », Genèses, 53, 4, 2003, p. 25-47.
Id., « L'invention de l'Indigène, français non citoyen », in Abderrahmane Bouchène et al. (dir), Histoire de l'Algérie à la période coloniale, 1830-1962, Paris, La Découverte, 2012, p. 212-218.
Id., « L'exposition coloniale de 1931 ou la mise en spectacle de la "plus grande France'' », in P. Singaravélou (dir.), Colonisations. Notre histoire, Paris, Seuil, 2023, p. 214-215.
André Breton et al., « Ne visitez pas l'exposition coloniale », s. l., s. n., 1931.
Pierre-Olivier de Broux, « Nations civilisées, mission civilisatrice, droit de civilisation », Revue interdisciplinaire d'études juridiques, 83, 2, 2019, p. 35-49.
François Chaubet, « L'Alliance française ou la diplomatie de la langue (1883-1914) », Revue historique, 632, 4, 2004, p. 763-78.
Georges Clemenceau, Politique coloniale. Discours prononcé par M. Clemenceau à la chambre des députés le jeudi 30 juillet 1885, Paris, Bureaux du Journal la Justice, 1885.
Alice L. Conklin, A Mission to Civilize. The Republican Idea of Empire in France and West Africa, 1895-1930, Stanford, Stanford University Press, 1997.
Dino Costantini, Mission civilisatrice. Le rôle de l'histoire coloniale dans la construction de l'identité politique française, Paris, La Découverte, 2008.
Souleymane Bachir Diagne, Universaliser. Pour un dialogue des cultures, Paris, Albin Michel, 2024.
Raoul Girardet, L'Idée coloniale en France de 1871 à 1962, Paris, Éditions de la Table Ronde, 1972.
Benoît de l'Estoile, Le Goût des Autres. De l'exposition coloniale aux Arts premiers, Paris, Flammarion, 2007.
Gilles Manceron (éd.), 1885 : le tournant colonial de la République. Jules Ferry contre Georges Clemenceau, et autres affrontements parlementaires sur la conquête coloniale, Paris, La Découverte, 2007.
Jennifer Pitts, Naissance de la bonne conscience coloniale. Les libéraux français et britanniques et la question impériale (1770-1870), Ivry-sur-Seine, Éditions de l'Atelier, 2008 [2005].
Paul Reynaud, L'Empire français. Discours prononcé à l'inauguration de l'exposition coloniale, Paris, Guillemot & de Lamothe, 1931.
Pernille Røge, « L'économie politique en France et les origines intellectuelles de la "Mission Civilisatrice'' en Afrique », Dix-huitième siècle, 44, 1, 2012, p. 117-130.
Id., Économistes and the Reinvention of Empire. France in the Americas and Africa, c. 1750-1802, Cambridge, Cambridge University Press, 2019.
Rebecca Rogers, « La "mission civilisatrice'' au féminin », Revue d'histoire du XIXe siècle, 68, 2024, p. 41-56.
Emmanuelle Saada, Les Enfants de la colonie. Les métis de l'Empire français entre sujétion et citoyenneté, Paris, La Découverte, 2007.
Maurice Samuels, Le Droit à la différence. L'universalisme français et les juifs, Paris, La Découverte, 2022 [2016].
Albert Sarraut, Grandeur et servitude coloniales, Paris, Éditions du Sagittaire, 1931.
Pierre Singaravélou, Professer l'Empire. Les « sciences coloniales » en France sous la IIIe République, Paris, Publications de la Sorbonne, 2011.
Sylvie Thénault, « L'indigénat dans l'empire français. Algérie/Cochinchine, une double matrice », Monde(s), 12, 2, 2017, p. 21-40.
Alexis de Tocqueville, Sur l'Algérie, éd. de Seloua Luste Boulbina, Paris, Flammarion, 2003.
Simone Weil, Écrits historiques et politiques. Vers la guerre (1937-1940), Paris, Gallimard, 1989.
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06 - Au nom de l'universel : crises et héritages - L'histoire de France est-elle universelle ?
