Avsnitt

  • Mille-neuf-cent-trente-deux est une annĂ©e de problĂšme technique dans l’automate littĂ©raire. Deux pannes vont se succĂ©der coup sur coup. C’est d’abord Gallimard qui rate le manuscrit du Voyage au bout de la nuit de CĂ©line et c’est ensuite le prix Goncourt qui rate CĂ©line. Le rĂ©sultat va faire grand bruit.

    On s’écharpe dans la presse, on s’accuse, on s’insulte, on use de droit de rĂ©ponse et finalement on porte plainte. Lucien Descaves sous-entend que cette affaire est politique, que les amitiĂ©s entre l’édition et la presse sont suffisantes pour imposer les choix. Dans Crapouillot, un journaliste accuse Rosny aĂźnĂ© de vendre chaque annĂ©e sa voix. Un autre journal parle de complot menĂ© par Roland DorgelĂšs – autre membre du jury Goncourt
 L’affaire CĂ©line se porte Ă  merveille, des mois aprĂšs la parution du roman.

    Une chose est sĂ»re, Gallimard et le Goncourt ne doivent pas se tromper pour la nouvelle annĂ©e. Vient donc le temps des candidats pour la cuvĂ©e 33 et l’on trouve parmi eux des dĂ©butants comme des auteurs confirmĂ©s et parmi eux un inconnu de trente-cinq ans dont le premier roman, L’indiffĂ©rence perdue, n’est pas moins tapageur que celui de CĂ©line. La polĂ©mique commence dans les journaux ! Des dizaines d’articles, un : Pour ou contre L’indiffĂ©rence perdue dans le journal Marianne. On le compare Ă  Ă  de multiples reprises Ă  CĂ©line, mais « un CĂ©line lyrique. »

    Pour les uns, c’est une horreur absolue, la logorrhĂ©e d’un fou sans doute ; pour les autres, c’est la marque du gĂ©nie et d’un Ă©crivain en avance sur son temps
 C’est en tout cas un roman unique qui n’eut aucun aĂŻeul et n’aura aucun descendant. Ce qu’on appelle aujourd’hui un ovni. Alors, un siĂšcle plus tard : grand roman ou roman illisible ?

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  • Le festin de l’urubu (Gallimard, 1958) est le troisiĂšme roman de Pierre Adrien Ekman. L’auteur dont on ne connait rien ou presque Ă  propos de la brĂšve carriĂšre littĂ©raire (cinq romans entre 1956 et 1960 puis un dernier en 1964 qui ressemble Ă  une commande) semble avoir Ă©tĂ© marin et voyageur. GrĂące Ă  Edgar Maufrais, on sait qu’il a travaillĂ© en 1953 dans l’hĂŽtel Amazonas de Manaos, mĂ©galopoles des fuyards, aux portes de l’enfer vert amazonien.

    Edgar Maufrais et Pierre Adrien Ekman se sont rencontrĂ©s dans cet hĂŽtel alors que le vieil homme Ă©tait lancĂ© sur les traces de son fils disparu, le cĂ©lĂšbre journaliste et explorateur Raymond Maufrais. C’est Ă  ce pĂšre dĂ©sargentĂ©, dĂ©terminĂ© et infatigable qu’Ekman a dĂ©diĂ© son roman. Il passe et repasse dans ce livre, briĂšvement, nommĂ© ou non, comme une Ăąme en peine que rien ne soulage.

    Ce sont des hommes de la sorte qu’Ekman met en scĂšne dans son roman. Des hommes qui cherchent, des hommes qui partent, d’autres qui fuient. La chaleur, la sĂ©cheresse, la solitude, les regrets ou les remords
 sans cesse la culpabilitĂ©. L’un croit pouvoir trouver une citĂ© perdue mythique dans la forĂȘt vierge, l’autre une Ă©trange liane tueuse
 Tous se retrouveront d’une maniĂšre ou d’une autre dans l’enfer vert, le tombeau vĂ©gĂ©tal qui est le personnage principal de la littĂ©rature anthropophage d’Ekman.

    Le vol de l’urubu-roi qui assiste Ă  toute cette aventure, la transhumance d’une colonie de fourmis gĂ©antes, le dernier voyage d’une pirahiba empoisonnĂ©e par un repas, ce sont autant de protagonistes qui valent les hommes parce qu’ils finissent de la mĂȘme maniĂšre : dĂ©vorĂ©s par l’antique GaĂŻa passionnĂ©e et indiffĂ©rente du sort de ses enfants car telle est aussi la littĂ©rature de Pierre Adrien Ekman, une noble tentative de rĂ©Ă©crire les mythes primordiaux sous de lointaines latitudes pour les transformer en lĂ©gende du bout du monde.

    Ramuz, Céline, voilà pour le style. Quant à la technique, elle est excellente avec ces inlassables thÚmes qui reviennent, se répondent, se transforment. Un roman remarquable, un roman de la « chaleur panique, de celle qui pousse des hommes joyeux le matin à se pendre le soir. »


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  • Robert Margerit (1910-1988) est sans doute celui qui explora le mieux le dĂ©sir au vingtiĂšme siĂšcle. C’est tout un dĂ©dale mental que l’auteur couronnĂ© par le Renaudot de 1951 pour son roman (Ă©trangement ?) le moins abouti, Le dieu nu, explora livre aprĂšs livre. Son Ɠuvre est celle de l’absolue tension du dĂ©sir, celle de l’érotisme comme « vestibule de la mort (Mandiargues) ».

    C’est Julien Gracq qui, le premier, Ă©voqua Margerit dans son pamphlet La littĂ©rature Ă  l’estomac en 1950. Avec Sur les falaises de marbre d’Ernst JĂŒnger, voilĂ  les deux seuls romans qu’il sauve de la dĂ©cennie qui vient de s’écouler mĂȘme s’il n’est pas tendre avec l’Ɠuvre de Margerit. Qu’importe, leurs romans discutent, se ressemblent.