Résumé
Après Victor Hugo la semaine dernière, c'est un autre géant du XIXe siècle qui nous accompagne lors de cette séance : Jules Michelet. Celui-ci, « créateur de l'histoire de France », selon la formule, a puissamment contribué à naturaliser l'idée d'une mission universelle de la France. Pour le comprendre, il faut revenir aux sources de sa philosophie de l'histoire, l'Introduction à l'histoire universelle, publiée en 1831, dans laquelle il affirme que la France, parce qu'elle est le « peuple le plus mélangé », a reçu de son histoire « le pontificat de la civilisation moderne ».
Dans l'Histoire de la Révolution française (1847-1853), la perspective a changé, 1789 désormais fait rupture. La Révolution est à la fois un avènement et une révélation. Les chapitres célèbres consacrés au mouvement des fédérations, puis à la Fête de la fédération du 14 juillet 1790, célèbrent l'unité de la France, l'abandon de toutes particularités sur l'autel de la patrie, la marche de la nation dans la fraternité. Empreints de religiosité, ils mettent en scène « la religion nouvelle », substitut quasi mystique au christianisme désormais répudié. L'histoire de France est une liturgie de la nation aux résonances mondiales.
Dans les années 1860, Michelet ira bien plus loin encore dans le rejet du Moyen Âge chrétien. Dans la Bible de l'Humanité (1864), il inscrit 1789 dans une autre généalogie universaliste, celle du « torrent de lumière » venu de la Haute Antiquité, des religions indienne, perse et grecque. Le changement est profond. Au prix d'un manichéisme parfois troublant, Michelet réinvente sa philosophie de l'histoire, mais conserve à la France issue de la Révolution sa dimension universelle.
Références des œuvres citées dans le cours
Aurélien Aramini, Michelet, à la recherche de l'identité de la France. De la fusion nationale au conflit des traditions, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2019.
Patrick Boucheron, Histoire mondiale de la France, Paris, Seuil, 2017.
Jane Burbank, Frederick Cooper, Empires. De la Chine ancienne à nos jours, Paris, Payot, 2011 [2010].
Camille Creyghton, Résurrections de Michelet. Politique et historiographie en France depuis 1870, Paris, Éditions de l'EHESS, 2019.
Lucien Febvre, Michelet. Créateur de l'histoire de France, éd. Brigitte Mazon et Yann Potin, Paris, Vuibert, 2015.
Lucien Febvre et François Crouzet, Nous sommes des sang-mêlés. Manuel d'histoire de la civilisation française, éd. de Denis Crouzet et Élisabeth Crouzet-Pavan, Paris, Albin Michel, 2012.
Jules Michelet, Introduction à l'histoire universelle, Paris, Hachette, 1831.
Id., Le Peuple, éd. Paul Viallaneix, Paris, Flammarion, 1992 [1846].
Id., Bible de l'humanité, éd. Laudyce Rétat, Paris, Honoré Champion, 2009 [1864].
Id., Philosophie de l'histoire, éd. Aurélien Aramini, Paris, Champs, 2016.
Id., Histoire de la Révolution française, éd. Paule Petitier et al., Paris, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 2019 [1847-1849].
Paule Petitier, Jules Michelet. Histoire d'un historien, Paris, Grasset, 2006.
Jacques Rancière, Les Mots de l'histoire. Essai de poétique du savoir, Paris, Seuil, 1992.
Sylvain Venayre, « L'Ailleurs dans la pensée historique de Jules Michelet », in Daniel Lançon et Patrick Née (dir.), L' Ailleurs depuis le romantisme, Hermann, 2009, p.147-168.
Paul Viallaneix, Michelet, les travaux et les jours, 1798-1874, Paris, Gallimard, 1998.
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05 - Au nom de l'universel : crises et héritages - 1848 : la République universelle
Résumé
La « République universelle » fut un des slogans de février 1848, invitant à la solidarité avec les soulèvements des peuples européens. En suivant le programme iconographique de la citoyenne Goldsmid, le ralliement de Victor Hugo à la République, la dimension mondiale des révolutions de 48, la mise en place du suffrage universel et l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises, il est possible de mettre en évidence les tensions qui parcourent l'idéal de fraternité universelle. L'universalisme nationaliste de Hugo, qui affirme que la France est « le missionnaire de la civilisation en Europe », trouve des échos dans le discours empreint de religiosité qui fait du suffrage universel un sacrement, une cérémonie de communion nationale. Mais ces espoirs sont mis à mal par la répression sanglante des émeutes ouvrières de juin, puis par l'agonie de la République, jusqu'au coup d'État du 2 décembre 1851. L'émancipation des esclaves (27 avril 1848), qui est une des grandes réalisations de la République, ouvre aussi un espace d'incertitude politique, qui révèle les limites et les failles de l'universalisme républicain.