    Ce sont deux stylistes avant tout. Mais ce sont deux proches parents aussi. Dans Mont-Dragon, comme dans Au chĂąteau d’Argol, on retrouve ce chĂąteau retirĂ©, cette nature impĂ©rieuse, cette solitude lointaine, ce personnage trouble et cette tension, cette tentation qui ne peut mener qu’au nĂ©ant.

    Car tel est l’enseignement de l’Ɠuvre de Margerit, avant mĂȘme les Ă©tudes de Georges Bataille Ă  propos de l’érotisme ou de celles de Claude Elsen dans l’Homo eroticus. Le dĂ©sir, une fois assouvi, jette l’individu vers une angoisse qu’il ne peut Ă©trangler. Ce sont Ă  la fois les portes de l’amour et du nĂ©ant pour reprendre le titre de l’essai de Roger Nimier. RĂ©aliser un fantasme c’est comprendre que dieu n’existe pas, que le monde n’a plus de valeur et que nous sommes et n’avons jamais Ă©tĂ© que seul.

    Ainsi vont les romans psychologiques de Margerit, de la banalité du désir vers les grimaces métaphysiques.

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  • Catherine GuĂ©rard (1929-2010) n’a Ă©crit que deux romans sous ce pseudonyme. Le premier, Ces princes, publiĂ© en 1955 aux Éditions de la Table Ronde et le second, Renata n’importe quoi, publiĂ© en 1967 chez Gallimard. AprĂšs cela c’est une disparition totale de la littĂ©rature. Elle ne parviendra plus vĂ©ritablement Ă  Ă©crire.

    Renata n’importe quoi concourut Ă  l’époque pour le prix Goncourt qu’il manqua. Il faut dire que l’audace formelle et mĂȘme thĂ©matique du roman est surprenante : une seule phrase qui dure trois jours et deux cents pages environ. Une quĂȘte de libertĂ© qui ne cesse jamais dans une sorte d’odyssĂ©e qui n’est pas sans rappeler celle de James Joyce et de son Ulysse, l’humilitĂ© et la naĂŻvetĂ© en plus.

    Si dans cet Ă©pisode j’étudie Renata n’importe quoi pour en exhumer une partie du sous-texte, de l’ambivalence et de la complexitĂ© cachĂ©e, je n’ai rien Ă  voir avec la dĂ©couverte de Catherine GuĂ©rard. En effet, ce sont deux Ă©diteurs qui sont Ă  l’origine de la rĂ©Ă©dition en 2021 : François Grosso et Renaud BuĂ©nerd des Éditions du Chemin de fer. Cet Ă©pisode est donc aussi l’occasion de raconter en partie la redĂ©couverte de cette romanciĂšre et le processus qui a conduit Ă  sa rĂ©Ă©dition. Qu’il me soit donc permis de remercier François Grosso et Renaud BuĂ©nerd pour les informations qu’ils m’ont transmises.

    Si Renata n'importe quoi est le roman du prĂ©sent pur, s’il est celui qui a sans doute lancĂ© un renouveau de ces textes constituĂ©s d’une seule phrase Ă  la fin des annĂ©es 60 et au dĂ©but des annĂ©es 70, il est aussi un texte de l'errance dans la citĂ© qui a commencĂ© dans les annĂ©es 20 avant de muer au lendemain de la seconde guerre mondiale avant d'Ă©voluer encore vers cette forme moins dĂ©sespĂ©rĂ©e. C'est aussi un texte qui anticipe les prĂ©occupations sociales de l’annĂ©e suivante et celui d’une icĂŽne qui, Ă©trangement n’est pas encore advenue. Difficile de dire pourquoi Renata n’est pas devenue un avatar de diverses luttes politiques ou sociales tant son caractĂšre naĂŻf et dĂ©terminĂ©, libre et sensible, pourrait ĂȘtre un modĂšle.

    Catherine GuĂ©rard du moins a ressuscitĂ©. Ainsi en va-t-il de ces auteurs rares et chanceux qui rencontrent tardivement de probes dĂ©miurges. EspĂ©rons que d’autres ressurgissent avec la mĂȘme dĂ©termination aveugle



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  • RenĂ©-Jean Clot (1913-1997) fut autant romancier que peintre. Il fut autant poĂšte que dramaturge. Autant primĂ© qu’indĂ©cis. Autant algĂ©rois que parisien. RenĂ©-Jean Clot fut beaucoup Ă  la fois et n’est plus rien aujourd’hui. Encore une victime oubliĂ©e de la postĂ©ritĂ©.

    Peintre acharnĂ© et romancier tout autant acharnĂ©, il dĂ©bute en littĂ©rature par le poĂšme et obtient le plus grand prix de poĂ©sie (Mesures) en 1936, dĂ©cernĂ© par Jean Paulhan avec dans le jury Michaux ou encore Supervielle. L’annĂ©e suivante il obtient le prix Paul Guillaume. Sa carriĂšre littĂ©raire semble toute tracĂ©e. Mais le prix Paul Guillaume, s’il est considĂ©rĂ© comme un Goncourt dans son domaine, est un prix de peinture


    Clot peint et Ă©crit, dĂ©chire et publie. Vient la guerre et le retour en AlgĂ©rie. Vient ensuite son premier roman en 1948, Le Noir de la Vigne, saluĂ© peu ou prou par toute la critique d’alors et surtout par Maurice Nadeau qui offre trois colonnes dans le journal Combat Ă  ce dĂ©butant hallucinĂ©. Clot confirme d’annĂ©e en annĂ©e, Ă©crivant presque un roman par saison.

    Ses personnages sont ceux d’une dĂ©mesure, de l’excĂšs. Mais ils ne sont pas insupportables pour autant comme ceux de Radiguet ou de Huguenin car leur auteur n’a aucun orgueil ; il en viendra mĂȘme Ă  arrĂȘter l’écriture en 1964, se trouvant trop mauvais en peinture mais ne souhaitant pas se rĂ©signer Ă  cet Ă©tat de fait. Il perfectionnera donc sa technique pendant vingt ans puis reviendra Ă  la littĂ©rature en 1984 avec un nouveau roman et en 1987 avec son plus connu, L’enfant HallucinĂ©, qui obtiendra le prix Renaudot. Critique unanime et dithyrambique Ă  nouveau.

    Mais pourquoi ne s’imposa-t-il pas malgrĂ© un style Ă  nul autre pareil (exceptĂ© Jacques Audiberti) ? Cet Ă©pisode tente d’y rĂ©pondre.

    Et bien sĂ»r, un remerciement posthume Ă  Dominique Daguet pour toutes les informations que j’ai utilisĂ© dans ce podcast.

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  • OP – Épisode 21 : Paille, rien que paille (Le Vent d’Autan (1961), Guillaume GaulĂšne)

    Guillaume GaulĂšne (1887-1979) fut romancier par pĂ©riode. Il Ă©crivit une huitaine de roman entre 1913 et 1935 puis se tut pendant vingt-cinq ans. Pourquoi ? La correspondance que j’ai menĂ©e avec l’un de ses petites-filles, que je remercie encore une fois plus que chaleureusement, m’a permis de le dĂ©couvrir. Les raisons sont Ă©voquĂ©es en filigrane et de maniĂšre digne et Ă©mouvante dans Le Vent d’Autan (1961), ce sombre et magnifique roman mettant en scĂšne un jeune retraitĂ©, M. ClĂ©ment, que les souvenirs rattrapent et ne lĂąchent plus, ainsi que ce vent des fous qui semble ne jamais vouloir cesser.

    Guillaume GaulĂšne revint donc Ă  la littĂ©rature en 1961 et publia deux autres romans en 1962 et 1964. L’assaut d’abord, douloureuse histoire de possession dĂ©moniaque, et Le saut pĂ©rilleux, roman testamentaire qui Ă©voque une nouvelle fois un vieil homme que ses souvenirs rattrapent, un vieil homme qui ne peut se dĂ©faire du prĂ©sent et qui voudrait tant disparaitre dans son passĂ©e. 1962 vit aussi la rĂ©Ă©dition chez Gallimard de son roman Le mĂ©morial secret qui avait d’abord paru chez Rieder en 1926.

    Ce roman parcouru par la destruction qui Ă©voque des jeunes hommes de retour de la guerre dans un monde dont ils ne savent que faire, en compagnie de femmes qu’ils ne savent aimer, est une fable tragique, proche parente des romans de Philippe Soupault ou de Georges Duhamel, dans cette dĂ©cennie de l’inquiĂ©tude, du « nouveau mal du siĂšcle. » L’expression est de Marcel Arland, la tĂȘte pensante de la NRF ; c’est Marcel Arland aussi qui rapprochera dans un article ce roman du Voyage au bout de la nuit de CĂ©line parut six ans plus tard. On y retrouve avant l'heure la ponctuation erratique ainsi que les dĂ©fis lancĂ©s Ă  la face de ce monde pourrissant.

    Cet Ă©pisode est enfin l’occasion d’évoquer d’autres auteurs du vent ; mais aucun n’atteint l’ironie glacĂ©e du Vent d’Autan ou la poussiĂšreuse agonie de The Wind de Dorothy Scarborough.

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  • Cet Ă©pisode est le second d'une sĂ©rie de quatre. Il est plus intĂ©ressant de l'Ă©couter aprĂšs le premier mais peut-ĂȘtre compris seul.

    Ainsi que je l'évoquais voilà un an dans le prologue de ce podcast intitulé Cartographie de l'absence, nous allions partir à la découverte d'un continent immergé de la littérature : les romanciers oubliés du XXÚme siÚcle. AprÚs vingt épisodes et un hors-série il est temps de faire une premiÚre escale sur cet iceberg.

    Cette sĂ©rie se dĂ©clinera en quatre parties : deux dĂšs Ă  prĂ©sent consacrĂ©s Ă  un iceberg objectif des auteurs du vingtiĂšme siĂšcle en France (quelques francophones se sont glissĂ©s tout de mĂȘme dans l'Ă©mission) en fonction de la postĂ©ritĂ© telle qu'elle nous apparait en ce moment et Ă  tous et deux dans quelques mois consacrĂ©s Ă  le rĂ©organisation de cet iceberg en fonction de mes lectures, mes connaissances, mes goĂ»ts afin de rĂ©Ă©valuer l'apport de nos idoles comme de nos pestifĂ©rĂ©s.

    Emission bien plus ludique que les habituelles études, il n'y aura à trouver dans les deux premiÚres parties, au-delà de l'énumération, que quelques informations, quelques anecdotes à propos de tel ou tel auteur ; c'est bien plus dans les deux parties finales que nous entrerons en profondeur dans les qualités, les apports, les innovations, la singularité de langue (etc.) de chaque auteur évoqué.

    A l'eau !


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  • Ainsi que je l'Ă©voquais voilĂ  un an dans le prologue de ce podcast intitulĂ© Cartographie de l'absence, nous allions partir Ă  la dĂ©couverte d'un continent immergĂ© de la littĂ©rature : les romanciers oubliĂ©s du XXĂšme siĂšcle. AprĂšs vingt Ă©pisodes et un hors-sĂ©rie il est temps de faire une premiĂšre escale sur cet iceberg.

    Cette sĂ©rie se dĂ©clinera en quatre parties : deux dĂšs Ă  prĂ©sent consacrĂ©s Ă  un iceberg objectif des auteurs du vingtiĂšme siĂšcle en France (quelques francophones se sont glissĂ©s tout de mĂȘme dans l'Ă©mission) en fonction de la postĂ©ritĂ© telle qu'elle nous apparait en ce moment et Ă  tous et deux dans quelques mois consacrĂ©s Ă  le rĂ©organisation de cet iceberg en fonction de mes lectures, mes connaissances, mes goĂ»ts afin de rĂ©Ă©valuer l'apport de nos idoles comme de nos pestifĂ©rĂ©s.