Références des œuvres citées dans le cours
Maurice Agulhon, Marianne au combat. L'imagerie et la symbolique républicaines de 1789 à 1880, Paris, Flammarion, 1979.
Paul Bénichou, Les Mages romantiques, Paris, Gallimard, 1988.
Christopher Clark, 1848. Le Printemps des peuples. Se battre pour un monde nouveau, Paris, Flammarion, 2024 [2023].
Quentin Deluermoz, Emmanuel Fureix, Clément Thibaud, Les Mondes de 1848. Au-delà du Printemps des peuples, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2023.
Alexandre de Vitry, Le Droit de choisir ses frères ? Une histoire de la fraternité, Paris, Gallimard, 2023.
Samuel Hayat, Quand la République était révolutionnaire, Paris, Seuil, 2014.
Victor Hugo, Choses vues, Paris, Gallimard, 2002 [1887 et 1900].
Id., Actes et paroles, in Œuvres complètes, t. I-IV, Paris, Hetzel et Quantin / Société d'éditions littéraires et artistiques, 1882-1885.
Silyane Larcher, L'Autre Citoyen. L'idéal républicain et les Antilles après l'esclavage, Paris, Armand Colin, 2014.
Karl Marx, Les Luttes de classes en France, 1848-1850, Paris, Gallimard, 2002 [1850].
John Merriman, The Agony of the Republic. The Repression of the Left in Revolutionary France, 1848-1851, Naw Haven-Londres, Yale University Press, 1978.
Michèle Riot-Sarcey, Le Procès de la liberté. Une histoire souterraine du XIXe siècle en France, Paris, La Découverte, 2016.
Guy Rosa, « La République universelle, paroles et actes de V. Hugo », Communication au Groupe Hugo, Université Paris-Cité, 26 septembre 1992.
Raymond Rütten, Republik im Exil. Frankreich 1848 bis 1851: Marie-Cécile Goldsmid — Citoyenne und Künstlerin — im Kampf um eine République universelle et sociale, Hildesheim, Olms, 2012.
Pierre Rosanvallon, Le Sacre du citoyen. Histoire du suffrage universel en France, Paris, Gallimard, 1992.
Nelly Schmidt, Victor Schoelcher, Paris, Fayard, 1994.
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04 - Au nom de l'universel : crises et héritages - « Étonner et consoler le monde » : aux origines de l'impérialisme culturel
Intervenant :
Antoine Lilti
Professeur du Collège de France
Résumé :
Après un rapide retour sur l'expédition d'Égypte et sur la notion d'orientalisme, cette séance explore l'émergence de l'impérialisme culturel français sous Napoléon, en montrant comment les idéaux universalistes et civilisateurs des Lumières ont été transformés en un projet impérial visant à uniformiser l'Europe sous domination française. L'analyse s'appuie sur les travaux des historiens britanniques Stuart Woolf et Michael Broers ainsi que sur des recherches récentes consacrées aux confiscations (notamment le projet de réunir à Paris les « archives du monde »), à la centralisation administrative dans les territoires « réunis » (ou annexés) et aux politiques de francisation culturelle (par exemple à travers le théâtre).
On revient sur l'expression « La Grande nation », qui a connu un succès important entre 1797 et 1800, popularisée par Bonaparte, dans un contexte d'enthousiasme patriotique et de transformation du discours sur la nation, celle-ci étant de plus en plus identifiée à son destin expansionniste au détriment de sa définition démocratique. « La grande nation est appelée à étonner et consoler le monde », affirmait Bonaparte, revendiquant la mission universelle de la France. L'Empire hérite ainsi d'un double héritage : celui des Lumières, autour de la notion de « civilisation », celui de la Révolution et de son projet émancipateur. L'un et l'autre sont toutefois vidés de leur lien à la liberté, mis au service d'un État centralisateur et de la gloire propre de l'Empereur.