    Emission bien plus ludique que les habituelles études, il n'y aura à trouver dans les deux premiÚres parties, au-delà de l'énumération, que quelques informations, quelques anecdotes à propos de tel ou tel auteur ; c'est bien plus dans les deux parties finales que nous entrerons en profondeur dans les qualités, les apports, les innovations, la singularité de langue (etc.) de chaque auteur évoqué.

    A l'eau !


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  • Personne mieux que Charles-Ferdinand Ramuz (1878-1947) n’aura Ă©crit Ă  propos de la terre, de la communautĂ© des hommes simples qui vivent avec et contre elle. Cette terre qui est la sienne, qui est celle du canton de Vaud en Suisse, qui est partagĂ©e entre le Lac LĂ©man et les montagnes des Alpes, c’est une terre de gens humbles, de croyances qui donnent vie aux malĂ©dictions comme aux miracles, c’est une terre Ă  la fois magique et maudite.

    Ramuz est un des plus grands Ă©crivains du vingtiĂšme siĂšcle. Il a inventĂ© un langage nouveau pour Ă©voquer les Ă©motions de son coin de Suisse, a acceptĂ© de mal Ă©crire, de dĂ©chirer la langue française pour ĂȘtre au plus prĂšs de ce que rĂ©clamait sa conception de la littĂ©rature. RĂ©pĂ©titions, concordance des temps hasardeuse, inversion de l’emploi des auxiliaires, abus des conjonctions de coordinations et de certains adverbes
 Pourtant, ses romans sont lumineux.

    Ils sont lumineux parce qu’ils Ă©voquent le sang de chaque naissance, parce qu’ils donnent une voix et une mĂ©moire Ă  ceux qui ne s’expriment guĂšre et qui Ă©voquent les tragĂ©dies du ciel ou les maladies de la vigne pour parler d’eux. Ils sont lumineux parce qu’ils transforment les craintes en rĂ©alitĂ© mais aussi les espoirs en rĂ©alitĂ©. Beaucoup des romans de Ramuz sont apocalyptiques, Ă  la fois rĂ©vĂ©lation et fin des temps – ce qui ne signifie pas pour l’auteur destruction mais renouvellement.

    Il faudrait lire Ramuz parce que ses livres sont simples, courts et immĂ©diats. Parce qu’ils sont bercĂ©s de mythes, de surnaturel, de fantastique. Parce qu’ils cachent tout un sous-texte riche d’études, parce qu’ils ont fait fi de la rĂ©putation, des banquets parisiens et des compromissions. Il faudrait lire Ramuz parce qu’il fut solitaire et parce qu’un solitaire qui a tant donnĂ© aux humbles mĂ©rite sans doute qu’on honore sa mĂ©moire.


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  • Certains textes ressemblent Ă  des monuments. Ils le sont en raison de leurs proportions titanesques, de ce corps serrĂ©, de ces 850 pages, bien sĂ»r, mais ils le sont aussi et surtout en raison de la chair des pages, de ces vaisseaux qui les parcourent, de ce sang dĂ©chainĂ© qui voudrait mettre sous tous les yeux l’histoire de ses origines mais qui ne trouvent que de rares lecteurs – Ă©merveillĂ©s et possĂ©dĂ©s, sans doute, mais seuls, bien trop seuls


    La Gana est une force primordiale qui prĂ©cĂšde la conscience ; la Gana est une force tellurique qui voudrait s’unir Ă  l’esprit des hommes. « La Gana est Ă  la fois la plus forte des forces et la plus faible des faiblesses – puissance originelle et impuissance tout ensemble. » « La Gana est aveugle. Toute sa vie s’épanouit en formations discontinues et exclusives. » Ces mots sont d’Hermann von Keyserling, ces mots sont tirĂ©s des MĂ©ditations sud-amĂ©ricaines qu’il publia en 1932. Ce sont ceux que Jean Douassot, alias Fred Deux, met en exergue de son roman.

    Mais la Gana c’est aussi et surtout l’existence d’Alfred, l’enfant d’une dizaine d’annĂ©es qui raconte l’histoire de ses jours, au sein de sa famille, entre son pĂšre qui sombre dans l’alcool, sa mĂšre qui joue au chantage de l’amour, son oncle anarchiste et suicidaire et sa grand-mĂšre aveugle ou presque qu’il n’aime pas. C’est l’existence dans une cave, lĂ  oĂč vit la famille, sans cesse sous la menace des inondations puisqu’une mince plaque d’acier les sĂ©pare des Ă©gouts, Ă  deux pas de la Seine, les sĂ©pare des rats pesteux qui mĂšnent une croisage contre les Alfred.

    Roman magique de l’enfance, avec ses peurs et son enthousiasme, avec ses Ă©checs et son existence buissonniĂšre, roman de l’organique total – Ă  l’instar d’un autre livre parut en 1958 : Extraits du corps de Bernard NoĂ«l – et enfin, chef-d’Ɠuvre absolu d’une littĂ©rature qui n’a pas honte de ses origines et ne cherche pas Ă  devenir dogmatique. Une lecture qui dure et qui hante avec ce personnage proprement inoubliable qu’est cet alter Ă©go de l’auteur, ce gamin de dix ans qui est la justesse mĂȘme de la vie malgrĂ© toute l’insalubritĂ© de cette derniĂšre !

    ____________________

    Crédits :

    EpidemicSound


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  • Peu avant sa mort, Marcelle Sauvageot (1900-1934), laissa le soin Ă  ses amis et admirateurs de publier son unique texte, texte sans nom, sans titre, sobrement intitulĂ© Commentaire (et renommĂ© Laissez-moi pour les rĂ©Ă©ditions rĂ©centes), texte sans genre bien dĂ©fini : lettre sans destinataire, pages de journal intime, rĂ©cit


    Dans ce court texte de soixante-dix pages, Marcel Sauvageot analyse ce que fut pour elle l’amour. L’amour qu’elle Ă©prouva pour BĂ©bĂ©, l’amour que BĂ©bĂ© Ă©prouva pour elle avant, sans doute lassĂ© par une Ă©niĂšme cure en sanatorium, de lui envoyer cette missive cinglante autant que salvatrice : « Je me marie
 notre amitiĂ© demeure
 »

    Le podcast dure quarante minutes pourtant il ne dĂ©fendra jamais mieux le texte qu’il ne le fait lui-mĂȘme tant l’acuitĂ© des rĂ©flexions, la justesse du ton et la probitĂ© de l’auteure semblent sans faille. Ces pages de dĂ©sillusion et de renaissance sont admirables et peut-ĂȘtre exceptionnelles. Lecture courte mais obsĂ©dante, lecture qu’on sait pouvoir recommencer des dizaines de fois.

    Cependant, si le texte est une longue rĂ©ponse au compagnon en fuite il est aussi une tentative d’apprivoisement de l’état d’esprit du malade. La tuberculose, Ă  cette Ă©poque sans antidote, est avant tout une ruine du corps. Toux, fatigue, maigreur
 BientĂŽt, ne reste rien, ni de l’environnement, ni de l’organisme de Marcelle Sauvageot. Le texte devient conscience pure et maladie pure.

    C’est pourquoi j’ai dĂ©cidĂ© de le rapprocher du non moins admirable roman Les heures silencieuses (1934) du plus oubliĂ© encore Robert de Traz (1884-1951), roman qui tente de comprendre la maladie et l’aspiration Ă  n’ĂȘtre plus qu’une Ăąme pour les malades, condamnĂ©s ou non, ce qui semble devenir la vĂ©ritable vie. Sans oublier, en filigrane, SiloĂ© de Paul Gadenne, La montagne magique de Thomas Mann, Les captifs de Joseph Kessel, Les allongĂ©s de Jeanne Galzy, Etes-vous fous ? de RenĂ© Crevel
 tous ces romans qui forment, selon l’expression (dĂ©prĂ©ciative) d’Emmanuel Berl : la littĂ©rature de sanatorium.

    En hommage Ă©mu Ă  tous ces disparus de la mort blanche



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  • Le projet Ă©tait beau : laisser Ă  douze auteurs le soin de composer un roman, chacun Ă©crivant un chapitre dont le numĂ©ro aurait Ă©tĂ© tirĂ© au sort au prĂ©alable. On ne dĂ©ciderait de rien avant les premiers mots : ni style, ni personnage, ni histoire
 Rien que l’imagination et quelques rĂšgles de base pour la bonne tenue de l’entreprise. Et l’on dĂ©couvrirait seulement au moment de la rĂ©daction de son chapitre ce que nos partenaires auraient Ă©crit avant nous.

    Que pouvions-nous donc attendre d’un roman signĂ© de douze maĂźtres de leur Ă©poque (Jules Romains, Louise de Vilmorin, AndrĂ© Berry, AndrĂ© Beucler, Pierre Bost, Jean-Louis Curtis, Jean Dutourd, Yves Gandon, Michel de Saint-Pierre, Gilbert Sigaux, Paul Vialar, Alexandre Vialatte), d’un roman signĂ© par des auteurs qui convoquent Ă  eux seuls seize prix littĂ©raires ?

    Du gĂ©nie bien sĂ»r. Du sĂ©rieux. De l’originalitĂ©. Des tonalitĂ©s singuliĂšres. Nous n’aurons que de la confiture aux lettres. Il faut malheureusement le concĂ©der : Le roman des Douze est un assez mauvais roman. Une parodie malgrĂ© elle de roman d’espionnage. Un pastiche de roman mĂ©tatextuel. Un jeu qui tourne Ă  la mascarade.

    RenĂ© Julliard, l’éditeur du projet, n’en Ă©tait pas Ă  son coup d’essai. En 1954 il succĂ©dait Ă  Bernard Grasset qui avait publiĂ© Le diable au corps de Raymond Radiguet en Ă©ditant Bonjour tristesse de Françoise Sagan. En 1956 il rĂ©itĂšre le coup d’éclat en publiant les Ă©crits de Minou Drouet, poĂšte de huit ans
 Alors pour 1957 rĂ©diger un roman Ă  la maniĂšre d’un cadavre exquis, le tout sous le patronage de Jules Romains, n’était-ce pas encore le gage d’une annĂ©e commercialement rĂ©ussie ?

    Pourquoi ce roman devint un Ă©chec ? Que pouvait laisser prĂ©sager le premier chapitre ? OĂč se situe le glissement progressif du sĂ©rieux vers le carnavalesque ? C’est tout ce que cet Ă©pisode se propre d’étudier !

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    Spoiler (ma proposition, chapitre par chapitre) :

    1 : Jules Romains

    2 : Alexandre Vialatte

    3 : Yves Gandon

    4 : Louise de Vilmorin

    5 : Paul Vialar

    6 : André Berry

    7 : Jean Dutourd

    8 : Michel de Saint-Pierre

    9 : Pierre Bost

    10 : André Beucler

    11 : Jean-Louis Curtis

    12 : Gilbert Sigaux

    Note sur 12 : inconnue/12

    Je n’ai Ă  ce jour pas trouvĂ© le vĂ©ritable ordre ! Mais les recherches sont encore en cours (j’actualiserai ce message une fois la rĂ©ponse obtenue).


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  • Au commencement, il y’a le hasard. Il y’a l’homme qui tourne les pages, celui qui commande les antiques revues, qui cherche le roman terminal, l’écrivain ultime. Au commencement, il y’a l’injustice et la rĂ©volte, le plaisir et la honte, le fruit sans dĂ©faut qu’on cueille Ă  la place de l’autre, du vĂ©rolĂ©, de l’impur pourtant si riche et discret.

    Viennent ensuite les découvertes, les paysages qui se dressent avec lyrisme ou existentialisme, dans la fantasmagorie du surréalisme et la tragédie des deux guerres. Viennent les patronymes fantaisistes, inconnus de tous et pourtant éternels hier encore. Viennent les ravissements et les déceptions, les orfÚvres sans voix et les démagogues aux longues langues.