La politique d'uniformisation juridique, politique et culturelle a néanmoins suscité des résistances, non seulement dans les territoires conquis mais aussi en France. Une des critiques les plus fortes est venue de Benjamin Constant, qui dénonçait le culte de l'uniformité et plaidait pour le respect de la diversité, dans son pamphlet de 1814 De l'esprit de conquête et de l'usurpation. C'est un autre héritage des Lumières, libéral et cosmopolite, qui était ainsi mobilisé contre les dynamiques autoritaires et les tentations de l'impérialisme culturel.
Références des œuvres citées dans le cours
David Bell, La Première Guerre totale. L'Europe de Napoléon et la naissance de la guerre moderne, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2010 [2007].
Alexander Bevilacqua, «A Dragoman and a Scholar: French Knowledge-Making in the Mediterranean from Old Regime to Bonaparte », The Journal of Modern History, n° 94/2, 2022, p. 247-287.
Philippe Bourdin, « Divertissement et acculturation en temps de campagne. Le théâtre français en Égypte (1798-1801) », Dix-huitième siècle, n° 49(1), p. 159-180.
Michael Broers, The Napoleonic Empire in Italy, 1796-1814. Cultural Imperialism in a European Context?, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2005.
Jean-Luc Chappey, La Société des observateurs de l'homme (1799-1804). Des anthropologues au temps de Bonaparte, Paris, Société des études robespierristes, 2002.
Benjamin Constant, De l'esprit de conquête et de l'usurpation, dans leurs rapports avec la civilisation européenne, Paris, Lenormant, 1814.
Maria Pia Donato, Les Archives du monde. Quand Napoléon confisqua l'histoire, Paris, PUF, 2019.
Victoria de Grazia, Irresistible Empire. America's Advance through Twentieth-Century Europe, Cambridge (MA), Harvard University Press, 2006.
Jean-Yves Guiomar, « Histoire et signification de "la grande nation'', août 1797-automne 1799 : problèmes d'interprétation », in Jacques Bernet, Jean-Pierre Jessenne, Hervé Leuwers (dir.), Du Directoire au Consulat, 1. Le lien politique local dans la grande nation, Villeneuve d'Ascq, ANRT, Lille 3, 1999, p. 317-328.
Id., « La grande nation, est-ce encore la nation ? », in Jacques Bernet, Jean-Pierre Jessenne, Hervé Leuwers (dir.), Du Directoire au Consulat, 2. L'intégration des citoyens dans la grande nation, Villeneuve d'Ascq, ANRT, Lille 3, 2000, p. 15-25.
Sybille Jauffret-Derville, Jean-Michel Venture de Paradis, drogman et orientaliste (1739-1799), Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2024.
Annie Jourdan, Napoléon. Héros, impérator, mécène, Paris, Aubier, 1998.
Aurélien Lignereux, Les Impériaux. Administrer et habiter l'Europe de Napoléon, Paris, Fayard, 2019.
Rahul Markovits, Civiliser l'Europe. Politiques du théâtre français au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 2014.
Edward W. Said, L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident, Paris, Points Seuil, 2015 [1978].
Bénédicte Savoy, Patrimoine annexé. Les biens culturels saisis par la France en Allemagne autour de 1800, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme, 2003.
Herbert Schiller, Communication and Cultural Domination, New York, Routledge, 2018 [1976].
Jean Starobinski, Montesquieu, Paris, Seuil, 2024 [1953].
Stuart Woolf, «French civilization and ethnicity in the Napoleonic Empire», Past & Present, n° 24, 1989, p. 96-120.
Id., Napoléon et la conquête de l'Europe, Paris, Flammarion, 1990.
Id., «The construction of a European world-view in the Revolutionary-Napoleonic years», Past & Present, n° 137, 1992, p. 72-101.
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03 - Au nom de l'universel : crises et héritages - La politique égyptienne de Bonaparte : Lumières, Islam et colonisation
Intervenant :
Antoine Lilti
Professeur du Collège de France
Résumé :
L'hypothèse qui guide cette séance (et la suivante) est que la période napoléonienne est un jalon essentiel pour comprendre la transformation des langages de l'universel hérités des Lumières et leur reprise dans un contexte impérialiste. Nous commençons par l'expédition d'Égypte (1798-1801), en nous intéressant tout particulièrement à la politique de Bonaparte à l'égard des musulmans. Dès ses premières proclamations, le général républicain n'a cessé de se référer à l'Islam et au Coran, allant jusqu'à affirmer que les soldats français étaient « de vrais musulmans » et que lui-même envisageait de se convertir. Faut-il y voir de l'hypocrisie stratégique et du machiavélisme politique ou un nouvel impérialisme permis par la sécularisation de la pensée européenne ? Il convient de mettre en perspective cette politique, qui était sans doute davantage qu'une rhétorique, avec les mutations des images de l'Islam au XVIIIe siècle, et tout particulièrement celle de Mahomet, perçu à la fin du siècle comme un grand législateur et un fondateur d'empire. On peut alors revenir à l'expédition pour mieux comprendre ses ambivalences, entre le rêve universaliste d'une régénération de l'Égypte par la liberté politique, d'une part, et la volonté d'assimilation culturelle par adhésion à la Grande Nation, de l'autre. Finalement, et malgré l'impulsion décisive donnée à l'égyptologie savante, il faut aussi prendre la mesure, en se tournant vers des sources arabes et ottomanes, de l'échec que furent l'invasion et l'occupation de l'Égypte.
Références des œuvres citées dans le cours :
Mohamad Amer Meziane, Des empires sous la terre. Histoire écologique et raciale de la sécularisation, Paris, La Découverte, 2021.
Talal Asad, Formations of the Secular. Christianity, Islam, Modernity, Stanford, Stanford University Press, 2003.
Alexander Bevilacqua, The Republic of Arabic Letters. Islam and the European Enlightenment, Cambridge (MA), Harvard University Press, 2018.
Faruk Bilici, L'Expédition d'Égypte, Alexandrie et les Ottomans. L'autre histoire, Alexandrie, Centres d'Études Alexandrines, 2017.
Jacques-Olivier Boudon, La Campagne d'Égypte, Paris, Belin, 2018.
Henri de Boulainvilliers (comte de), La Vie de Mahomed, Londres, [s. n.], 1730.
Marie-Noëlle Bourguet, Bernard Lepetit, Daniel Nordman et Maroula Sinarellis (dir.), L'Invention scientifique de la Méditerranée, Égypte, Morée, Algérie, Paris, éditions de l'EHESS, 1988.
Patrice Bret (dir.), L'Expédition d'Égypte, une entreprise des Lumières, 1798-1801. Actes du colloque international 8-10 juin 1998, Paris, Techniques et Documentation, 1999.
Juan Cole, La Véritable Histoire de l'expédition d'Égypte, Paris, La Découverte, 2017.
Ian Coller, « Policing Muslims under the Directory: Republican Universalism and the Edicts of Pluviôse 1799 », French Historical Studies, n° 47 (4), 2024, p. 591–609.
Henry Laurens, L'Expédition d'Égypte, 1798-1801, Paris, Points Seuil, 1997.
Id., « Napoléon et l'Islam », Orientales I, Paris, CNRS Éditions, 2004, p. 147-164.
Emmanuel de Pastoret, Zoroastre, Confucius et Mahomet, comparés comme Sectaires, Législateurs, et Moralistes, avec le Tableau de leurs Dogmes, de leurs Lois & de leur Morale, Paris, Buisson, 1787.
Abd-al-Rahman al-Jabartî, Journal d'un notable du Caire durant l'expédition française, 1798-1801, éd. de Joseph Cuoq, Paris, Albin Michel, 1979.
Julien Loiseau, Les Mamelouks, une expérience de pouvoir dans l'Islam médiéval, XIIIe-XVIe siècle, Paris, Seuil, 2014.
André Raymond, Égyptiens et Français au Caire, 1798-1801, Le Caire, IFAO, 1998.
John Tolan, Mahomet l'Européen. Histoire des représentations du Prophète en Occident, Paris, Albin Michel, 2018.
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Antoine Lilti
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Histoire des Lumières, XVIIIe-XXIe siècle
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