    Ce seront Les lettres nouvelles. Ce sera Maurice Nadeau. Ce sera un nom familier et un prĂ©nom immortel, ce seront Hubert Gonnet et Karl. C’est 1953, comme Le temps des morts et Les bĂȘtes de Pierre Gascar, lui aussi publiĂ© dans la revue du jeune homme.

    Oh, ce seront les pages jaunies et les vieilles formules, l’absence de ponctuation et le flux de conscience. Ce seront les verdeurs de Proust et les maturitĂ©s de Joyce. Mais ce seront aussi les moiteurs d’Artaud et les appĂ©tits du comte de LautrĂ©amont, invisibles ou presque encore.

    Creuse les mots et emporte le sens. Chaque jour et chaque heure, au soleil sacerdotal de la littĂ©rature. Je ne suis plus qu’un pantin que gonfle le sang des Ă©crivains oubliĂ©s. Je vois dans chaque crĂ©puscule des funĂ©railles indues et dans chaque aube des couronnements Ă©phĂ©mĂšres. Je suis Ă  mes profanations, bien trop lents pour rivaliser. La terre des idoles nous recouvre chaque jour davantage.

    Hubert Gonnet (1924-1998) est le comte de LautrĂ©amont du vingtiĂšme siĂšcle. Il a rĂ©Ă©crit Les chants de Maldoror avec Voyage au Strömland (1969). Il a sondĂ© l’abysse, la noirceur de l’ñme, le geste gratuit des apparences et pourtant plus lourd que le monde dans l’intimitĂ©. Il a inscrit dans les lettres l’un de plus violent combat de l’ñme dans Le grand scandale (1966).

    Il a Ă©crit quinze annĂ©es puis a disparu en 1969, trente ans avant de mourir. Qu’est-il devenu ? Qu’est-il devenu ? Avant-nous seulement un semblant de rĂ©ponse ? Ne reste qu’à Ă©couter la voix de celui qui tourne les pages.

    Et Ă  remercier, infiniment, les ayants droits d’Hubert Gonnet pour leur sympathie et leur gĂ©nĂ©rositĂ©.


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  • OP – Épisode 15 : Le monde en feu (Violences (1944), Pierre Molaine)

    Pierre Molaine (1906-2000) est l’un de nos plus grands Ă©crivains de guerre. Plus que cela, il est sans doute l’un de ceux qui aura le mieux mis en scĂšne la colĂšre et la violence, qu’elles soient liĂ©es aux champs de bataille, Ă  la personnalitĂ© d’un homme ou consubstantielle Ă  l’humanitĂ©. Dans les tanks, dans un hĂŽpital, dans la paresse ou la vengeance, partout le monde s’enflamme sous la plume de Molaine.

    Plus qu’un tĂ©moin de guerre, plus qu’un sondeur d’abĂźme, il est aussi un styliste extraordinaire qui cisĂšle une langue brĂ»lante, fougueuse, marquante. Il maĂźtrise Ă  la perfection son outil. Par la voix presque exclusivement Ă  la premiĂšre personne de ses nombreux romans il tisonne jusqu’à nos Ăąme pour y graver une malĂ©diction sans fin. Lire Molaine c’est entrer en guerre avec les mots, sans savoir s’ils sont nos alliĂ©s ou nos ennemis, sans savoir si ses personnages sont des monstres de bravoure ou d’inhumanitĂ©.

    Violences raconte le destin sanglant de Ter Korsakoff, de Soltan Attrache et Piotr Petrovitch dont « la laideur pĂ©trifie le monde ». Tous trois forment une Ă©quipĂ©e sauvage rĂ©unie une premiĂšre fois dans la mort que de nouvelles retrouvailles renverront de charniers en charniers jusqu’au seul sort qui vaille pour eux.

    Il faut plonger, oui, il faut plonger au plus bas et ne pas en revenir.

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  • OP – Épisode 14 : Silence de l’écriture (Le Grand Feu (1942), Madeleine Ley)

    Madeleine Ley (1901-1981) a Ă©crit son Ɠuvre en une dĂ©cennie Ă  peine. AprĂšs sa derniĂšre longue nouvelle, Le Grand Feu, il n’y aura plus une phrase, plus un mot. Elle rejoint Arthur Rimbaud, J. D. Salinger, Friedrich Hölderlin et tous les astĂ©roĂŻdes des lettres qui, ayant tout dit ou ne pouvant plus dire, se sont pĂ©trifiĂ©s, victimes de la gorgone du silence. Pour Madeleine Ley ce sont les yeux de la maladie qui seront Ă  l’Ɠuvre. PrĂ©sente depuis bien longtemps, Ă©voquĂ©e par la romanciĂšre comme son double, incurable Ă  la suite de la seconde guerre mondiale.

    Le Grand Feu met en scĂšne une jeune adolescente, Marietta, que le dĂ©cĂšs de son pĂšre laisse presque orpheline. Recueillie par son grand-pĂšre, elle quitte Marseille et s’élĂšve, s’élĂšve dans les montagnes de l’arriĂšre-pays. LĂ , en compagnie de Reine, sa cousine, commence une vie d’espaces infinis, une vie bercĂ©e par le murmure des torrents, le craquement de la terre et le parfum des narcisses. L’amour ressemble Ă  l’ange du jugement. Le village Ă  une nouvelle famille.

    Mais le paradis est Ă©phĂ©mĂšre et bientĂŽt un incendie se dĂ©clare. Il faut alors trouver et dĂ©truire le fautif car l’on lapide les criminels par nĂ©gligence dans cette vallĂ©e. C’est 1885. C’est le repli d’un hameau sur la vengeance. C’est une lutte sans pitiĂ© entre les quatre Ă©lĂ©ments qui tour Ă  tour s’abreuvent Ă  l’orient d’Eden et dĂ©pĂ©rissent dans les brasiers de l’enfer.

    Ode Ă  la nature, manifeste de la jeunesse mais aussi sirĂšnes des dĂ©mons intĂ©rieurs
 Les lectures symboliques de ce texte sont nombreuses et diverses, entre catholicisme poignant et mĂ©taphores testamentaires. Peu importe le choix qui est fait, la langue est Ă  la fois pure et contaminĂ©e, dĂ©chirĂ©e entre l’aspiration au ciel et l’enlisement infernal.

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  • OP – Épisode 13 : L’avĂšnement du rĂ©cit (Le temps infini (1968), Yvonne Escoula)

    La seconde guerre mondiale aura dans ses assauts dĂ©structurĂ© tout Ă  fait le roman. A l’ombre de sa carcasse Ă  l’agonie c’est le genre du rĂ©cit qui connut son heure de gloire avec une profusion de textes de grandes qualitĂ©s rĂ©digĂ©s pendant une pĂ©riode de vingt ans environ avant que cette forme courte, mystĂ©rieuse et ambivalente, ne connaisse une nouvelle fracturation et n’accouche dans les eaux de sa gangrĂšne d’un sous-genre qui aujourd’hui encore nĂ©crose la littĂ©rature : l’autofiction.

    Yvonne Escoula, en cent-cinquante pages, va rejoindre les bancs majestueux de nos meilleurs artisans en la matiĂšre : Pierre Gascar avec Le Temps des morts (1953), premier Ă©pisode de ce podcast, Jean Cau avec Le meurtre d’un enfant (1965), neuviĂšme Ă©pisode, mais aussi Maurice Blanchot ou Louis-RenĂ© des ForĂȘts.

    Dans Le temps infini (1968), l’esprit d’un homme mourant va soudain se morceler et partir en maraude dans la mĂ©moire, en quĂȘte des ĂȘtres qu’il fut et de tout ceux qu’il rencontra, pour se guĂ©rir peut-ĂȘtre, peut-ĂȘtre pour comprendre ce vingtiĂšme siĂšcle insaisissable auquel il participa de nombreuses maniĂšres, notamment en sauvant une femme juive de la dĂ©portation.

    Ainsi dĂ©livrĂ©s des convenances terrestres, le rĂȘve, les souvenirs et la rĂ©alitĂ© vont bientĂŽt se confondre Ă  l’insu du lecteur sans que l’on sache clairement quels Ă©vĂšnements sont fantasmĂ©s et lesquels sont vĂ©cus. Sans aucune avarice mĂ©taphorique, avec l’espoir le plus vain et bientĂŽt avec une amertume plus grande encore, Yvonne Escoula, multipliant les images impressionnantes et la confusion des sens, a bĂąti un rĂ©cit sans la moindre faille qui met en exergue chuchotĂ©e l’ambivalence du temps infini pour un ĂȘtre de chair : bĂ©nĂ©diction ou malĂ©diction ? « L’impersonnel instant d’éternitĂ© du vide ? » ou « le sud bĂ©ni de la cendre des morts ? » (Roger Gilbert-Lecomte)

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  • OP – Épisode 12 : BĂ©ance existentielle (Le bon apĂŽtre et autres romans (1923-1926), Philippe Soupault)

    Il fut le troisiĂšme mousquetaire du surrĂ©alisme avec AndrĂ© Breton et Louis Aragon. Il fut le coauteur du premier recueil poĂ©tique de ce mouvement, Les champs magnĂ©tiques, publiĂ© en 1919. Il Ă©tait le moins prosĂ©lyte, le moins bornĂ©, le plus libre. Il ne fut pas doctrinaire, ne fut pas politicien. On ne le surnomma pas « le pape », il ne reniera pas son prĂ©nom comme Aragon. Il ne s’occupera pas des idĂ©es ni des hommes mais seulement de littĂ©rature.

    Philippe Soupault fut peut-ĂȘtre le moins bon poĂšte des trois hommes mais le meilleur romancier, et de loin. En Ă  peine trois ans, entre 1923 et 1926, il produisit une Ɠuvre romanesque limpide, implacable et hautement prĂ©monitoire. Car si sa poĂ©sie est parfois joviale ses romans ne le sont pas. Ils s’attaquent Ă  la rĂ©alitĂ© bĂ©ante des individus qui sont nĂ©s avec la premiĂšre guerre mondiale. Ils s’attaquent Ă  la constitution mĂȘme de l’individu aprĂšs les combats. Que reste-t-il de sens pour ces existences Ă  peine majeure ?

    LittĂ©rature du mouvement, littĂ©rature du dĂ©part et du retour, de la fuite, de la recherche et de l’abandon
 En Ă©crivant Ă  propos des hommes creux qu’aucune complĂ©tude jamais ne sauvera, Philippe Soupault fut le prĂ©curseur de l’existentialisme et de l’absurde, de Sartre et de Camus, mais aussi celui du silence et de l’ermitage littĂ©raire. Car il ne cria jamais contrairement Ă  ceux qui le suivirent.

    Tous les romans citĂ©s dans cet Ă©pisode sont trĂšs bien pour dĂ©couvrir le travail de l’auteur ! Pourquoi pas En joue ! pour ceux qui ont dĂ©jĂ  lu Le Feu follet de Pierre Drieu la Rochelle.

    Cet Ă©pisode est une reprise d’un article Ă©crit pour la @revuemenestrel

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  • OP – Épisode 11 : Les contes mĂ©taphysiques (L’auberge Parpillon et autres contes (1945-1994), NoĂ«l Devaulx)

    Au lendemain de la guerre s’élĂšve une voix nouvelle en littĂ©rature, « celle de NoĂ«l Devaulx (1905-1995) qui est l’une des plus dignes d’ĂȘtre remarquĂ©e » (GaĂ«tan Picon). Cette voix, c’est celle d’un nouveau fantastique, celle d’une lente dĂ©rĂ©liction du rĂ©el, Ă  la fois sans heurt et morbide, banale et fantasmagorique.

    Dans son format de prĂ©dilection, Ă  savoir le conte, NoĂ«l Devaulx va bĂątir en un demi-siĂšcle l’une des Ɠuvres les plus singuliĂšres, les plus imagĂ©es, paraboliques, allĂ©goriques de sa gĂ©nĂ©ration. Il va aussi devenir l’un des Ă©crivains les plus injustement oubliĂ©s, se tenant d’ailleurs lui-mĂȘme Ă  l’écart de la vie littĂ©raire, collectionnant pourtant les prix (pour des nouvelles ou pour l’ensemble de son Ɠuvre) et, Ă©videmment, ayant choisi pour s’exprimer le genre littĂ©raire le moins apprĂ©ciĂ© de tous.

    Dans ses contes se multiplient les apparitions de l’étrange, du surnaturel, du bizarre. Bal masquĂ©, rĂ©union vampirique, pacte faustien, belle-mĂšre volante, squelette enchanté  La liste est longue ! Si beaucoup de textes empruntent Ă  des symboles dĂ©jĂ  verts, il ne faut pas nĂ©gliger le pouvoir rĂ©novateur de Devaulx. Prosateur indubitable, il est Ă  la fois maĂźtre de la mĂ©taphore et de la dignitĂ©, empreint d’une mĂ©taphysique vouĂ©e Ă  la mort et Ă  l’incomprĂ©hension – cette incomprĂ©hension qui est la nĂŽtre tant les rĂ©cits de Devaulx sont impĂ©nĂ©trables et pourtant limpides.

    Entrer en Devaulx c’est croire sans fin Ă  une rĂ©vĂ©lation impossible.

    Le Pressoir Mystique est Ă  mon avis le meilleur recueil mais L’auberge Parpillon, Bal chez AlfĂ©oni ou Le visiteur Insolite sont d’excellents livres pour dĂ©couvrir le travail de l’auteur.

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  • OP – Épisode 10 : Plaisirs captifs (L’apprenti (1946), Raymond GuĂ©rin)

    Monsieur HermĂšs a une sale habitude : il a l’Ɠil qui traine sur les voisins, surtout des couples, surtout aux moments oĂč l’esprit se met en sourdine pour laisser Ă  la chair ses droits et ses devoirs.

    C’est un peu la faute de Monsieur Papa et de Madame MĂšre aprĂšs tout. Ce sont eux qui l’ont envoyĂ© dans ce maudit palace avec ces clients dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s, son personnel indigent, pour qu’il se forme Ă  la vie. S’il fantasme le soir venu de corps fĂ©minins, s’il se dĂ©goĂ»te parfois, il n’est que victime. C’est Paris ! C’est sa blennorragie ! C’est son hideuse conquĂȘte ! Lui a une piĂšce de thĂ©Ăątre Ă  Ă©crire. Il a une carriĂšre de dramaturge Ă  mener. Mais on le freine, on l’empĂȘche !

    Roman flamboyant dans la monotonie, roman de pĂ©ripĂ©ties absentes mais de l’épopĂ©e d’une langue argotique, vulgaire, crasseuse, roman du jus, du pus, de la suppuration, romans aux sanies terribles et la sentimentalitĂ© dĂ©bordante, c’est une bien Ă©trange Ɠuvre qu’a livrĂ© en 1946 Raymond GuĂ©rin (1905-1955), s’inspirant bien entendu de son existence d’employĂ© d’hĂŽtel.

    Premier volume de son Ébauche d’une mythologie de la rĂ©alitĂ©, il sera suivi de deux autres tomes seulement, l’auteur Ă©tant mort avant d’en arriver au bout.

    C’est aussi l’occasion d’évoquer la condition de l’écrivain prisonnier de guerre (comme tant d’autres), de l’écrivain dĂ©truit par cette guerre, qui va en tĂ©moigner mais que l’ascension du formalisme et du besoin de reconstruire la nation va jeter dans les oubliettes de la mĂ©moire.

    Prisonniers des stalag, prisonniers de la postérité, libérons-les !

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    Chapitres :

    00:00 : La condition de l’écrivain prisonnier

    04:13 : Raymond GuĂ©rin et L’apprenti

    24:00 : Maurice Sachs et l’oubli

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  • OP – Épisode 09 : Le livre d’un dieu
 dĂ©chu (Le Meurtre d’un enfant (1965), Jean Cau)

    Jean Cau se confesse : il a tuĂ© un enfant. Cet enfant, bien sĂ»r, c’est lui-mĂȘme. Il est devenu adulte avec les annĂ©es et a trahi celui qu’il Ă©tait. Il cherche donc Ă  comprendre cet assassinat et Ă  ressusciter – pour un temps seulement – le souvenir d’une existence que le temps n’avait pas pourri.

    Fils d’une famille humble, bientĂŽt secrĂ©taire de Jean-Paul Sartre aux Temps Modernes, Jean Cau va peu Ă  peu perdre ses illusions politiques au contact de l’intelligentsia de gauche qui, selon lui, ne fera dans le secours des humbles que se secourir elle-mĂȘme, c’est-Ă -dire mettre en valeur son humanisme corrompu, rĂ©Ă©crire l’histoire familiale de ses penseurs, en somme cacher sa toute-puissante bourgeoisie pour faire croire au faux dĂ©nuement de ses racines. Mise en scĂšne de soi et abandon du prolĂ©tariat, telles furent les conclusions des annĂ©es existentialistes.

    Intransigeant et en colĂšre, usant d’un style flamboyant, sans cesse mĂ©taphorique, bĂȘchant dans l’argile la plus humble pour y Ă©riger des symboles de grĂące, Jean Cau va tenter de redevenir le dieu qu’il Ă©tait enfant quand l’amour, la guerre et la politique ne l’avaient pas encore dĂ©chu de son omnipotence juvĂ©nile.

    Si l’entreprise est par essence vouĂ©e Ă  l’échec, le livre qu’il bĂątira sera Ă  l’inverse un vĂ©ritable chef-d’Ɠuvre.

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